Mbéni, futur cœur palpitant des Comores?

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«La ville présidentielle» veut renouer avec son passé présidentiel

Par ARM

   «L’esprit de Mbéni». On en parle depuis la période faste et flamboyante de Mohamed Taki Abdoulkarim dit «le bien-aimé» ou «Le Fils». Cet esprit de Mbéni est avant tout un esprit de solidarité communautaire charnelle qui faisait que chaque fois qu’il y avait une élection en vue, la population de Mbéni se réunissait, priait avec ferveur et dévotion en présence de tous les Chorfas ou descendants du Prophète, et demandait à Dieu de punir de la manière la plus sévère et la plus foudroyante ceux qui oseraient voter pour un candidat autre que le bien-aimé, l’homme qui avait réalisé les premiers actes de concrétisation de son Grand Mariage dès l’âge de 12 ans pour marquer sa différence royale par rapport à bien d’autres citoyens, dans une ville de Mbéni où le «Pouvoir de l’Honneur» (Sultan Chouzour) va le plus loin possible. Ne dit-on pas encore et toujours que Mohamed Taki Abdoulkarim, Le Fils, le bien-aimé, était prédestiné, était né pour régner, qu’il s’agissait d’une destinée que lui avait prédite son père dès son plus jeune âge? Mais, à Mbéni, tout le monde n’était pas d’accord avec cet esprit de corps, cette solidarité charnelle, que le Tunisien Abderrahmane Ibn Khaldoun (1332-1406) appelait au Moyen-âge, «Al-Assabiya», «esprit de corps» ou «solidarité tribale». Poussé par sa verve révolutionnaire de sa belle jeunesse militante, Mohamed Abdou Soimadou, le futur dictateur du journal Al-Watwan, l’homme qui avait osé défier Mohamed Taki Abdoulkarim à l’époque, avait provoqué un immense scandale et un profond émoi en proclamant dans un fracas de fin du monde: «Avant la libération de Mayotte, les Comores devaient libérer d’abord Mbéni et la région du Hamahamet de la colonisation de Mohamed Taki Abdoulkarim». Le scandale était immense parce que c’était la première fois que dans le Hamahamet et à Mbéni, quelqu’un osait défier le seul acteur politique comorien qui avait un fief au sens complet du terme, avec une ville et une région qui lui étaient entièrement acquises. Mohamed Abdou Soimadou finit en exil à Mohéli, où il a joué un rôle fondamental dans la formation en Français de lycéens mohéliens, dont le futur Président Ikililou Dhoinine, sa future épouse, le ministre Darousse Allaoui, le secrétaire général du gouvernement Saïd Mohamed Ali Saïd, l’Ambassadeur Ali Saïd Mdahoma, Mohamed Saïd Fazul, moi-même et bien d’autres. À quelque chose, malheur étant bon, personne à Mohéli ne regrette le passage de Mohamed Abdou Soimadou sur l’île, parce qu’il est un grand Professeur de Français et l’un des meilleurs locuteurs de la langue française aux Comores. Pourtant, malgré l’exil et l’ostracisme, élu Président de la République le 25 mars 1996, Mohamed Taki Abdoulkarim comptait parmi ses plus proches collaborateurs… le même Mohamed Abdou Soimadou. C’est dire… L’esprit de Mbéni a prévalu, et la rancune a été jetée à la rivière.

   Seulement, Mohamed Taki Abdoulkarim est mort prématurément et mystérieusement le 6 novembre 1998, après seulement 2 ans, 7 mois et 12 jours à Beït-Salam. Puisqu’il faut trouver de boucs émissaires, on prétendra avec une rare mauvaise foi que cette mort prématurée résulte de la poisse que lui a portée celui qui a sanglé son turban sur sa tête le jour de son investiture. Voire… Depuis cette mort mystérieuse, Mbéni est une ville dépourvue de faste, alors que les Mbéniens ont connu leur âge d’or sous cette présidence qui était la leur dans tous les sens du terme. Les Mbéniens le vivent mal. Très mal. Et c’est ainsi que certains parmi eux ont décidé de laver l’horrible outrage, en plaçant de nouveau Mbéni au centre de l’échiquier politique national. Mohamed Ahamada dit Djanilo, Saïd Youssouf et bien d’autres, entièrement acquis à «la cause présidentielle» de Mme Moinaécha Youssouf Djalali dite «La Présidente» ou «La Lionne de Mbéni et du Hamahamet» jurent qu’ils vont dépenser jusqu’à leur dernière énergie pour que leur rêve se réalise. Ils veulent que le centre du pouvoir politique revienne à Mbéni. Pour eux, la présidence d’Azali Assoumani Baba a été «l’horreur des horreurs la plus horrible» parce que ce pouvoir aurait dû avoir pour épicentre Mbéni. Aujourd’hui, ils déclarent partout où il y a ne serait-ce qu’un seul Comorien que le pouvoir doit revenir dans son foyer d’origine, Mbéni, là où on sait se solidariser pour le conquérir, au besoin, en demandant à Dieu de punir les dissidents qui pensent plus à leur personne qu’aux intérêts de la ville. Seulement, cette fois, il n’y a pas de candidat unique, considéré comme «Le Fils bien-aimé», mais une flopée de velléités et une myriade d’ambitions présidentielles. Trois personnalités focalisent en particulier l’attention sur elles.

   En premier lieu, il y a le Vice-président Mohamed Ali Soilihi, connu même dans les cénacles du pouvoir à l’étranger par son surnom de Mamadou. À son compteur politique, il totalise plus de trois décennies ministérielles. Il faudrait être un irrécupérable fieffé menteur doublé d’un jaloux professionnel pour prétendre que le Vice-président Mohamed Ali Soilihi doit son extraordinaire longévité ministérielle à la simple complaisance démagogique des dirigeants. Il faudra bien que ses adversaires et ennemis admettent une réalité très simple: l’homme de Mbéni s’est imposé par sa compétence et son talent parce que ceux qui ont eu recours à lui ne sont pas ses proches, mais des dirigeants qui savent qu’il est incontournable sur le plan professionnel. C’est tout. C’est un homme de dossiers, dont la seule faille réside dans le peu de cas qu’il fait du marketing politique. En d’autres termes, il ne communique pas et ne se défend pas. Il ne défend pas ses réalisations et son bilan personnel en tant que dirigeant. Or, il a subi toutes les calomnies du monde, a été injustement traîné dans la boue, fait toujours l’objet des caricatures les plus stupides, les plus haineuses et les plus débiles. Pourtant, il n’est pas dupe. Quand il en parle, il dit seulement: «Cela fait plus de trois décennies que j’ai consacré toute ma vie à l’État comorien. Pour me salir, un frère de Mbéni, que je connais et que tout le monde connaît, n’a trouvé qu’un seul moyen pour me “salir”: me faire passer pour un Malgache, comme si être Malgache était une injure. S’en ajoute un ancien militaire qui a inventé toutes les saletés du monde pour les mettre sur mon compte. Mais, les Comoriens ne se laissent pas distraire par des menteurs mus par la haine».

   Le Vice-président Mohamed Ali Soilihi est un homme d’expérience. Il connaît parfaitement l’administration comorienne et est le chouchou des institutions financières internationales et des partenaires bilatéraux des Comores. Il a fait des dossiers économiques et financiers sa seconde vie. On se demande pourquoi un agronome s’est imposé comme le seul Comorien ayant dirigé 6 fois le ministère de l’Économie et des Finances. La réponse à la question est dans sa compétence et dans son expertise, et ceux qui ont l’habitude de le dénigrer n’ont pas encore prouvé qu’ils savaient se faire cuire un œuf. Comme d’habitude, on jette la pierre sur ceux qui réussissent quelque chose, pour épargner ceux qui ont décidé de tuer le pays et tous ses habitants. Le Vice-président Mohamed Ali Soilihi sera le candidat du pouvoir lors de l’élection présidentielle de 2016 et sera comptable du bilan du régime politique actuel. Et dans ce bilan, il existe des éléments positifs, qui seront favorables à sa campagne électorale et même à sa probable élection, car il a ses chances d’être le prochain Président des Comores, lui à qui on avait prédit la mort avant même le deuxième tour de l’élection présidentielle du 26 décembre 2010.

   Seulement, Mme Moinaecha Youssouf Djalali ne veut pas qu’on lui parle du Vice-président, et dit: «Mamadou? Je vais le battre à Mbéni, dans le Hamahamet, en Grande-Comore et sur toute l’étendue des Comores. Le passé, c’est lui, le présent et l’avenir, c’est moi. C’est moi qui vais conjuguer le futur au présent de l’indicatif. Partout où il y a des gens du Hamahamet et de Mbéni, ils disent que je suis leur candidate, la future Présidente des Comores. Je veux m’imposer dans mon terroir avant de viser plus haut. Les autres ont le droit de rêver, mais ils doivent limiter leur ambition parce que je vais assumer mes responsabilités et mon destin présidentiel». Mme Moinaecha Youssouf Djalali était connue avant tout pour ses activités dans le commerce, l’industrie, l’action humanitaire et la protection de l’environnement, avant de se lancer en politique en 2013. Quand elle séjourne aux Comores et quand elle passe à un endroit où elle est acclamée par la foule, sans payer les badauds comme le fait Ahmed Sambi, elle décroche son téléphone et appelle ses amies et amis en France et dit: «Je suis à Ntsoralé, et tu entends la foule scander “Déyi Mdzadzé”», «C’est la maman», autrement dit, «C’est la femme candidate que nous voulons à la Présidence de la République». Pourquoi est-elle candidate? Sa réponse part comme une navette spatiale qui décolle du Cap Canaveral: «Je veux apporter aux Comoriens et aux Comoriennes la joie de vivre, en commençant par arrêter le vol de l’argent public et en cherchant des solutions réelles et réalistes à leurs problèmes, loin du blabla, de la polémique stérile et de la démagogie. Je suis arrivée à mobiliser partout. Les bonimenteurs et vendeurs de rêves n’ont qu’à bien se tenir car leurs mauvaises manières ne passeront pas cette fois». Spécialiste du dialogue direct avec le peuple dans les villes et villages, elle impressionne par les commandos de femmes qui travaillent avec elle et jurent qu’elle sera la prochaine Présidente des Comores.

   Et il y a le flamboyant et truculent Ahmed Wadaane Mahamoud, écrivain, journaliste multicarte, diplomate et Président du Parti RIFAID Comores, l’homme des réformes. Son programme se décline sous forme de catalogue de plusieurs dizaines de propositions destinées à la réforme des institutions publiques comoriennes. Homme de communication, il est déjà entré en campagne électorale depuis 2014. Comment va-t-il financer sa campagne électorale? C’est la seule question qui se pose à son sujet. Mais, il faudra faire attention parce qu’il compte beaucoup sur la solidarité des Mbéniens, et est connu pour l’épaisseur de son carnet d’adresses à l’international.

   Mais, est-ce qu’une pluralité de candidatures à Mbéni ne comporte pas un grand risque d’auto-élimination dans «la Ville présidentielle»? La question est inutile parce que personne parmi ces trois personnalités n’écoutera la voix de la solidarité à Mbéni. En tout état de cause, le spectacle est garanti. Il y aura de l’ambiance.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Dimanche 19 juillet 2015.


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