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Ali Hassanaly, grand commis de l’État, est mort

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Ali Hassanaly, grand commis de l’État, est mort

C’est un homme au grand cœur que le pays a perdu

Par ARM

«Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint: “Certes nous sommes à Allah, et c’est à Lui que nous retournerons”. Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde; et ceux-là sont les biens guidés» (II, La Vache, 155-157).

     Ali Hassanaly, hélas!

Ce mercredi 29 novembre 2023, Ali Hassanaly a fini son existence terrestre. Il est mort comme il a vécu: dans la sérénité et la dignité, laissant derrière lui des milliers de nostalgiques et des personnes qui lui savent gré de sa simplicité, humanité et bonté.

Au début des années 1960, il faisait partie des premiers Comoriens admis au Baccalauréat à Paris, ville où il a fait ses études supérieures d’administrateur, ayant eu parmi ses camarades de promotion de futurs dirigeants d’Afrique et de France, dont une future ministre française ayant été à la tête de trois ministères régaliens ou de souveraineté, et qu’il avait accueillie à Mayotte au début des années 1970, quand il était Préfet de l’île. Il était resté en contact avec elle toute sa vie.

Justement, il avait été le dernier Préfet de Mayotte avant l’indépendance des Comores. Au cours de cette période tumultueuse, il n’avait eu de cesse d’attirer l’attention des dirigeants des Comores sur leur faute gravissime consistant à ignorer que la majorité des Mahorais était contre l’indépendance, le futur «État» comorien et l’appartenance de leur île à ce dernier. Il ne s’était trouvé aucune autorité à Moroni pour l’écouter et pour le prendre au sérieux. De façon tout à fait logique, Mayotte est restée dans la souveraineté de la France, quand, le 6 juillet 1975, dans la précipitation, la proclamation de l’indépendance des Comores a été faite de manière unilatérale.

Ali Hassanaly rentra chez lui à Mohéli.

Comme on sait, Ali Soilihi avait organisé ce qui devait être son propre plébiscite, le 28 octobre 1977, alors que la population de Mohéli était déjà excédée par la misère noire et la dictature: «Ce qui signifie que de nombreux villages ne votèrent pas. L’île même de Mohéli refusa la manipulation électorale d’Ali Soilih et ne lui accorda que 3% des voix. Bien difficilement on bourra les urnes. Par vengeance, le chef d’État révolutionnaire interdit toute circulation dans l’île pendant quinze jours entiers, puis y envoya ses commandos. Pendant six mois Mohéli subit la terreur Mapindrouzi […]»: Jean Charpantier: Le régime d’Ali Soilih, Moroni, 1975-1978: analyse structurelle, (Troisième partie), Le Mois en Afrique n°221-222, juin-juillet 1984, Paris, p. 31.

Les autres îles avaient voté pour le maintien d’Ali Soilihi au pouvoir.

Quelques semaines plus tard, toute la classe politique de Mohéli a été déportée à la Grande-Comore, après avoir subi des violences physiques et morales, obligée de faire à pieds le trajet de Fomboni à Nioumachoi, soit plus de 20 km, sous la violence et la menace des armes du sinistre Commando Moissi, dont tous les membres étaient de la Grande-Comore. Ali Hassanaly faisait partie des victimes de cette opération d’épuration ethnique: «La révolte de Mohéli ne fait l’objet d’aucune mention dans les agences de presse. Pourtant, après le vote du référendum, l’île se met en état de contestation totale à l’égard du pouvoir central et des comités […]. Il fait envoyer un détachement de l’armée à Nioumachoua le 28 décembre 1977 pour rétablir l’autorité. La répression sera sévère: au moins une centaine de récalcitrants seront déportés dans le Sud de la Grande-Comore et le vice-président Mohamed Hassanaly coupable de sympathie pour ses concitoyens est mis en résidence surveillée dans sa maison de Mrodjou»: Emmanuel Vérin: Les Comores dans la tourmente: vie politique de l’archipel, de la crise de 1975 jusqu’au coup d’État de 1978, APOI, volume X, 1984-1985, publié en 1989, p. 86.

Au lendemain du coup d’État du 13 mai 1978 contre Ali Soilihi, Ali Hassanaly est nommé Directeur général de l’Imprimerie nationale. En 1985, il est désigné ministre de la Santé. Il s’y distingua en étant le ministre comorien ayant formé le plus grand nombre de cadres, notamment dans le domaine de Médecine, de la Santé publique et d’autres secteurs connexes ou non. C’est également l’époque où il a réparé la grave injustice statutaire et salariale que subissait le personnel des hôpitaux et des dispensaires des Comores.

Par la suite, quand Mohéli réclamait l’équilibre des pouvoirs entre les îles en 1990-1992, il avait naturellement pris fait et cause pour son île, en opposition à sa propre formation partisane, contrairement aux futurs politiciens mohéliens, qui ne sont obsédés que par leurs petits intérêts personnels. Ce qui lui avait valu d’être chassé de son parti politique, l’Udzima: «Ali Hassanaly a été déclaré persona non grata par l’Oudzima. La section régionale du parti l’a déjà exclu»: A. Mdahoma et M. Hassani: Omar Tamou: rendez-vous aux législatives (entretien), Al-Watwany n°175, Moroni, 14-20 septembre 1991, p. 12.

Il finit sa carrière comme Ambassadeur en Libye. J’étais au Maroc à l’époque. Je me souviens de cette période, où il m’appelait régulièrement à 4 heures du matin pour des concertations sur un sujet qui nous est cher en commun: la formation supérieure des jeunes de Mohéli à l’étranger.

Je l’ai retrouvé par la suite à Paris, à Mohéli, et enfin, en mars 2020, à Mamoudzou, Mayotte, où, par prémonition, il me parlait en quelque sorte, de son testament politique et social. Cela me faisait peur parce que j’avais la nette impression qu’il me disait que nous n’allions plus nous revoir. C’est ce qui s’est passé.

C’est un homme qui aimait les autres. Quand il travaillait à Moroni, n’importe qui pouvait aller s’installer chez lui, «l’Ambassade», comme on disait. Il recevait tout le monde.

C’est un homme d’une bonté infinie qui est parti.

En cette douloureuse circonstance, nous présentons nos sincères condoléances à toute sa famille, à ses proches, à son entourage et à toute personne affectée par ce décès qui nous enlève un homme d’une grande valeur, un humaniste.

«Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint: “Certes nous sommes à Allah, et c’est à Lui que nous retournerons”. Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde; et ceux-là sont les biens guidés» (II, La Vache, 155-157).

     Nous prions Dieu pour que, dans Sa Clémence et Miséricorde, Il accueille le disparu dans Sa Demeure éternelle du Paradis.

© www.lemohelien.com – Jeudi 30 novembre 2023.


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