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Aloui Saïd Abasse pense-t-il secrètement à 2016?

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Ses mystères, indéchiffrables, permettent toutes les interprétations

Par ARM

   Aloui Saïd Abasse est un homme cultivé, affable et ouvert, mais qui aime se rendre énigmatique et mystérieux à dessein. C’est un train de caractère chez lui, et cela lui vient de ses études supérieures en Diplomatie, après celles en Lettres et en Histoire. Et puis, il y a l’influence de son entrée au sein de l’appareil diplomatique comorien, car si le diplomate doit s’évertuer à déchiffrer ce que cache le visage de ses interlocuteurs, il doit également s’employer à se rendre lui-même indéchiffrable et insondable. En plus, Alloui Saïd Abasse a un parcours sui generis. En 2005, il est désigné «Homme de l’Année» par le journal L’Archipel, pour ses performances à la tête de la MAMWÉ, la Société d’Eau et Électricité, aujourd’hui en banqueroute, et passée en 2013 du chef des Chemises rouges au chef des Chemises jaunes. Il démissionne en 2006 de la MAMWÉ pour devenir le colistier, pour la Grande-Comore, du candidat Abdourahmane Mohamed Ben Ali (de Moya) lors de l’élection présidentielle. En 2009, il est candidat indépendant (sur 9 candidats) à la députation dans la région d’Itsandra et se retrouve en 3ème position, suite à de manœuvres qu’il juge «inqualifiables et sur lesquelles il serait fastidieux et superfétatoire de revenir. Ne remuons pas les choses qui fâchent inutilement». En 2010, il est le colistier de Mohamed Hassanaly lors de l’élection présidentielle. Actuellement, il est Conseiller diplomatique du ministre des Relations extérieures et le porte-parole très réservé et discret depuis quelques temps du ministère des Relations extérieures et de la Coopération chargé de la Diaspora, de la Francophonie et du Monde arabe.

   Alors quand, aujourd’hui, il parle de la politique aux Comores, il a un discours présidentiel sur la forme et le fond, mais quand on lui demande s’il n’a pas des velléités de chef d’État, il se ferme comme une huître, avant de laisser entendre: «Être chef d’État suppose à la base une bonne et patiente préparation, et par conséquent, un rejet de toute improvisation. Et puis, se pose la question sur les moyens légaux à user pour se faire élire légalement à la tête de l’État». Il n’en dira pas plus. Il s’enferme dans une discrétion digne du bon diplomate qu’il est. On est obligé de rire quand on lui pose les questions suivantes: «Est-ce vrai que ton ami Maître Fahmi Saïd Ibrahim ne voulait pas se déclarer candidat à la députation avant de connaître tes intentions parlementaires et que, avec une dose de sadisme, tu t’étais arrangé pour faire des banderoles et des affichages pour qu’il sache? Est-ce vrai également que ce n’est qu’après avoir appris que tu n’étais pas candidat qu’il s’est déclaré?». À l’évocation de cette affaire, il affiche un sourire gourmand et carnassier, lève les mains vers le ciel en Grand Seigneur et ne dit pas un mot. Du grand art. Comment interpréter tout ça?

   Mais, le plus fort reste son «discours présidentiel», bien rodé et bien huilé, un discours qui ne doit rien à de l’improvisation: «Être ou ne pas être candidat en 2016, la question n’est pas là. La question doit se poser autrement: “En 2016, vais-je être acteur ou spectateur?” Voilà la vraie question, car en 2016, nous avons un grand rendez-vous avec l’Histoire. Si nous ratons le rendez-vous de 2016, nous devons nous préparer au pire. Dès lors, nous devons nous poser la question de savoir si les prétendants sont à la hauteur de ce rendez-vous. Je ne crois pas du tout qu’ils en maîtrisent les enjeux. Moi, je ne veux pas quitter les Comores en 2016 parce que nous aurons élu un mauvais Président de la République. Je ne veux pas me transformer en vagabond à l’étranger pour fuir un pays qui va s’enfoncer dans l’océan. Cela étant, le bon sens nous impose de dégager une force politique alternative, que je ne vois pas sur le paysage politique actuel. Cette force alternative, tout en travaillant pour la durée de son mandat légal, doit jeter les bases pour les Comores des 40 prochaines années. Les gens qui devraient être les acteurs de ce grand changement doivent se faire recruter aux Comores et au sein de la communauté comorienne à l’étranger, notamment et surtout en France. Il est temps d’arrêter le gâchis des Comoriens ayant fait des études supérieures et qui survivent en France dans des petits boulots, alors que le pays a besoin d’eux. C’est comme si on fait tout pour les tenir loin des Comores afin de faire perdurer certaines pratiques prédatrices qu’ils n’accepteraient pas. Si actuellement, la scène politique, au regard des appareils des formations partisanes, on ne voit essentiellement que des gens qui ne sont pas à la hauteur, c’est parce que les méritants sont ailleurs. On les fait fuir. Alors, il faudra faire un travail de fourmi et fédérer ces énergies et toute cette intelligence, et après dégager un bon leader à qui il sera dit: “On ne t’a pas placé devant nous pour nous voler et continuer à voler le peuple comorien, mais pour que nous puissions relever un défi pour le bien-être aux Comores”. Est-il possible pour une telle force alternative d’échouer? Non! J’ai parlé de cette vision des choses à certains amis. Leur inquiétude repose sur la modicité des moyens, tout en évacuant la volonté de réussir quelque chose de bien pour les Comores. Or, la volonté de réussir doit prédominer».

   S’agit-il d’un rêve de cadre supérieur comorien piquant une crise de la cinquantaine? Le «discours présidentiel» d’Aloui Saïd Abasse est logique. La classe politique comorienne ne brille pas par sa cohérence et sa probité. Certains candidats sont un scandale pour le pays: ils n’ont aucune volonté de réussir quelque chose de bien pour le pays. Or, il faut élire un chef d’État, et l’image projetée par la classe politique comorienne est entièrement négative. Être chef d’État, c’est comprendre certaines choses, avoir une vision pour le pays et un projet de société. La plupart des candidats n’y pensent pas. Qui propose quelque chose pour faire sortir le pays des ornières? Trois candidats, sans plus. Les défis à relever sont immenses et on doit revoir les structures et faire travailler les «stakhanovistes du nouveau patriotisme comorien», ceux qui veulent se sacrifier en se mettant au service de leur pays et non ceux qui veulent continuer l’œuvre prédatrice et destructrice.

   À ce sujet, Aloui Saïd Abasse tient un raisonnement imparable: «Les Comoriens ont devant eux des gens dont je ne vais pas citer les noms et qui disent être en mesure de sauver le pays et le faire sortir de la misère. Or, on ne peut qu’être furieux quand on constate que ce sont ceux qui ont conduit le pays à l’échec qui prétendent pouvoir le conduire à la réussite. Chacun est libre d’accorder ou pas du crédit à ces gens-là, mais moi je refuse de succomber à un discours qui n’apporte rien au bien commun. Quand on n’a pas fait preuve de volonté de réussir hier, je ne vois pas ce qu’on va nous apporter en 2016-2021. Je reste convaincu qu’il nous faut un renouveau au sein de la classe politique. Il se pose donc une question d’hommes et il nous faut ces hommes volontaristes qui pourraient se jeter dans l’aventure de ce renouveau comorien. Je dis tout ça tout en refusant de me désigner comme l’homme qui va sauver les Comores et tout en refusant de dire que je serai ou ne serai pas candidat à l’élection présidentielle de 2016. Se poser en homme providentiel est toujours prétentieux et dangereux pour soi-même et pour son pays. On sait où cette prétention excessive a conduit certains pays, surtout en Afrique. Ça serait déjà très bien si les candidats aux élections pouvaient avoir l’humilité de se considérer comme de simples serviteurs de leurs peuples».

   C’était le samedi 29 novembre 2014 qu’il nous faisait ses «confidences présidentielles». En juillet 2015, il rédige un article à la tonalité présidentielle qui, après avoir circulé sous le manteau via L’Archipel, fut publié sous le titre fort ambitieux de «Quarante ans d’indépendance: l’héritage ou le temps des défis». Les idées y foisonnent, et on retient le paragraphe suivant: «Nombreux sont ceux qui vivent dans le dénuement et la précarité, même les personnes qui travaillent. Les Comores semblent une espèce de “bagne des hommes libres!” Des hommes, des femmes, de tout âge, esquintés et ravagés par la faim, la maladie, le mal vivre, et dont le mal être est devenu leur lot quotidien, même si pour la plupart, ils le vivent dans une sorte de dignité, taisant leurs râles d’agonie. En un mot, leur terrible souffrance, ce qui trompe souvent les observateurs non avisés. Les chantiers de l’avenir doivent être lancés en puisant dans notre histoire mais aussi dans les réalités d’un monde en perpétuel mouvement et mutations qui n’est plus celui de nos grands parents et aïeux».

   Un autre passage de son fameux article renforce la certitude qu’Aloui Saïd Abasse a des ambitions présidentielles, mais ne le dit pas pour le moment: «Dans cette optique, et au nom de la mémoire et de la fierté, j’en appelle à ceux et celles qui partagent cette vision de s’organiser pour poser la première pierre de la régénérescence et de la revivification de notre indépendance pour les 40 années! Le temps est venu de sortir de l’ère du tout doit provenir de l’Extérieur pour entrer progressivement et sereinement dans celle de la confiance de soi. N’est-ce pas le moment de s’interroger sur l’avenir. Se demander si véritablement tout le tintamarre électoral actuel nous conduit vers le salut ou, comme à l’accoutumée, vers une impasse démocratique. Ce théâtre d’ombres où lois, normes, et règles sont assujetties à “l’esprit du bangwé” [place publique] dénommé “consensus” ne présage rien qui vaille».

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Mardi 14 juillet 2015.


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