Qu’en est-il de la diplomatie comorienne à Madagascar?
Par Omar Ibn Abdillah Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed
En examinant la photo ci-dessus, on peut se demander de quoi parlent le Président Jacques Chirac et ses homologues Azali Assoumani et Marc Ravalomanana. Certainement pas des îles Éparses et de Mayotte. Il y a donc Madagascar et les Comores, et les relations entre les deux pays ne datent pas d’aujourd’hui, Madagascar comptant sur son sol plus de 200.000 Comoriens. On ne peut que constater que la plupart de ces Comoriens sont originaires de la Grande-Comore. C’est le fruit d’une cohésion entre les deux sociétés qui a duré des décennies et qui continue encore de nos jours. Malgré les massacres de plus de 1.000 Comoriens en décembre 1976 à Mahajanga, sur l’île de Madagascar par les Betsirebaka, les rapports bilatéraux ont toujours constitué une réalité. L’exemple concret de ce retour à la cohabitation réside en moi-même, qui suis né sur la Grande Île et ayant des parents «Sabena», du nom attribué aux rescapés des massacres de Mahajanga et transportés vers les Comores par des avions de l’ancienne compagnie aérienne belge Sabena.
À la différence de la communauté comorienne dans les autres pays, les Comoriens à Madagascar n’envoient pas de «plus-values» vers leur pays d’origine. Au contraire, ils ne font qu’enrichir l’État malgache. Les temps où les échanges commerciaux entre les deux pays nous étaient bénéfiques sont loin derrière nous. Les Comoriens qui se trouvent sur la Grande Île reçoivent régulièrement des transferts de fonds que ça soit en provenance de la France, des Comores ou d’ailleurs, pour la simple raison que les gens qui viennent à Madagascar ne sont pas là pour investir, mais pour deux grandes principales raisons: la santé et l’Éducation. Le manque d’infrastructures thérapeutiques et de médecins hautement qualifiés qui est constaté dans notre pays s’illustre dans le fait qu’on peut constater qu’à l’Hôpital El Maanrouf de Moroni, des malades évacués à Madagascar disent: «Je suis allé à l’Hôpital El Maanrouf, et les médecins m’ont dit qu’ils ne savent pas ce que j’ai comme maladie». Est-ce la faute des médecins, ou celle de l’État, qui ne met pas à leur disposition les moyens nécessaires?
Plus de 10.000 étudiants comoriens sont installés à Madagascar pour les raisons qu’on connait tous: «Manque de tous au pays». Ce n’est pas n’importe quelle communauté, mais ce sont ceux qui sont sensés êtres les élites de demain, ceux qui auront pour devoir de veiller sur l’avenir du pays. Comme l’a dit Nelson Mandela, «L’éducation est votre arme la plus puissante pour changer le monde». J’ai lu beaucoup d’articles qui n’arrêtent pas de signaler à quel point les étudiants comoriens à Madagascar souffrent d’injustice commis par l’État malgache et son peuple. Certes, je ne vais pas le nier, mais comme je le dit et répète: nous sommes responsables de nos actes, de nos choix. Notre comportement individuel et collectif est la cause principale de tous nos maux. Voici des propos recueillis en 2006 de Roger Rakotondrasoa, Professeur de philosophie, poète et ancien Président de l’Alliance française de Mahajanga, qui se définit comme un humaniste: «Comme j’ai grandi avec les Comoriens, je peux dire qu’ils ont un défaut. Ils croyaient que Mahajanga leur appartenait, était à eux et de fait ne s’intégraient pas. Ils manifestaient un esprit de vanité, d’orgueil. Un peu vantards». Ce sentiment de supériorité et de vantardise qu’on a développé même aux Comores, nous le traînons avec nous, et c’est un comportement que nous reprochent certains Malgaches.
Certes, dans tout cela, il y a une grande responsabilité de notre gouvernement, surtout si on examine la différence qu’il y a entre le visa transformable en long séjour d’un Français, qui est de 58 euros, contre 350 euros pour celui des Comoriens, et alors, on ne pas dire que la diplomatie est à son niveau le plus élevé. «Existe-t-il un accord bilatéral entre nos deux pays qui pénalise nos citoyens par rapport aux autres nationalités? Si oui, quelle est la contrepartie? Quels sont les textes applicables?», s’interroge à haute voix et en public Saïd Abdallah Mchangama, le Président de la Fédération comorienne de consommateurs. Dans tous les cas, n’oublions pas que Madagascar, tout comme les Comores, est la marionnette de la France, et cela depuis fort longtemps. Des soupçons et des rumeurs prétendent même que des officines se trouvant à Paris sont responsables de la crise politique malagasy de 2009, et cette idée est mentionnée par Pierre Van den Boogaerde, ancien représentant du Fonds monétaire international (FMI) à Antananarivo, qui a «affirmé que la France a payé la facture pour les “extras” du CAPSAT», note Niels Marquart, l’ambassadeur états-unien de l’époque, en référence aux mutins du Corps des personnels et des services administratifs et techniques (CAPSAT), qui ont joué un rôle central dans le renversement de Marc Ravalomanana et dans l’accession d’Andry Rajoelina au pouvoir en mars 2009. Dans un même contexte nous partageons avec les Malgaches la colonisation française sur les îles Eparses et sur l’île de Mayotte, tous territoires que la France ne veut pas céder, connaissant la valeur inestimable qu’ils ont.
Nous devons nous mettre d’accord sur le fait que malgré les disparités des deux nations, Madagascar et notre frère historique et donc, on doit se parler pour que les gouvernements trouvent les moyens d’organiser notre cohabitation, dans notre intérêt. En même temps, il faut reconnaître que tous les problèmes qui poussent les Comoriens vers l’étranger ne font qu’envenimer la situation socioéconomique du pays. Le peuple et le gouvernement doivent travailler ensemble pour améliorer la politique étrangère du pays afin de pouvoir tirer le maximum de profit dans les relations internationales, indispensables pour la croissance de tous pays, en commençant par notre voisinage et nos liens de sang avec Madagascar dans l’océan Indien.
Par Omar Ibn Abdillah Saïd-Abdillah Saïd-Ahmed,
Étudiant en Économétrie
Université d’Antananarivo
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© www.lemohelien.com – Lundi 13 juin 2016.