Assoumani Azali, de souverain de Droit divin à monarque de mission divine
Autoproclamé «parasol et lance de Dieu», il fixe lui-même les horaires de prières
Par ARM
La première Constitution du Royaume du Maroc date du 7 décembre 1962. Son article 19 dispose: «Le Roi, “Amir Al Mouminineˮ (Commandeur des Croyants), symbole de l’unité de la nation, garant de la pérennité et de la continuité de l’État, veille au respect de l’Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités. Il garantit l’indépendance de la nation et l’intégrité territoriale du Royaume dans ses frontières authentiques».
Cette Constitution a été révisée, au gré des évolutions du Maroc. Celle qui est en vigueur actuellement date du 1er juillet 2011. Son article 41 est rédigé dans les termes suivants: «Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes. Il préside le Conseil supérieur des Oulémas, chargé de l’étude des questions qu’il lui soumet. Le Conseil est la seule instance habilitée à prononcer les consultations religieuses (Fatwas) officiellement agréées, sur les questions dont il est saisi et ce, sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l’Islam. Les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil sont fixées par dahir. Le Roi exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l’institution d’Imarat Al Mouminine qui Lui sont conférées de manière exclusive par le présent article».
Le Maroc a un ministère des Habous et des Affaires islamiques. Le siège de celui-ci se trouve dans le Méchouar, l’enceinte du Palais royal de Rabat, compte tenu de son importance. Le ministre qui le dirige est choisi par le Roi lui-même, en dehors des partis politiques. Ahmed Toufiq, l’actuel ministre, est à ce poste depuis le 7 novembre 2002. À l’époque où il était le Directeur de la Bibliothèque nationale, il m’y avait reçu avec beaucoup d’égards et m’avait permis d’accéder facilement à d’importants documents qui m’ont beaucoup aidé à la rédaction de ma Thèse de Doctorat d’État sur La diplomatie en terre d’Islam.
Au cours des 19 ans que j’ai passés au Maroc, je n’ai jamais vu le Roi diriger la prière. Il prie toujours derrière l’imam dirigeant la prière. Au Maroc, comme en Libye, je n’ai jamais assisté à la mégalomanie d’hypocrisie sociale conduisant les gens à accaparer des places dans les premières rangées, contrairement à ce qui se passe aux Comores. Le ministère des Habous et des Affaires islamiques n’impose jamais les horaires de prières. En fonction de la position géographique lieu, il indique sur une feuille uniquement l’heure de l’appel à la prière.
Suite aux attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, une grande cérémonie œcuménique avait été organisée le 16 septembre 2001 à la cathédrale Saint Pierre de Rabat, la capitale. La riposte ne tarda pas: le 18 septembre 2001, quelque 16 «Ouléma» pourtant jugés proches du Maghzen ou Makhzen, l’appareil d’État, avaient publié une «Fatwa» incendiaire sur laquelle on lit notamment: «Nous déclarons l’interdiction de la prière de tout Musulman dans une église chrétienne, ou synagogue, par la pratique de leurs rites religieux, et qu’il s’agit là de l’un des plus grands péchés, et d’une violation des plus importantes institutions sacrées du Maroc, qui est un pays musulman, selon la Constitution, et la force de son Histoire depuis 13 siècles». La «Fatwa» embrayait sur un ton encore plus acide encore: «Nous condamnons et nous nous élevons contre ce qu’a fait le ministère des Habous en matière de dévoiement des textes de juridiction islamique, et de la transformation du mensonge en vérité au cours du prêche politique du vendredi, imposé aux prêcheurs des mosquées marocaines, en date du vendredi 14 septembre 2001, à l’occasion de ce qui est arrivé en Amérique; ce qui constitue une atteinte à la liberté des imams et des prêcheurs des mosquées, et une falsification des paroles de Dieu Tout-puissant et de Son Prophète [¼]»: Ali Lmrabet: Les oulémas contre le pouvoir, Demain Magazine, Rabat, 6-12 octobre 2001, pp. 4-5.
Aux Comores, on assiste à autre chose. Le dictateur du moment veut tout diriger, y compris les prières à la mosquée. Les premières rangées dans les mosquées sont la chasse gardée d’autorités affamant et assoiffant le peuple, le privant de tous ses droits, le faisant vivre le noir, l’exposant aux pires maladies par l’agonie et la mort de l’Hôpital, le plongeant dans l’obscurantisme par le coma et la mort de l’École publique…
La dernière sortie de la dictature est inédite dans l’ensemble du monde musulman et fait pâlir de jalousie mortifère les «Taliban»: la dictature fixe elle-même l’heure de la Grande Prière collective de vendredi, à 13 heures. Mais, pourquoi donc? Eh bien, la raison avancée par la dictature est des plus surréalistes: faire en sorte que les fonctionnaires partent le plus tard possible des bureaux pour se rendre dans les mosquées! C’est de la folie. Dans l’hypocrisie administrative et sociale des Comores, il est établi qu’après la prière de midi, les fonctionnaires rentrent directement chez eux. Or, s’ils étaient sincères, après la prière, ils devaient retourner au travail. Mais, ils n’aiment pas leur pays.
Pis, on a entendu sur Radio France Internationale (RFI) des prétendus religieux de Grande-Comore dire que l’autorité politique peut prendre toutes les décisions. Ah oui? C’est grave. C’est gravissime. Est-ce vraiment le rôle de l’autorité politique qui a complètement échoué dans le domaine temporel de s’inviter d’une manière aussi violente dans ce qui relève de la spiritualité? Naturellement, non. L’appropriation de la religion par le politique relève de la saleté aux Comores. La dictature confond tout. Certes:
1.- «L’Islam, il faut le savoir, est à la fois la religion, loi, morale, style de vie, culture, la langue arabe étant à travers le Coran langue sacrée pour tous les Musulmans»: Paul Balta: L’Islam dans le monde, 2ème édition, Le Monde Éditions, Paris, 1991, p. 11.
2.- «La Communauté des croyants était en même temps structure politique, État. En devenant Musulman, on adhérait en même temps, dans le même mouvement, simultanément, à une religion (dîn), c’est-à-dire à un ensemble de dogmes qu’on s’engageait à professer avec les pratiques qu’on s’engageait à observer, et à une organisation de type politique (dawla). On devenait du même coup un croyant et sujet. Le chef de la Communauté (le Prophète et ses successeurs les califes) était le guide qu’on s’engageait à suivre aussi bien dans les choses de la foi que lorsqu’il décidait de l’organisation interne de la Communauté nation (Umma), de ses relations extérieures, des problèmes de tout ordre qui se posaient à ses adhérents»: Maxime Rodinson: L’Islam: politique et croyance, Fayard, Paris, 1993, pp. 31-32.
3.- «Le Saint Prophète n’était pas seulement chef religieux, il était aussi l’homme d’État. Il ne prêchait pas seulement la religion, il montra également au peuple la façon de vivre et améliora leurs vies sur terre. Dès lors, la signification politique de la doctrine sur la finalité du statut de Prophète de Mouhammad est que non seulement le Saint Prophète était un Guide politique et un chef d’État de son vivant; Il continuera d’être le Guide politique et le chef d’État pour toujours»: Masud Ul-Hasan: Reconstitution of Political Thought in Islam, Islamic Publications (Pvt.) Limited, Lahore, Pakistan, 1988, pp. 79-80.
Mais, le dictateur Assoumani Azali Boinaheri n’est pas le guide spirituel présenté ici. Il se sert de la religion, aidé en cela par des Tartuffes d’une oligarchie sociale dévoyant l’Islam à des fins politiciennes et mercantiles. Donc, la fixation des horaires des prières par la dictature est la pire des hérésies. Elle est annonciatrice d’une fin triste. Quand la tyrannie d’Ali Soilihi allait finir dans le sang, elle avait fait de l’Islam le paillasson sur lequel elle essuyait ses pieds sales et ensanglantés du sang des Mohéliens, qui avaient voté à 97% contre la dictature d’Ali Soilihi («Le Président ou le Remplaçant?») le 28 octobre 1977, nonobstant (et non «nobostant») la fraude électorale organisée par la dictature.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Lundi 13 octobre 2025.