Toucher à la présidence tournante, c’est faire imploser les Comores
Par ARM
On nous dit que l’ancien ministre Ali Bazi Selim, qui n’est l’élu de personne, mais qui s’est illustré négativement et de la plus hargneuse des façons en 2014, en exigeant le renvoi pur et simple de Hamada Madi Boléro pour avoir énoncé des vérités historiques sur le transfert de la capitale des Comores de Mayotte à la Grande-Comore par le Grand-Comorien Saïd Mohamed Cheikh et la commission du premier putsch des Comores par le Grand-Comorien Ali Soilihi, récidive. Il a repris cette habitude qui est la sienne et qui consiste à croire avoir le droit de se substituer à l’État comorien. C’est ainsi qu’au cours d’un rassemblement d’une prétendue «société civile» (expression que récusait François Mitterrand, pour qui toute société est civile, par essence), Ali Bazi Selim, qui se croit toujours aux temps des mammouths, dinosaures et autres habitants de la préhistoire, s’était mis à pontifier. Il veut un «débat national» sur la présidence tournante. Comme on s’en moque! Comme on s’en moque éperdument. Et quoi encore? Si on doit se dire la vérité, il faut considérer que l’appel d’Ali Bazi Selim relève de l’irresponsabilité totale parce que la présidence tournante fait partie du Droit constitutionnel comorien et des institutions nationales du pays, et l’État ne peut pas se permettre de lancer un «débat national» sur tous les points et les virgules de la Constitution. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, la présidence tournante est inscrite dans la Constitution, et il est temps d’arrêter les tripatouillages de la Constitution qui interviennent chaque fois que tel nostalgique du Neandertal a des démangeaisons cérébrales.
La présidence tournante n’est ni la meilleure, ni la pire des choses pouvant arriver aux Comores: c’est une nécessité vitale. La présidence tournante a été instaurée pour réconcilier le pays, et les Comores ont besoin d’unité. Lancer un «débat national» sur la présidence tournante, c’est mettre des gens qui sont pour cette modalité d’élection du chef de l’État face à ceux qui n’en veulent pas. L’expérience a été tentée avec beaucoup de succès, le dimanche 4 septembre 2011, à La Courneuve, en Région parisienne. À cette date, une conférence-débat avait eu lieu sur le thème «Quel bilan peut-on tirer de la tournante [aux Comores]?». Elle avait été organisée par le Mouvement démocratique pour l’Avenir des Comores (MDA), qui avait choisi de placer l’événement sous le signe du 100ème jour de la présidence du Docteur Ikililou Dhoinine, le Mohélien qu’on attendait pour faire réaliser à la présidence tournante son tour complet à travers les 3 îles relevant de l’autorité effective de l’Union des Comores.
Évoquons cette emblématique conférence de La Courneuve pour dire à Ali Bazi Selim et à ses copains de se calmer.
Soilihi Djaé Adame, Madame Amina Mouigni Abdou, Hassani Kassim et leurs camarades avaient fait les choses de la plus belle manière, et les débats qui suivirent ne pouvaient que se dérouler dans un climat de courtoisie et de franchise. Ceux qui voulaient maudire la présidence tournante, en cours d’expérimentation aux Comores depuis 2002, l’ont fait sans gêne, ni entraves protocolaires ou autres, l’accusant de tous les maux et de tous les péchés de la terre, mais sans nous dire pourquoi un mode de gouvernance qui éloigne les Comores du spectre des putschs et du séparatisme est mauvais, et en quoi il prive de leur sérieux et de leur crédibilité des autorités comoriennes qui n’en ont jamais eu. Voire… Stupéfaite, l’assistance avait vu un ancien Député, la voix et les mains tremblant de colère, vouer aux gémonies ce qu’il a appelé «la tournante de l’hypocrisie», accuser une classe politique, dont il fait partie, des pires vilenies. Il avait raison, notre Député, mais il avait juste «oublié» qu’il fait partie des gens qui ont enterré les Comores. Car il était Député. Qui plus est, Vice-président de la Commission des Lois, le Président de cette Commission étant à l’époque Ahmed Sambi…
L’affable et toujours très diplomate Mohamed Saïd Harouna, fidèle parmi les fidèles du Président Ikililou Dhoinine, avait dit que grâce à la présidence tournante, les Comores avaient un Président, le Docteur Ikililou Dhoinine, qui lutte contre la corruption, en plus d’engager le pays dans la bonne direction. Pour sa part, le Grand Docteur Ali Abdou Mdahoma avait déclaré que la Grande-Comore était le bastion du séparatisme, mais qu’on préférait regarder ailleurs. Mohamed Chafioun s’était reconnu «putschiste», se rangeant dans la catégorie de «ceux qui ont installé le Colonel Azali Assoumani au pouvoir par coup d’État», mais se désolidarisant de ce dernier en raison des Accords de Fomboni du 17 février 2001 («Accord-cadre de réconciliation nationale»). Mohamed Ali Ridhoi, lui, n’a pas fait dans la dentelle, comparant les Comores à un malade atteint d’un cancer dont le traitement est la présidence tournante, qui produit des «effets secondaires» sur lesquels on s’acharne hypocritement pour arrêter la thérapie. Il avait mis en garde ceux qui veulent arrêter la présidence tournante, leur disant que le Mohélien n’acceptera pas qu’on lui dise aujourd’hui que son enfant n’a plus le droit de devenir Président des Comores.
Un autre Mohélien avait rappelé que les Comores étaient par terre des décennies avant l’instauration de la présidence tournante, comme le prouvent les conclusions apocalyptiques du Rapport Vinay (1982), que les élections présidentielles de 1990 et 1996 avaient eu pour 5 premiers candidats à l’issue du premier tour des Grands-Comoriens uniquement, que les Comoriens ne maîtrisent même pas leur Constitution et les autres textes juridiques fondamentaux, que le mal ne vient pas de la présidence tournante mais du profil, inadapté, des autorités comoriennes, et que, si les Comoriens le voulaient sincèrement, ils pourraient faire de la présidence tournante un facteur de stabilisation et de réconciliation des Comores.
Mais, l’homme du jour était incontestablement «le Père de la présidence tournante», Hamada Madi Boléro qui, heureuse coïncidence de plus, était présent dans la salle de conférence. Et, une fois de plus, il a prouvé qu’il était le politicien comorien qui gère le mieux sa communication politique. Il avait tout préparé. Tout était dans son ordinateur portable. Pourtant, il s’était fait prier pour prendre la parole, qu’il a fallu lui attribuer «de force». De la communication politique de très belle facture et de très haut niveau. Du grand art.
Textes juridiques à l’appui, il démontra que ce ne sont pas les Accords de Fomboni en date du 17 février 2001 qui posèrent le principe de la présidence tournante, mais la Constitution du 23 décembre 2001. Il expliqua que, contrairement à une opinion très répandue, ce ne sont pas les Anjouanais qui demandèrent l’instauration de la présidence tournante, mais les Mohéliens, arguant du fait qu’à l’époque, les Anjouanais n’auraient pas revendiqué ce type de présidence qui auraient fait de leur île une «île comorienne», alors qu’ils situaient celle-ci hors du giron des Comores. Il expliqua dans le détail le contexte d’insertion de la formule de la présidence tournante dans la Constitution comorienne, les calculs d’apothicaires des uns et des autres. À ceux qui lui reprochaient l’abandon de la «République fédérale islamique des Comores», il fit la lecture de l’article 1er de la Constitution déclarant que «l’Union des Comores» est tout de même déclarée «République»: «L’Union des Comores est une République». Enfonçant le clou et prouvant qu’il est le politicien comorien le mieux informé des choses de l’Islam, il rappela qu’au cours de la conclusion du Traité de Hudaybyia de 628, alors que les Koraïchites refusaient que le Prophète Mohamed soit désigné dans le texte par son titre d’«Apôtre de Dieu», et contre l’avis de ses Compagnons, il avait lui-même rayé de l’accord la formule litigieuse pour faire aboutir la négociation. Car, quand on veut avancer dans une négociation importante, on ne s’attarde pas sur des points secondaires. À ceux qui l’accusèrent d’avoir donné aux Îles autonomes le droit de disposer de drapeaux insulaires, il dit que si la confrérie soufie Chadhuli a le droit d’avoir un drapeau, pourquoi doit-on priver les Îles de ce droit?
Hamada Madi Boléro avait également signalé que le bilan, si bilan il y a, ne doit pas conduire à l’abandon de la présidence tournante car cela produirait la dislocation définitive de l’État comorien. La présidence tournante a éloigné les Comores des démons du séparatisme et des coups d’État. Ce n’est pas rien. Donc, si les adversaires de la présidence tournante veulent que celle-ci soit supprimée, qu’ils nous expliquent pourquoi. Mais, qu’ils n’oublient pas que si la présidence tournante fait l’objet d’une suppression, on pourra dire adieu à l’État comorien, qui volera en éclats et pour toujours.
Les participants à la conférence de La Courneuve le 4 septembre 2011 ont tous fustigé ce mal comorien de changements intempestifs de Constitution, hymne national et drapeau. Que les autorités pensent au développement du pays et non au changement des symboles de l’État car, dès 1978, les Comores avaient une Constitution magnifique, que la mauvaise foi des dirigeants a brûlée. Le pays n’a pas besoin de négociations stériles et interminables sur des enfantillages et autres billevesées. L’enfant a grandi et ne se contentera plus de bonbons au caramel. Il réclame un vrai repas.
La conférence de La Courneuve était une réussite totale parce qu’elle n’était pas organisée avec des arrière-pensées de gens haineux et hypocrites. Ses organisateurs étaient sincères. Or, ce n’est pas le cas de l’idée d’Ali Bazi Selim, allié objectif et par récupération d’Ahmed Sambi depuis la tentative de déstabilisation du régime politique en place par le renvoi de Hamada Madi Boléro. L’idée d’Ali Bazi Selim est une sordide manœuvre politicienne destinée à ouvrir la voie à la suppression pure et simple de la présidence tournante afin que l’ancien satrape Ahmed Sambi soit candidat à toutes les élections présidentielles, alors que le Français qu’il est peut se présenter au scrutin présidentiel français de 2017. Qu’il y pense.
Les bien-pensants nous disent que la présidence tournante favorise l’insularité politique et le séparatisme. C’est faux parce que le Président Ikililou Dhoinine a prouvé la possibilité de gouverner avec des Comoriens et non avec les gens de son île. Une fois de plus, il faudra rappeler que le chef de l’État a nommé aux postes les plus stratégiques des Grands-Comoriens et que le chauvinisme insulaire n’est pas une fatalité: ministère de l’Économie et des Finances (Vice-président Mohamed Ali Soilihi), ministère de l’Intérieur (Houmed Msaïdié), ministère des Relations extérieures (Docteur Abdoulkarim Mohamed), ministère de la Justice (Mohamed El-Had Abasse), la Banque centrale (Mzé Abdou Mohamed Chafioun), etc. Il faut donc qu’on arrête l’hypocrisie de dire que le «débat national» sur le bilan de la présidence tournante est un préalable à la tenue de l’élection présidentielle de 2016. L’élection présidentielle aura lieu, et elle ne sera conditionnée à aucun «débat national» débile. La présidence tournante est une exigence fondamentale parce qu’elle est inscrite dans la Constitution, mais le «débat national» n’intéresse que les gens qui veulent conduire le pays à la destruction. Le peuple comorien ne va pas les laisser faire. Donc, l’appel d’Ali Bazi Selim constitue un non-sens et un non-événement. L’homme de Ntsoudjini s’est trompé de sujet.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Mardi 18 août 2015.
One Comment
E. Ibrahim
août 18, 2015 at 9:12C’est un article intéressant dans la mesure où il dénonce cette hégémonie folle des waNgazidja de se déconsidérer Comores et Comoriens à eux tous seuls. Pour tout dire, je suis mNgazidja mais je ne suis pas fier de l’être. J’ai toujours dénoncé cette insidieuse domination de la Grande-Comore sur la vie polititique, sociale, économique voire confessionnelle sur les autres îles! A vrai dire, ce que dénonce ce sieur Ali Bazi Salim n’est pas vraiment la présidence tournante mais le fait que le président des Comores soit d’une île autre que la Grande-Comore! Voilà le vrai problème de beaucoup de waNgazidja (rappelez-vous les propos du sieur Aboubar Saïd Salim, intéllectuel autoproclamé, sur le président Ikililou.) Le mal des Comores vient de Ngazidja mais pas de Mwali (je vous épargne des sobriquets sur les waMwali et n’en parlons pas des waMaore et des waNdzuwani.) J’ai été étudiant en Égypte et les meilleurs copains que j’ai eu étaient des mohéliens, des anjouanais et même des mahorais. Mes “frères” waNgazidja avaient une petite dent sur moi à cause de cela! Il se trouve que vivant en France, mon ami de confiance est….un mohélien. L’arrogance, l’orgueil et la prétention des grand-comoriens sont sans limites à légards des autres îles et il est inutile de faire un dessin. Cher ARM, merci pour vos analyses mais cette fois vous avez hésité à nommer le vrai problème mais je comprends votre retenue pour ne pas subir le sort du soldat courageux Boléro. Il est le seul à affronter les caprices des venimeux notables grand-comoriens renfrongnés et archaïques. Je me joins à M. Boléro et demande que l’île de Ngazidja formule des excuses sincères et sans équivoque en premier lieu, aux mahorais, aux anjouanais et aux mohéliens voire aux waNgazidja eux-mêmes, c’est-à-dire, à tous les Comoriens. C’est le seul issu qui amènera une vraie réconciliation aux Comoriens.