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Les Comoriens se trompent: ils n’ont ni nation, ni l’État

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Les Comoriens se trompent: ils n’ont ni nation, ni l’État

Leur but aurait dû être l’édification de la nation et de l’État

Par ARM

     Le monde évolue très vite, mais ses idées, lumineuses, sont restées d’actualité. Le regretté Tibor Mende (1915-1984) est l’auteur de l’un des livres les plus éclairants sur le monde contemporain. Il a défini le développement en «original inimitable», expliquant que «dans la plupart des cas, le sous-développement est vécu aujourd’hui par des non-Occidentaux. Mais la plupart de ceux qui analysent ses symptômes ou construisent des théories sur ses origines ou la façon de l’éliminer sont des Occidentaux ou des intellectuels occidentalisés appartenant aux pays économiquement arriérés. C’est un des aspects les plus remarquables des études d’aujourd’hui très nombreuses qui sont consacrées au développement. Le loisir, les sentiments humanitaires, le goût de la synthèse aussi bien que le plaisir d’appliquer des outils mathématiques avancés à des tâches apparemment réalistes, tout cela a joué un rôle. Une ignorance relative de l’histoire des pays sous-développés a permis de croire aisément que leur situation présente ou passée ressemble aux étapes antérieures des États actuellement avancés sur le plan technologique»: Tibor Mende: De l’aide à la recolonisation. Les leçons d’un échec, Éditions du Seuil, Collection «L’Histoire immédiate», Paris, 1972, p. 31.

Cette ignorance conduit à éluder les questions dérangeantes sur la viabilité et la validité de la qualité d’État à des entités politiques n’ayant aucune tradition étatique, et de la nation à des groupements humains dont les membres n’ont aucune volonté de vivre ensemble. Les Comores sont un cas sui generis d’un pays sans nation, ni État. Or, personne ne s’interroge sur l’absence flagrante d’une tradition d’État dans ce pays où prévaut non pas le sentiment national, mais l’insularité, l’esprit villageois et clanique, exactement comme en Somalie et en Lybie, où une guerre civile a permis de constater qu’il ne suffit pas de réunir par la force sous la même bannière des groupements qui se détestent pour créer une nation et un État.

Nonobstant le discours officiel, l’autoglorification, l’autocélébration et les résolutions des organisations internationales, on classe les Comores dans la catégorie infamante des pays qui, du fait de leur manque de sérieux et de crédibilité, ne remplissent pas les conditions effectives de l’État: «Somalie, Grenade, Panama, Centrafrique, Cambodge, Comores peuvent être donnés en exemple d’entités qui sont ou ont été à certains moments des caricatures d’États souverains»: Monique Chemillier-Gendreau: Humanité et souverainetés. Essai sur la fonction nouvelle du Droit international, Éditions La Découverte, Collection «Textes à l’appui», Série «Histoire contemporaine», Paris, 1995, p. 71. Les mêmes Comores sont classées dans la catégorie, toujours infamante et maudite, des «décolonisations manquées»: Pierre-François Gonidec et Tran Van Minh: Politique comparée du Tiers Monde. Visages du Tiers Monde et forces politiques, Éditions Montchrestien, Paris, 1980, p. 122.

En 2001, «les bons et vrais Comoriens», connus pour être des bien-pensants et des chantres de la bien-pensance, ont maudit mon premier livre, même si la véracité du propos a fait de celui-ci un grand classique des études institutionnelles et politiques sur les Comores: ARM: Comores. Les institutions d’un État mort-né, L’Harmattan, Paris, 2001 (375 p.). 20 ans après, rien n’a changé, et j’ai écrit un autre livre pour expliquer, arguments irréfutables à l’appui, qu’en plus de l’inexistence de l’État, il y a aussi l’absence de la nation dans ce pays: ARM: Impossible nation, introuvable État aux Comores, L’Harmattan, Paris, 2021 (576 p.). J’ai écrit en quatrième de couverture de ce dernier ouvrage: «La terre comorienne n’est pas si hostile aux arbres nation et État, mais les jardiniers que sont les pouvoirs publics arrosent ces arbres avec les eaux de la haine, du mépris, de l’incivisme et de l’insouciance, tuant les deux plantes et stérilisant le sol». Si quelqu’un réfute cette thèse, qu’il dise au peuple pourquoi son pays est dans les bas-fonds de la misère noire, du dénuement total et de la dictature d’un tyran inculte qui se bat dans les cérémonies de mariage pour dire le mot de remerciement à l’assistance et pour diriger la prière dans des mosquées qui se vident dès qu’il s’y approche.

Les Comoriens traitent à la légère le sujet de l’État et de la nation. Ils croient que leur pays, absolument ridicule sur l’espace public mondial, constitue à la fois un État et une nation. Ils ont tort. Les Comores n’ont jamais été une nation. Les Comores n’ont jamais formé un État.

Avant l’arrivée de la France aux Comores, chaque île vivait à part, et n’entretenait avec les îles voisines que des relations de guerre et de domination. Le sentiment national n’a jamais existé chez les Comoriens. La Grande-Comore avait de 7 à 12 Sultanats. Son unité politique était assurément utopique. La désignation de son Sultan Tibé (pour toute l’île) était très hypothétique. Les îles voisines avaient chacune au moins deux Sultanats. Fait parfaitement révélateur et édifiant, le traité du 25 avril 1841 par lequel Mayotte est placée sous l’autorité de la France ne mentionne nulle part le mot «Comores», encore moins le nom de l’une des îles voisines. Le mot «Comores» est également absent dans les traités qu’ont signés les trois autres îles avec la France, traités sur lesquels on ne retrouve que «Mayotte», pour «le Commandant de Mayotte», puisque c’est cet officier français qui négociait pour son pays.

La création de l’entité politique «Comores» en 1912 n’a pas apporté le sentiment national. L’autonomie interne a été une longue suite d’humiliations et de vexations envers les Mahorais et les Mohéliens, créant un sentiment de rejet des Comores à Mayotte et à Mohéli, sans créer la fraternité entre la Grande-Comore et Anjouan. La proclamation de l’indépendance des Comores, le 6 juillet 1975, a aggravé le problème, et a suscité les haines qu’alimentent au quotidien des dirigeants criminels, insouciants et incultes, qui ne s’intéressent qu’au pouvoir et à l’argent. Chaque île se limite à ses horizons, et sa population hait et rejette celle des autres îles, dans le mépris. La «supériorité raciale et insulaire» est décrétée par Anjouan et la Grande-Comore. Si les choses restent en l’état, l’implosion des Comores est inévitable. Nous sommes certains Comoriens à en discuter sur les voies et moyens d’éviter ce désastre, pendant que d’autres creusent le ravin de la haine et de la division. La situation est très grave.

S’agissant de l’État, le vide est abyssal. Il n’y a jamais eu d’État aux Comores, malgré la présence du territoire (des cailloux très mal gérés), de la population (700.000 habitants) et des bureaux occupés par les protégés stériles de la dictature du moment. L’État est un ensemble de services publics devant satisfaire les besoins d’intérêt général. On présente «le service public comme titre de compétence»: «Puisque l’État est aussi un ensemble de services publics dirigés par les pouvoirs publics (gouvernement), la doctrine française soutient qu’il est investi en outre d’une compétence au titre des services publics, aux fins de les organiser, de les faire fonctionner et de les défendre. C’est à Jules Basdevant que reviennent la constatation et la mise en œuvre de ce troisième titre de compétence étatique»: Mathias Forteau, Alina Miron, Alain Pellet, Nguyen Quoc Dinh et Patrick Daillier: Droit international public, 9ème édition, LGDJ et Lextenso, Paris, La Défense, 2022, p. 717.

Quel est le seul service public qui fonctionne aux Comores? Il n’y en a aucun!

Alors, au lieu de chanter et de danser parce que le dictateur fou Assoumani Azali Boinaheri est devenu le Président en exercice de l’Union africaine, une organisation regroupant les pires tyrans et kleptocrates de la Terre, et au lieu de s’entretuer pour un pouvoir apportant l’argent à des dictateurs et la misère noire à un peuple détruit, les Comoriens gagneraient à créer tout d’abord un État, une nation et un Droit positif. Leur pays n’a rien de tout ça.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Lundi 20 février 2023.


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