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Faïza Soulé Youssouf et Toufé Maecha à l’île Maurice

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Faïza Soulé Youssouf et Toufé Maecha à l’île Maurice

Dictature aux Comores, indignation de la presse à Maurice

Par ARM

      La mort de toute forme de liberté aux Comores inquiète les autres pays de l’océan Indien. Le site mauricien www.indocile.info a repris l’hymne à la liberté de la journaliste comorienne Faïza Soulé Youssouf. C’est un hymne que n’auraient pas renié Martin Luther King, Louis Aragon et Paul Eluard. Les atteintes à la liberté de la presse aux Comores sont un désastre qui dépasse les frontières de ce pays, pour s’inscrire dans l’universalité de la liberté.

Le devoir d’un confrère… Le devoir du frère!

Par Joël Toussaint

      Indocile a décidé d’ouvrir sa tribune à notre consœur, la journaliste Faïza Soulé Youssouf, de la Gazette des Comores, qui est aussi la correspondante du journal Le Monde. Son texte, quoique n’étant aucunement de nature délictueuse, pourrait valoir des ennuis à son journal, qui fait déjà face à des contraintes imposées par les autorités politiques. Notre consœur a donc pris le risque de le publier sur sa page Facebook. Compte tenu de son courage, nous avons considéré que sa voix ne pouvait rester inaudible et confiné au territoire comorien. C’est ainsi que nous avons décidé, avec son accord, de publier son texte et d’inviter nos lecteurs à le diffuser le plus largement possible et partout dans le monde.

Le texte de Faïza Soulé Yousouf survient après la séquestration samedi dernier (30 mars), de notre confrère Toufé Maecha, rédacteur en chef du quotidien Masiwa et président de la branche comorienne de l’Union de la Presse Francophone (UPF). Accusé «d’espionnage» alors qu’il effectuait son travail de journaliste, Toufé Maecha a été séquestré pendant plusieurs heures et torturé. Il a été la cible de nombreuses vexations (forcé de se déshabiller et de s’agenouiller), d’intimidations et de violences au sein de la brigade de recherche à la gendarmerie de Moroni. Menacé de mort suite à sa relaxe, il a dû fuir les Comores pour Mayotte.

La situation devient intenable pour les journalistes attachés à leur devoir d’informer: lundi 1er avril, plusieurs directeurs de publications ont été convoqués par le ministre de l’intérieur. Les trois journaux indépendants des Comores (Masiwa, La Gazette des Comores et Al-Fajr), ayant tous relaté les faits concernant le traitement subi par Toufé Maecha, ont tout simplement été interdits de paraître!

Nous avons donc pris la décision d’ouvrir nos colonnes à Faïza et à Toufé afin qu’ils puissent disposer d’un espace pour faire leur travail et informer les lecteurs de leur pays et ceux du monde entier. Notre choix éditorial est motivé par une vieille tradition de la presse mauricienne quand la dictature dans notre pays s’accompagnait de contraintes sur notre profession. Nos journaux surent alors convenir de la solidarité requise pour publier des confrères en difficulté au sein de leurs colonnes. Ce qu’endurent en ce moment nos consœurs et confrères des Comores nous fait obligation. Et puisque nos îles sont sœurs, en ces moments où la liberté d’informer de nos confrères comoriens est compromise, nous assumons notre devoir et réagissons en frères.

C’est donc cela, la dictature?

Par Faïza Soulé Youssouf

      C’est donc cela, la dictature? Celle dont nous parlaient nos pères et nos mères? Celle qui s’introduit insidieusement? C’est cela, la dictature, une justice aux ordres et une armée qui ne protège qu’une infime partie de la population? Une armée qui protège un clan? C’est donc cela, la dictature, celle dont me parlaient Idriss Mohamed Chanfi et tant d’autres? Ce sont les arrestations musclées et le mitard sans motif? C’est la violence pour raison d’État légitimée par ses dépositaires? C’est avoir le cœur qui fait des embardées, à la vue d’une pick-up bleue, faire demi-tour par crainte de te voir arrêté, changer d’itinéraire et en voir 10 autres, que le cœur menace de te lâcher, que les mains soient moites, que la sueur perle sur ton front?

C’est donc cela, la dictature? Des journalistes emprisonnés sans autre forme de procès, d’autres qui fuient sans demander leur reste? Ce sont des journaux censurés par le pouvoir en place parce que les sujets traités ne lui plaisent pas?

C’est donc cela, la dictature, avoir peur de parler au téléphone, avoir peur d’envoyer des messages, ne plus être en confiance sur les réseaux sociaux, avoir peur de se faire pirater son compte? C’est être persuadé d’être sur écoute? Est-ce cela, la dictature dont nous parlaient nos pères?

C’est donc cela, la dictature, chuchoter par crainte de se faire dénoncer par un voisin alors tout ce que tu dis au téléphone, c’est le pain est cher? C’est donc cela?

C’est donc cela, la dictature, cette impression que l’on est partout suivi, ce sentiment qu’il se peut que tu sortes de chez toi sans être sûr de pouvoir y retourner?

Est-ce cela la dictature? C’est avoir le cerveau qui manque d’oxygène? Être incapable d’écrire et de transmettre un message correctement? Ne pas pouvoir s’expliquer et avoir ce sentiment lassant que l’on se justifie encore et encore alors que tu n’as rien fait de mal?

Est-ce cela la dictature? Raser les murs, faire le mort en espérant que l’on t’oublie dans les rafles qui sévissent en dictature-land. Est-ce cette impression persistante que tu n’auras jamais raison alors que le Droit est de ton côté?

Est-ce cela la dictature? Avoir peur de dormir chez soi, n’avoir confiance qu’en une poignée de gens, se dire que la République ne te protégera pas, se dire que personne ne le peut et s’en remettre à Dieu parce que Dieu finira bien par t’entendre, mais se dire en même temps qu’il peut prendre tout son temps parce qu’il est Dieu et que tu ne peux que lui être soumis?

Est-ce cela la dictature, le pouvoir dans les mains de quelques hommes, le pouvoir, tous les pouvoirs? C’est avoir peur de manifester pour ne pas se faire canarder, avoir peur d’écrire ce que l’on pense pour ne pas se faire emprisonner, c’est avoir peur de sortir pour ne pas se faire arrêter, c’est avoir peur de se faire torturer? En fait, la dictature est-ce dire à un juge les tortures subies et que celui-ci fasse la sourde oreille parce que «ce n’est pas l’objet de sa question».

Être en dictature, est-ce se dire qu’un minable papier sans queue, ni tête (celui-ci en l’occurrence) peut te faire mener en prison, te valoir les traitements les plus abominables?

La réponse à toutes ces innombrables questions, est «Oui». Donc, nous sommes en dictature, ça y est, j’ai la réponse à ma question. Même si je sais que ce n’est pas pour cela qu’il s’est fait élire en 2016. Ce n’était pas pour qu’il se substitue au peuple souverain, ni en détourner le suffrage de façon aussi éhontée et méprisante 3 ans plus tard? Ce n’est pas pour compter les morts qu’il s’est fait élire, ni pour des complots sans queue, ni tête, mais qui n’avaient que pour seul but, d’asseoir encore et encore son pouvoir. Ce n’est vraiment pas pour cela.

Et puis, nous sommes en dictature, vous savez pourquoi? Même à l’annonce «de sa victoire», loin de la liesse populaire et spontanée de 2016, il a fallu donner l’autorisation à ses soutiens pour qu’ils la célèbrent dans un hôtel, entre 4 murs, loin de tout, loin du peuple dont il revendique à cor et à cri la légitimité.

Par Faïza Soulé Youssouf

      Ce beau texte parle de dictature, mais c’est un hymne à la liberté, la liberté pour laquelle se bat, au risque de sa vie, Mme Faïza Soulé Youssouf, la liberté à laquelle elle croit, nonobstant les vicissitudes du moment.

En 1942, malgré les douleurs et incertitudes du moment, Paul Eluard avait intitulé son emblématique poème «Liberté», et avait fini celui-ci par ces mots d’espoir:

«Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté».

      Oui, même pendant les moments les plus sombres d’une nation, il faut parler de la liberté.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Vendredi 5 avril 2019.


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