Assoumani Azali pervertit le secrétariat général du gouvernement
À décret paternel anticonstitutionnel, un contenu anticonstitutionnel
Par ARM
Le décret 24-107/PR du 6 août 2024 portant refonte de l’organisation, du fonctionnement et des attributions du secrétariat général du gouvernement de l’Union des Comores est anticonstitutionnel et son contenu est anticonstitutionnel aussi. Sa formulation est irrationnelle parce que, au lieu de «l’organisation, du fonctionnement et des attributions», il aurait fallu parler de «l’organisation, des attributions et du fonctionnement». On organise une institution, on définit ses attributions ou prérogatives et on la fait fonctionner par la suite. Cette mise au point institutionnelle étant faite, maintenant intéressons-nous au fond du décret.
I.- LA DÉFINITION DU STATUT DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DU GOUVERNEMENT RELÈVE DE L’ASSEMBLÉE DE L’UNION ET NON DE LA PRÉSIDENCE
Sur le décret 24-107/PR du 6 août 2024, la première chose qui frappe est sa longueur: 42 articles, certains étant très longs. À titre de comparaison, la Constitution du 23 décembre 2001 n’en compte que 40. Vous imaginez une loi ayant plus de dispositions que la Constitution?
La définition de l’organisation, des attributions et du fonctionnement des institutions publiques est du domaine du pouvoir législatif, l’Assemblée de l’Union, aux Comores. Dans «la non-Constitution de la main coupée et de la mort» du lundi 30 juillet 2018, on lit à l’article 90: «La loi fixe également les règles concernant: […] les statuts des fonctionnaires et des militaires ainsi que les garanties qui leur sont accordées; […]». Il aurait fallu parler des «fonctionnaires civils et militaires», et la formule «des fonctionnaires et des militaires» suggère que les militaires ne sont pas des fonctionnaires, alors qu’ils relèvent du Statut de la Fonction publique militaire, et sont donc des fonctionnaires, des fonctionnaires militaires.
II.- LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU GOUVERNEMENT N’A PAS RANG DE MINISTRE, ET À PLUS FORTE RAISON, CELUI D’UN PREMIER MINISTRE, MÊME SANS LE TITRE OFFICIEL, ET N’EST PAS UN ORGANE POLITIQUE MAIS, UNE INSTITUTION ADMINISTRATIVE
Lisons l’article 2 du décret: «Le Secrétariat Général du Gouvernement (SGG) est un organe administratif permanent qui coordonne l’action gouvernementale et qui évalue les réalisations des différents ministères sur la base de leurs feuilles de route respectives». C’est un travail de Premier ministre.
Plus grave encore, l’article 3 du décret fait d’un fonctionnaire un Premier ministre, dans l’inconstitutionnalité, l’illégalité et la confusion institutionnelle: «Il est du ressort du Secrétariat Général du Gouvernement de guider et d’orienter tout Gouvernement en place en place aux fins de s’assurer de la bonne gestion des affaires des différents départements et notamment de garantir la continuité de l’action gouvernement».
Pis, l’article 6 caporalise les ministres, les plaçant sous l’autorité du secrétaire général du gouvernement, un haut fonctionnaire certes, mais pas un Premier ministre: «Le Secrétariat Général du Gouvernement peut convoquer des réunions interministérielles impliquant deux ou plusieurs ministres pour coordonner une activité transversale dont l’objet concerne lesdits ministères. Les réunions interministérielles sont présidées par le Secrétaire Général du Gouvernement et peuvent être convoquées chaque fois qu’il est nécessaire. Il dresse à chaque fois un compte-rendu de réunion». Ces réunions interministérielles sont des Conseils de Gouvernement, et les Conseils de Gouvernement sont présidés par le Premier ministre, chef du gouvernement. Même la rédaction de cet article pose problème: cet article parle de «deux ou plusieurs ministres», mais évoque par la suite «lesdits ministères». C’est anormal.
On plonge dans le cœur palpitant et saignant de la confusion née de l’amateurisme en lisant l’article 7, qui transforme le fonctionnaire d’une mission purement administrative de transmission de dossiers entre les ministères en Premier ministre, doté d’un statut politique: «Le Secrétariat Général du Gouvernement est dirigé par un Secrétaire Général du Gouvernement (SGG), placé sous l’autorité directe du Président de la République. Le Secrétaire Général du Gouvernement est nommé par décret du Président de la République. Il a rang de ministre et bénéficie des droits et avantages y afférent». Ce «rang de ministre» est un statut politique, donc une usurpation. Par ailleurs, «Afférent» est un adjectif qualificatif. Il doit s’accorder avec les mots qu’il qualifie, à savoir «droits» et «avantages», lesquels mots sont au masculin pluriel. Donc, l’orthographe appropriée est «afférents».
On connaît le souci de faire de Monsieur Fils Nour El Fatah le Premier ministre, même sans le titre officiel, mais la démarche suivie est absolument contestable en Droit.
III.- QUE NOUS DIT LE DROIT SUR LE STATUT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU GOUVERNEMENT?
Comme c’est à la France que les Comores doivent la fonction de secrétaire général du gouvernement, c’est dans le Droit public français que nous allons plonger.
A.- Secrétariat général du gouvernement: «Organisme administratif placé auprès du Premier ministre pour l’aider dans la direction de l’ensemble de l’activité gouvernementale (centralisation de l’action du gouvernement dans l’élaboration des lois et des règlements, secrétariat du Conseil des ministres et autres conseils, direction des services de documentation)»: Serge Guinchard, Thierry Debard et autres: Lexique des termes juridiques 2023-2024 (Collectif), Lefebvre Dalloz, Paris, 2023, p. 983.
B.- Le secrétariat général du gouvernement est «un rouage très important – bien que souvent méconnu – de l’Administration française; il a à sa tête le Secrétaire général du Gouvernement (qui est le plus souvent un membre du Conseil d’État) et comprend essentiellement des juristes. C’est le Secrétaire général du Gouvernement qui permet au Premier ministre d’assurer effectivement la fonction de direction de l’administration.
1.- Il prépare l’ordre du jour du Conseil des ministres, dont il assure le secrétariat, ainsi que la mise en forme des décisions qui y sont prises. Le Secrétaire général du Gouvernement assiste au Conseil des ministres.
2.- Il a en charge la préparation et la coordination des textes élaborés par le Gouvernement. L’arrêté du 25 juin 2018 organise le service de législation et la qualité du droit au Secrétariat général du Gouvernement. C’est lui qui, le cas échéant, transmet les projets de loi ou de règlement aux organismes appelés à donner leur avis sur ceux-ci. Il transmet les projets de loi au Parlement, assure le service de contreseing, etc. Il assure la conservation et l’archivage des décisions.
3.- Il est chargé de la documentation générale du Gouvernement et des services d’études»: Jean Waline: Droit administratif, 28ème édition, Dalloz, Paris, 2020, p. 66.
C.- «Outre son cabinet politique, le Premier ministre est assisté d’un service administratif permanent créé en 1935, le secrétariat général du gouvernement (SGG)»: Pauline Türk: Les Institutions de la Vème République, 2ème édition, Gualino Éditeur, Lextenso Éditions, Collection «LMD», Paris, 2009, p. 72. Donc, le secrétariat général du gouvernement est un «service administratif», soit «un service», et celui-ci est «administratif».
D.- «Le Secrétariat Général du Gouvernement est un organisme chargé d’assurer le bon fonctionnement et la régularité de l’action gouvernementale. Ses missions sont:
– transmettre les instructions du Premier ministre adressées aux ministres;
– contrôler les textes (lois, décrets) préparés par les ministres;
– préparer les réunions du Conseil des ministres;
– assurer la liaison avec les assemblées»: Dominique Grandguillot: Institutions politiques et administratives de la France, 8ème édition 2015-2016, Gualino Éditeur, Lextenso Éditions, Collection «Fac. Universités», Paris, p. 55.
Cette dernière citation nous éclaire ainsi sur le rôle d’assistance du secrétaire général du gouvernement, et ce rôle ne saurait être celui d’un Premier ministre, avec ou sans le titre officiel. Cela signifie que le décret 24-107/PR du 6 août 2024 est, non seulement hors-sujet, mais également anticonstitutionnel, et il pervertit une fonction qui, à l’origine et dans les pays normaux sur le plan institutionnel est instituée pour travailler sous l’autorité du Premier ministre. Or, le décret précité fait du secrétaire général du gouvernement un Premier ministre.
Cette grave faute suscite chez le vrai juriste des interrogations sur les personnes qui sont censées faire un travail de juristes auprès de leur chef, à Moroni. Mais, qu’on ne se trompe pas: cette lourde confusion est voulue, pour faire de Monsieur Fils Nour El Fatah un chef de gouvernement sans le titre officiel.
C’est triste.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Mercredi 7 août 2024.
2 Comments
Madhoune
août 8, 2024 at 5:54Dans le pire , il nait jamas du bien , je me demande pour quoi dénoncer les âneries d’azali en sachant d’avant qu’il est mauvais . Il faut dénoncer les dérapages d’un homme honnête mais jamais d’un homme voué d’avant à l’échec , qui de nous a le meilleur partage?
ARM
août 9, 2024 at 5:18Très bien dit…