Où en est l’étrange et horrible tombola du 16 mai 2015?
Après l’hypocrisie des mêmes acteurs politiques, le sauve-qui-peut
Par ARM
Les Comoriens aimeraient tant savoir ce qui se passe dans la tête des membres les plus bruyants, brouillons, remuants et rampants de leur classe politique. Trop de choses se passent, trop de choses se disent et sont dites par ces derniers dans l’unique but d’exister en politique, quand leurs chances d’être des acteurs politiques valables ont fondu comme neige au soleil. Et c’est ainsi que chez les Comoriens, la date du samedi 16 mai 2015 est à jamais associée à une des plus grandes mascarades politiciennes de l’Histoire contemporaine de leur pays. En effet, le samedi 16 mai 2015, dans un délire total, des politiciens grands-comoriens, en présence d’Ahmed Sambi, tinrent meeting dans une petite salle de réunion de Paris pour dire que ce dernier, qui avait été élu Président de la République en 2006 en tant qu’Anjouanais, pouvait se présenter à l’élection présidentielle de 2016, ouverte aux seuls Grands-Comoriens. Les mêmes chefs de partis avaient dit être prêts, la mort dans l’âme, à sacrifier leurs propres ambitions présidentielles pour faire d’Ahmed Sambi leur candidat. Dans cette joyeuse zaouïa, il y avait Achiraf Saïd-Hachim, Président de CADIM, Saïd Larifou, Président du RIDJA, Fahmi Saïd Ibrahim, Président du Parti de l’Entente comorienne (PEC), et Idi Nadhoim, Président d’ADD Zam-Zam. Trop de choses ont été dites ce jour pour faire allégeance à Ahmed Sambi, les genoux à terre.
Pourtant, comme toujours, «la nuit du menteur n’a pas tardé à céder la place au jour» (proverbe mohélien). Dès le lendemain, les spécialistes de la génuflexion ont été interpellés par leurs partisans, qui ne comprenaient pas ce dévoiement humiliant. Le premier de cette joyeuse confrérie à s’apercevoir que la nuit avait très rapidement cédé la place au jour a été Achirafi Saïd-Hachim, qui, dès le mercredi 3 juin 2015, lors de l’émission Grand Débat animée par Francis Laloupo sur la Radio Africa n°1, tuait les ambitions présidentielles d’Ahmed Sambi de la plus horrible des manières. Quand Francis Laloupo lui demanda «donc votre candidature à vous, pour bien comprendre, se situe aujourd’hui, essentiellement, dans l’île de la Grande-Comore?», il répondit: «Absolument! Parce que c’est là où échoit la tournante, et je suis Grand-Comorien, je me suis donc porté candidat». En d’autres termes, «il y a deux semaines, je soutenais la candidature d’Ahmed Sambi, aujourd’hui je la rejette et je soutiens la mienne propre, moi qui suis Grand-Comorien». Si seulement Achiraf Saïd-Hachim s’était arrêté là. Mais, il ne s’est pas arrêté là. Il a ajouté contre Ahmed Sambi que «sa candidature se situe dans un contexte politique marqué par deux présidences placées sous le signe de la déliquescence des institutions et de l’influence islamiste grandissante aux Comores». Il tua définitivement l’ancien dictateur en disant: «Aujourd’hui aussi, l’avènement du Président Sambi, qui est arabisant, mais pas seulement arabisant, a eu tendance à favoriser l’arrivée dans notre pays de certains pays radicaux. Je veux citer la Lybie, le Soudan, l’Iran. Ça a permis un renforcement de l’extrémisme religieux, dont nous commençons à nous inquiéter. Les Comores sont classées “zone à risque” malheureusement. Et cela est dû non seulement à la présidence du Président Sambi, mais également au Colonel Azali». Charmante amitié. Très belle amitié.
L’intarissable Achiraf Saïd-Hachim continua sa mise à mort d’Ahmed Sambi, et cette fois-ci, il le fait sur le site Mondafrique: «La candidature du Président Sambi pose problème en ce qu’elle semble contrevenir au principe de la tournante à la tête de la présidence de l’Union entre les trois îles. Le président Sambi ayant accompli son mandat au nom d’Anjouan, il ne peut en principe pas se présenter à cette élection puisque la présidence doit normalement revenir en 2016 à un ressortissant de la Grande Comore». Il enfonça le clou en ces termes: «On peut affirmer sans aucune hésitation qu’il existe une menace islamiste aux Comores. Déjà lors des attentats perpétrés en novembre 2013 contre le centre commercial de Nairobi West Gate, on avait compté un Comorien parmi les assaillants. Ensuite, sous le président Sambi, le pays a entretenu d’étroites relations avec des régimes radicaux comme l’Iran, la Libye, la Syrie. L’islam radical a su profiter de cette période et le danger de cette radicalisation existe aujourd’hui encore». Drôle de façon de soutenir un acteur politique.
Et il y a Fahmi Saïd Ibrahim, «le juriste» qui jurait qu’Ahmed Sambi pouvait bel et bien être candidat à l’élection présidentielle de 2016 pour briguer la magistrature suprême des Comores. Le 10 septembre 2015, Fahmi Saïd Ibrahim est au micro d’Anziza Mchangama, correspondante de Radio France Internationale (RFI) à Moroni, et parle de la candidature d’Ahmed Sambi: «Il échoit, cette fois-ci, à la Grande-Comore d’organiser les primaires. Nous sommes tous d’accord. Mais, nulle part, ni dans la Constitution, encore moins dans le Code électoral, il a été stipulé qu’il faille être natif de la Grande-Comore, de Mohéli, de Mayotte ou d’ailleurs. Non! Nous sommes catégoriques là-dessus. Aucune condition sur l’origine insulaire du candidat n’est mentionnée. Je mets au défi quiconque de le prouver et le contraire de ce que nous disons là. La Constitution est claire: c’est la primaire qui doit tourner, et n’importe quel Comorien peut se présenter. Mais, je vois qu’uniquement la candidature du Président Sambi irrite le pouvoir en place. Je pense qu’il y a des arrière-pensées politiques et qu’on veut habiller une interprétation constitutionnelle erronée mais qui ne reflète pas la réalité. Nous laisserons la Cour constitutionnelle statuer». Elle a statué…
Ce qui fait rire, c’est que «le juriste» Fahmi Saïd Ibrahim ne croyait pas un mot de son propre discours. Il parlait ainsi pour amuser le tapis et dire ce qu’Ahmed Sambi avait envie d’entendre. La preuve? Il a présenté sa propre candidature pour parer à l’éventualité de l’invalidation de la candidature de la future nounou de sa candidature-biberon. En effet, un bon juriste, sûr de son fait n’aurait jamais présenté une candidature de remplacement, au cas où… Si Fahmi Saïd Ibrahim était sincère avec Ahmed Sambi, il n’aurait jamais envisagé sa propre candidature. Et s’il l’a fait, c’est parce qu’il savait qu’il enfumait la future nounou de sa candidature-biberon.
Et, Hamada Madi Boléro apporte un éclairage nouveau sur la manière par laquelle Fahmi Saïd Ibrahim a enfumé Ahmed Sambi pour qu’il soit la nounou de sa propre candidature-biberon: «En mai 2015, j’étais en visite à Antananarivo, sur l’île de Madagascar, en compagnie de Mmadi Ali, alors Conseiller privé du Président Ikililou Dhoinine. Un jour, nous étions accompagnés de Caambi El Yachouroutu Mohamed, Ambassadeur des Comores à Madagascar, et nous avions été reçus par les Ambassadeurs des États-Unis d’Amérique et de la Fédération de la Russie, deux pays dont les Ambassadeurs accrédités aux Comores ont leur résidence à Antananarivo. […]. Au cours de l’entretien, l’Ambassadeur de Russie me demanda à brûle-pourpoint, mais je sentais qu’il avait bien mûri sa question: “Connaissez-vous un Député qui s’appelle Fahmi Saïd Ibrahim?”. Je répondis par l’affirmative, et toujours en présence du Conseiller Mmadi Ali et de l’Ambassadeur Caambi El Yachouroutu Mohamed. L’Ambassadeur de Russie enchaîna: “À Paris, le Député Fahmi Saïd Ibrahim (ainsi qu’un autre candidat à l’élection présidentielle comorienne de 2016) s’est adressé à l’Ambassadeur de Russie en France et lui a expliqué qu’il serait candidat aux élections présidentielles aux Comores et qu’il souhaiterait que la Russie l’aide en lui accordant une grosse somme d’argent dans la perspective de l’élection présidentielle. En contrepartie, Fahmi Saïd Ibrahim a dit à l’Ambassadeur de Russie que la Russie aurait ‘carte blanche’ aux Comores s’il était élu Président”. […]. Ensuite, l’Ambassadeur russe lui a posé la question suivante: “Mais, vous êtes bien Fahmi Saïd Ibrahim, celui qui soutient la candidature de l’ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, non?”. Et Fahmi Saïd Ibrahim a répondu du tac au tac: “Oui, mais Ahmed Abdallah Mohamed Sambi ne sera jamais candidat en Grande-Comore: il est Anjouanais, et la tournante est en Grande-Comore”. Pourtant, jusqu’à une date récente, il s’était transformé en avocat de la candidature d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi» (www.lemohelien.com, interview du mardi 19 janvier 2016). Quelle sincérité! Comme il fallait s’y attendre, Ahmed Sambi est éliminé et il a misé sur Fahmi Saïd Ibrahim.
Et s’il fallait parler de Saïd Larifou, il suffirait tout juste de dire qu’il a oublié le discours du samedi 16 mai 2015 et qu’il est candidat de son Parti, le RIDJA, loin du parti politique d’Ahmed Sambi, le Parti Bidoche. Bon courage, Messieurs. Persévérez dans «la franchise».
Tout ceci nous apprend quoi? Une seule chose: les Comoriens doivent se méfier des gens qui ne respectent pas leur propre parole, qui parlent d’une chose tout en pensant à une autre, qui changent de discours chaque matin, et qui pensent à leur poire et non au peuple. Comment peut-on logiquement placer à la Présidence de la République un champion du double langage et de la duplicité?
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Samedi 30 janvier 2016.