La nounou Ahmed Sambi et le légendaire clou de Joha
Le chaperonnage de candidatures par l’ex-dictateur fait pschitt
Par ARM
Joha avait une maison. À un moment donné, il décida de la mettre en vente. Il arriva à se mettre d’accord avec un acquéreur, à qui il dit: «Je te vends ma maison, mais à une condition: tu ne dois pas arracher mon clou, ce clou sur le mur. Cela étant, je passerai chaque jour vérifier que tu n’as pas touché à mon clou. Tu es d’accord?». «Je suis d’accord, Joha», avait répondu l’autre. La maison vendue, le lendemain, Joha se présenta comme convenu chez le nouveau propriétaire: «Je suis venu voir mon clou». «Bienvenue, Joha. D’ailleurs, ça tombe bien parce que nous passons à table. Accepte de manger quelque chose avec nous, s’il-te-plaît». «D’accord, comme vous insistez, je vais manger quelque chose avec vous». Et depuis, chaque jour, à l’heure du manger, Joha se présentait devant son ancienne maison «pour voir son clou», jusqu’à ce que le nouveau propriétaire comprenne qu’il devait nourrir à vie l’ancien maître des céans dans la mesure où il passait chaque jour dans son ancienne maison à l’heure du repas «pour voir son clou», et qu’on ne refuse pas le repas à un passant. Cette situation ne vous rappelle-t-elle pas quelqu’un aux Comores? Si. Qui? Ahmed Sambi. En effet, Ahmed Sambi est sur le sentier de Joha. Il a toujours voulu faire comme Joha et son clou. Depuis 2007, il veut imiter Joha.
Depuis 2007, donc. En effet, il s’est mis en tête l’idée de devenir le Joha comorien. C’est ainsi qu’il décida de soutenir la candidature de Mohamed Abouloihabi, l’ancien Directeur de son Cabinet chargé de la Défense, lors de l’élection à la Présidence de l’île autonome de la Grande-Comore. Et Mohamed Abdouloihabi a été élu. Naïvement, Ahmed Sambi croyait qu’il allait pouvoir faire de Mohamed Abdouloihabi un fantoche et lui faire faire tous ses caprices et fantasmes. Mais, Mohamed Abdouloihabi refusa d’être transformé en pantin, et exerça toutes les prérogatives que lui attribue la Constitution. Ce fut tintin pour Ahmed Sambi. Tintin! Ulcéré, humilié et aigri, Ahmed Sambi s’employa à asphyxier la Présidence de la Grande-Comore par les procédés les plus ignobles, les plus barbares et les plus infantiles, allant jusqu’à jeter en prison les collaborateurs de Mohamed Abdouloihabi. Par sa rancune morbide, il paralysa l’appareil d’État à partir de la Présidence de la plus grande des îles de l’Union des Comores, et Mohamed Abdouloihabi tint bon jusqu’au 23 mai 2011, date de la fin de son mandat et de l’entrée en fonction de l’inégalable et inimitable Mouigni Baraka Saïd Soilihi.
Mohamed Abdouloihabi refusa un clou de Joha à la Présidence de l’île autonome de la Grande-Comore parce qu’il ne pouvait accepter d’être téléguidé, d’être infantilisé, et il se dirigea directement vers le clash avec un Ahmed Sambi dont il venait de découvrir le caractère foncièrement mensonger à travers tous les efforts qu’il déployait pour faire balancer les Comores dans la zone d’influence chiite et pour devenir lui-même le grand chef chiite de l’océan Indien occidental.
Avec Ikililou Dhoinine, les choses se passèrent à peu près de la même manière. En 2006, dans la perspective de l’élection présidentielle, Ahmed Sambi demanda à ses amis de Mohéli de lui trouver sur l’île quelqu’un qui ne traîne aucune casserole, et on lui présenta le Docteur Ikililou Dhoinine, qui devint son colistier à Mohéli et son Vice-président. Très peu porté sur les bavardages inutiles, le Vice-président Ikililou Dhoinine n’a pas fait des vagues, et en son for intérieur, Ahmed Sambi se réjouit de le choisir comme dauphin, croyant pouvoir le manipuler à loisir s’il est élu. C’est ainsi que l’ancien dictateur fit passer à la trappe les fidèles Fouad Mohadji et Mohamed Larif Oucacha, et soutint son Vice-président Ikililou Dhoinine, qui fut élu Président de la République le 26 décembre 2010. Ahmed Sambi planta un premier clou de Joha dans la maison en faisant attendre le Président élu pendant 6 mois avant de le laisser s’installer à la Présidence de la République le 26 mai 2011. Par la suite, après son départ de la Présidence, il s’employa à réclamer une place de Guide suprême de la République, un poste qui n’existe pas dans la Constitution comorienne. Il voulait même que ça soit une loi qui le nomme à ce poste qui le situerait à un niveau supérieur à celui de Président de la République, chef de l’État. Ce deuxième clou de Joha a été rejeté par le Président Ikililou Dhoinine, qui lui proposa un poste d’envoyé personnel du chef de l’État en cas de mission auprès des chancelleries pour le traitement de certains dossiers. Naturellement, le Joha comorien refusa. Par la suite, quand, le 12 octobre 2012, le Président Ikililou Dhoinine nomma Hamada Madi Boléro Directeur de son Cabinet chargé de la Défense et quand il s’employa à prendre manifestement ses distances à l’égard du Joha comorien, la rupture intervint dans la douleur pour un homme qui croyait arriver chez les autres aux heures de repas et se faire nourrir gratuitement à vie. Depuis, c’est la haine bestiale…
On a vu un Ahmed Sambi désemparé chercher une nouvelle maison où il pouvait planter un nouveau clou de Joha, au cas où lui-même ne serait pas autorisé à déposer sa candidature à l’élection présidentielle de 2016. Il jeta son dévolu sur son «enfant gâté», le Caporal Bourhane Hamidou, et sur Fahmi Saïd Ibrahim, son «juriste», l’émérite pionnier de la candidature-biberon. Que cherche Ahmed Sambi? Une troisième déconvenue, un troisième facteur de larmes d’échec. C’est ainsi que le jeudi 21 janvier 2016, le jour même de l’ouverture de la campagne électorale, ses véhicules de propagande mensongère et haineuse firent découvrir une vidéo dans laquelle l’homme atteint de diarrhée verbale radote en ces termes: «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Honorables Comoriens partout où vous trouvez, vous qui êtes aux quatre îles de l’Archipel des Comores, et vous qui êtes hors des îles Comores, que Dieu vous protège. J’ai l’honneur de m’adresser verbalement à vous aujourd’hui pour vous dire que nous voilà entrés dans une ère appelée campagne électorale. Et la signification de cela, c’est que, toute personne qui veut être choisie, être élue en cette période, doit se présenter au public et exposer ses idées et ses programmes. Moi, je ne suis pas candidat, mais je soutiens des frères qui sont candidats. Je souhaite saisir cette occasion en or pour dire aux Comoriens qu’un moment pareil est un moment important et en même temps un moment dangereux pour un pays entré dans processus électoral. Une élection présidentielle est importante, l’élection des Gouverneurs est importante, et chaque élection est importante. Mais, celles-ci sont encore plus, plus importantes. Cela étant, j’ai voulu, en premier lieu, présenter les frères que de par mon intelligence et par mon expérience et les êtres humains que je vais aider. En premier lieu, je voudrais vous présenter le frère Fahmi Saïd Ibrahim, que nous devons courir pour le faire élire, si Dieu le veut, Président des Comores. Mon intelligence et mon expérience des hommes et la vie que j’ai vécue avec les hommes m’incitent à le soutenir lui, et il a pour colistier à la Grande-Comore, le frère Djaanfar Mohamed Mansoib, et son colistier à Anjouan Mohamed Bacar Dossar, et son colistier à Mohéli, Mohamed Elhad. Je souhaite vous présenter également les frères qui sont choisis par le Parti Juwa, un parti que vous savez que c’est un grand parti, le frère Ahmed Abdallah Salim ici à la Grande-Comore, le frère Salami ici à Anjouan, et le frère Saïd-Ali Hilali là-bas à Mohéli. Je souhaite vous demander d’agir pour placer ces gens-là à ces postes de responsabilité, et Dieu nous accordera des bienfaits, s’Il le veut».
On retrouve bien là son mépris comme quand il disait du Gouverneur Anissi Chamssidine, qu’il était originaire de «là-bas, dans la campagne». En effet, quand il s’agit des candidats à la Grande-Comore et à Anjouan, il dit «ici à la Grande-Comore», «ici à Anjouan», mais quand il s’agit de Mohéli, il dit «là-bas à Mohéli». Et puis, normalement, il ne lui appartenait pas de présenter des candidats puisque lui-même n’est pas candidat; il appartenait à Fahmi Saïd Ibrahim, en tant que chef de file, de présenter les candidats qui sont avec lui. Puisque Fahmi Saïd Ibrahim a une bouche et l’usage de la parole, il n’appartenait pas à quelqu’un d’autre de lui servir de nounou, de chaperon et de bouche, mais à lui-même d’affirmer son existence politique sans avoir à se cacher derrière la bouche de quelqu’un d’autre. Personne n’a vu le Président Ikililou Dhoinine faire la présentation des candidats de sa famille politique. En adultes, les candidats du pouvoir politique actuel ont tenu à s’affirmer eux-mêmes sur l’espace public. Avec Ahmed Sambi et ses hommes, on se retrouve donc dans une logique de clou de Joha: «Voici mes candidats», comme Joha disait «voici mon clou». Et dans tous les milieux comoriens, une inquiétude circule: «Fort heureusement, les candidats d’Ahmed Sambi ne seront pas élus parce que s’ils l’étaient, nous serions tous morts». Certains Comoriens vont jusqu’à dire que «si les gens d’Ahmed Sambi sont élus, nous serons obligés de fuir les Comores parce qu’ils installeraient dans notre beau pays la pire des dictatures revanchardes. Nous ne devons pas faire des choix qui nous obligeraient à fuir notre pays. Nous ne sommes pas frappés de malédiction au point d’en arriver là». Mais, la fuite des Comores n’est pas une fatalité: il suffirait que les Comoriens comprennent qu’un homme qui parle de sa propre «intelligence» est un dangereux mégalomane, un mégalomane à qui il ne faut pas donner le pouvoir, même par personnes interposées. Si les Comoriens ne veulent pas d’un Joha chez eux, il suffirait de ne pas lui donner le clou et le marteau pour enfoncer celui-ci dans le mur.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Dimanche 31 janvier 2016.