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La fausse baisse des prix du Colonel Azali Assoumani

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La fausse baisse des prix du Colonel Azali Assoumani

Du bruit pour une mesure inapplicable et démagogique

Par Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah

     «Une restauration n’est possible qu’aux brefs instants de lassitude quand les idées, les hommes et les faits s’accordent une trêve, quand l’essoufflement rompt l’assaut des générations montantes. Alors l’état de choses antérieur apparaît sous l’aspect salutaire d’une halte vers laquelle on retourne par des chemins sans surprise. Les périls propres aux lendemains de crise s’accumulent cependant: tentation du désespoir, pressions étrangères, difficultés financières, amertume des demi-soldes, délabrement des structures – et le peuple lui-même, à peine sorti des exaltations de l’aventure et qui rêve encore à ses chimères. Pour recomposer le dessin du puzzle brouillé il faut, à la tête, des politiques avisés dont l’obstination ne s’accompagne ni de fureur, ni d’impatience. Tels furent les gestionnaires de nos restaurations. Dans l’impossibilité d’asseoir leur autorité sur la force d’un symbole, République ou Monarchie, que les événements avaient bafouée, bousculé, avili, ils gouvernèrent comme ils avaient vécu, à coup d’imperceptibles adaptations. Une connaissance éprouvée du mécanisme de l’État leur permit d’ignorer les passions attiédies des hommes. Les habitudes contractées dans l’effacement de leur carrière leur servirent à n’inquiéter pas davantage que naguère»: François Mitterrand: Coup d’État permanent, Plon, Paris, 1964, p. 2.

     La population comorienne a appris avec une courte joie, pendant ce mois sacré de Ramadan, l’annonce avec fracas et tapage la prétendue baisse des prix des carburants et du pétrole lampant et de produits alimentaires comme la viande, les ailes et cuisses des poulets surgelés. Comme à son détestable habitude, Azali Assoumani, emporté par une politique populiste décrète la baisse des prix d’une manière non concertée avec les opérateurs économiques. La joie des consommateurs comoriens se limite à un temps très court. Il y a d’abord, le non-respect par les commerçants sur cette décision démagogique, pour laquelle ils n’ont pas été consulté afin, au moins, d’évaluer leurs stocks et de connaître comment l’État va instaurer des mesures d’accompagnement, et donc de compensation. La plupart des commerçants, surtout, les vendeurs des produits alimentaires, répugnent et rechignent à respecter aveuglement comme des Caporaux les ordres du Colonel. Ces commerçants se demandent qui va payer la différence, la perte ou le manque à gagner. Du fait de l’absence de réponse à leurs questions, les commerçants ont décidé de ne pas obéir aux ordres du Colonel. Seules les stations-services (sauf Mohéli où la gendarmerie a dû intervenir manu militari face à la colère populaire) ont répondu favorablement.

Qui va payer le manque à gagner qui pourrait ruiner tous les commerçants comoriens?

     Ceux qui ont écouté Djaffar Ahmed Saïd Hassani (Photo), l’homme-gouvernement à lui seul, Vice-président chargé du ministère de l’Économie, du Plan, de l’Énergie, de l’Industrie, de l’Artisanat, du Tourisme, des Investissements, du Secteur Privé et des Affaires foncières, on a été surpris et écœurés par ses enfantillages et son amateurisme. Ils ont été surpris pour trois raisons majeures. La première est que le Vice-président prétend hypocritement et par démagogie qu’ils ont hérité d’une situation grave (j’imagine au point de vue des finances publiques, car il n’a donné aucune précision, sauf dans le ton). Si la situation s’avère chaotique au niveau des finances publiques, est-il nécessaire de diminuer les prix, c’est-à-dire diminuer les recettes de l’État ?

     La deuxième raison est que le Colonel Azali Assoumani est un ancien Président de l’Union des Comores, et il était censé mieux connaître mieux les atouts et les faiblesses de notre jeune nation. Comment peut-il se lancer dans cycle populiste à un moment où l’État a besoin de l’argent pour subventionner la MAMWÉ, de l’argent la réfection des routes, de l’argent pour réhabiliter les hôpitaux (…)? La troisième que la baisse et la hausse des prix ne se décrètent, mais cela le novice Vice-président nommé ministre de l’Économie. Elles obéissent à certains facteurs et règles appelés les lois du marché. Il est intéressant de donner le pouvoir d’achat à la population, surtout, en période de mois sacré de Ramadan. Il y a des réalités économiques qu’il faut respecter, notamment celles basées sur l’importation. Or, depuis des décennies, les Comores ont une balance commerciale déficitaire, et le déficit se creuse d’une année à l’autre.

Avons- nous la maîtrise de notre économie pour la réguler?

     «Une politique économique repose sur deux jambes: une jambe budgétaire et une jambe monétaire. Ces deux jambes sont liées et interdépendantes mais ont des fonctions différentes», selon Nicolas Goetzmann, l’économiste français qu’on ne présente plus. Pour assurer une politique économique, on a besoin de la politique budgétaire et de politique monétaire. L’une ne peut pas fonctionner correctement sans l’autre. Notre pays étant encore sous une colonie monétaire française, nous ne maîtrisons que la politique budgétaire. L’autre jambe étant amputée par la France, nos dirigeants d’hier et ceux d’aujourd’hui sont sous la domination de la France, et ont confié aux technocrates de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort le pouvoir de gérer notre politique monétaire. Dans ce cas de figure, notre pays ne peut pas sérieusement décider d’augmenter les prix ou de les baisser. L’un des rôles de la Banque centrale, liée à la politique monétaire, est la maitrise des prix. Un pays doit tenir sur ses deux jambes pour assurer le développement de l’économie nationale. Or, nous vivons uniquement de la politique budgétaire, qui réduit la marge de manœuvre de l’État dans le domaine des subventions. Diminuer les prix des produits, surtout importés, signifie réduire les recettes de l’État, et celles-ci sont déjà maigres. Quand on est amputé d’une jambe, on essaie de comprendre son handicap et de marcher selon ses capacités physiques sans espérer ceux de l’autre, surtout si on utilise des béquilles d’emprunt.

Mauvais signes envoyés à nos bailleurs des fonds

     «Je pardonne les offenses, mais je n’oublie jamais les dates», avait dit François Mauriac. Les Comores vivent essentiellement de financements et aides venant de l’extérieur. Les bailleurs des fonds ne peuvent pas être rassurés par un gouvernement qui distribue de l’argent qu’il n’a pas. À chacun de ses passages aux Comores, le FMI nous demande toujours l’amélioration de nos recettes. Contrairement à leur recommandation, nos nouveaux dirigeants, emportés par les vents du populisme, veulent nous éloigner de nos bailleurs de fonds habituels et mettre notre pays à genoux. Personne n’ignore l’état de nos finances publiques. Nous avons un grand problème à assurer le paiement régulier des fonctionnaires de l’État. À la fin du mandat du président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, c’est grâce à l’aide du Qatar que l’État a pu purger 6 mois d’arriérés des salaires. C’est aussi grâce à l’aide du Royaume d’Arabie Saoudite, encourageant les réformes entreprises par les Comores en matière de finances publiques, qu’Ikililou Dhoinine a pu terminer son mandat sans un arriéré sur les salaires des fonctionnaires. Alors, peut-on régulièrement tendre la main aux autres afin d’assurer les minimums de ses devoirs et montrer une prodigalité sans contrôle, ni objectivité de production dans sa politique économique?

Les Comoriens ont besoin du travail et non des baisses des prix

     En passant dans les places publiques des villes et villages de la Grande-Comore, certaines personnes se demandent comment notre chef d’État va développer le pays. Ils trouvent que ces baisses, non respectées par les commerçants en général, ne profitent qu’aux taximen et aux autres personnes qui ont des voitures. Le peuple paie le même frais de taxi, les mêmes prix pour les produits alimentaires qu’avant la fausse explosion de la fausse bombe de la fausse baisse de prix. Azali Assoumani doit d’abord donner le pouvoir d’achat à une large frange de la population en lui donnant du travail, l’École, des routes et une santé meilleure. Pour lancer une politique économique courageuse, il faudra la maîtrise de notre politique monétaire et avoir une bonne base en Économie. Il nous faut également notre propre monnaie et notre propre Banque centrale. C’est seulement en ce moment-là qu’on pourra appliquer une politique d’intervention de l’État dans l’économie du pays, que les économistes appellent le keynésianisme. Mais, dans cette situation de la colonisation monétaire, alors que la monnaie qu’on utilise dans notre pays est à la France et gérée par la Banque centrale européenne, Azali Assoumani n’aura que la politique budgétaire et la mendicité internationale. Il faudra plus du courage et de la détermination et non seulement des bruits pour sauver notre pays du marasme économique et social.

     Que Dieu bénisse les Comores et les Comoriens dans l’unité de l’archipel, Mayotte, Anjouan, Mohéli et Grande Comore.

Par Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah

Président du Parti Comores Alternatives

Moroni

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© www.lemohelien.com – Lundi 13 juin 2016.


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