Validation ou décapitation?
La Cour constitutionnelle choisira le Droit
Par Saïd Idriss Ibrahim
La scène est surréaliste. Elle se déroule aux Comores. Dans une vidéo prise au lendemain du second tour des élections présidentielles aux Comores, un des candidats menace les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI) de les décapiter s’ils ne le proclament pas gagnant. C’est devant ses supporters, venus à son quartier général de campagne que le putschiste Azali Assoumani, arrivé 3ème lors du 1er tour de ce scrutin, qui l’opposait au Vice-président sortant Mohamed Ali Soilihi et le Gouverneur de l’île de Ngazidja, Mouigni Baraka Saïd Soilihi, s’est livré à un geste mimant, sans ambiguïté, une décapitation, adressé à l’endroit des membres de la CÉNI dont le rôle est d’organiser le scrutin et d’en déclarer les résultats provisoires. C’est la Cour constitutionnelle comorienne qui doit par la suite déclarer l’élection définitive du Président de l’Union. Le geste de l’ancien Président de ce petit archipel de l’océan Indien, connu pour de nombreux coups d’État et tentatives de coup d’État qui ont marqué ses 40 premières années d’indépendance, eût été banal s’il n’était pas l’œuvre de celui que beaucoup de Comoriens accusent d’être l’auteur d’assassinats durant son passage au poste de chef de l’État-major et de son premier mandat de Président de 1999 à 2006.
En effet, c’est en 1999, en plein crise séparatiste, qui voit Anjouan, l’une des trois îles que constituaient la République fédérale islamique des Comores, hisser son propre drapeau et celui de la France, que le chef d’État-major de l’Armée de l’époque, Azali Assoumani s’octroie par un putsch militaire le pouvoir. Il restera à la tête de l’Etat pendant 2 ans avant que, sous pression internationale et à la suite de l’adoption d’une nouvelle Constitution, il ne voit contraint d’organiser des élections en 2002, qui furent une pure mascarade honteuse. En effet, ces premières élections de la nouvelle Constitution, qui instaure un système de de présidence tournante entre les îles, seront caractérisées par des fraudes massives. Plusieurs bureaux de votes ont été, en effet, saccagés le jour même du scrutin, conduisant au retrait, en signe de contestation, des deux autres candidats qui devaient affronter le Colonel Azali Assoumani au second tour. C’est donc sans surprise que le putschiste Assoumani se maintiendra au pouvoir avec 100% des 39,01% à peine d’électeurs qui se sont rendus aux urnes.
Mais c’est surtout dans la période où il est chef d’État-major, en 1992, que celui qu’on surnomme désormais «Décapitor», s’illustrera par une série d’actes atroces. En effet, c’est sous ses ordres que, sur soupçon de tentative de coup d’État, le Colonel ordonna l’instauration d’une terreur dans plusieurs villages soupçonnés d’avoir abrité des rebelles au régime politique en place. C’est toujours sous ses ordres, en tant que commandant de l’Armée que le soldat Ahmed Abdallah dit Apache sera froidement abattu. Sa dépouille sera attachée sur le capot arrière d’un véhicule militaire et promené à travers la ville de Moroni. À l’époque, cet acte qui ne trouvait aucune comparaison dans le monde, avait ému toute la population comorienne et internationale. On cite également le cas d’Ismael Palé, qui sera sommairement exécuté sous les ordres du putschiste.
Ce sont justement ces actes qui ont ressurgi la semaine dernière dans la mémoire de nombreux Comoriens, à la vue du geste du putschiste mimant un égorgement. «Il a été capable de faire, en 2002, ce que seul Daesh est capable de faire, aujourd’hui en Syrie, et cela je n’oublierai jamais» lance, presque les larmes aux yeux cette jeune maman du Sud de l’île de Ngazidja où était originaire le soldat Apache, assassiné sur ordre de l’ancien chef d’État-major.
Depuis que le candidat a proféré la menace de décapitation à l’endroit des membres des instances de validation des résultats électoraux de la part de la CÉNI et de la Cour Constitutionnelle, s’il n’obtenait pas le vote, les langues se délient pour rappeler, surtout aux plus jeunes, le passé de celui qui s’est allié à l’autre ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, surnommé Ayatollah pour son attachement spirituel et politique à l’Iran où il avait essayé de faire ses études. Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est, lui aussi, mis en cause dans une affaire d’assassinat, sous son régime politique. Il s’agit de la liquidation du Lieutenant Ayouba Combo. «Qui se ressemblent s’assemblent» peut-on lire sur les réseaux sociaux très fortement investis ces derniers temps notamment par une diaspora comorienne très remontée contre le retour de l’ancien putschiste. L’affaire du geste de décapitation a pris de l’ampleur depuis que la CÉNI, destinataire de la menace de l’ancien putschiste, a publié, contre tout attente et sous la contrainte militaire de l’actuel chef d’état-major, dont les liaisons secrètes, par l’intermédiaire d’une bande d’amis du putschiste Azali Assoumani, infiltrés au sein même de la cellule de la Présidence, commencent à se confirmer, les résultats du scrutin, le plaçant en tête.
Face à cette décision qui a surpris tout le monde et très fortement contestée par les deux autres candidats et de nombreux observateurs nationaux et internationaux, beaucoup parlent de l’effet «Décapitor». Les recours sont déposés auprès de la Cour constitutionnelle pour demander le réexamen des résultats entachés de manière flagrante, selon les observateurs, d’irrégularités. À titre d’exemple, les résultats provisoires et partiels communiqués le vendredi 15 avril dernier, affichent un nombre de suffrages exprimés ajoutés aux bulletins nuls supérieur de 1597 de plus voix au nombre de votants total. Mais c’est surtout le saccage volontaire de près de 25 bureaux de vote dans l’île d’Anjouan qui fait l’objet du recours déposé par les deux autres candidats qui réclament l’organisation d’une élection partielle sur les localités concernées. Cela d’autant plus que, comme en 2002, car l’ancien putschiste est un récidiviste, ce sont des militants du camp de l’ancien putschiste dont son colistier sur l’île, qui en sont les auteurs.
Bien que la majorité des observateurs nationaux et internationaux soutiennent cette solution d’organisation d’une élection complémentaire, visant à redonner à près de 11.000 électeurs anjouanais leur droit de vote, certains craignent que les membres de la Cour constitutionnelle ne subissent à leur tour l’effet «Décapitor» et ne soient tentés de commettre, sous la menace, une erreur qui contribuerait à ériger en stratégie électorale, le saccage de bureaux de vote, et à créer une guerre civile. Rappelons que selon les résultats provisoires près de 60% des électeurs comoriens ont voté contre l’ancien putschiste. Mais face à cette crainte, d’autres estiment que le bon sens voudrait que la Cour constitutionnelle prenne une sage décision allant dans le sens de l’organisation d’une élection partielle qui permettrait de légitimer le nouveau Président, quel qu’il soit, et d’éviter ainsi au pays une crise grave, car l’écart actuel entre l’ancien putschiste et Mohamed Ali Soilihi ne devrait être, après le redressement attendu de la cour constitutionnelle que de quelques centaines de voix ou s’inverser, au vue des éléments déposés à la Cour constitutionnelle par le camp de ce dernier. Actuellement cet écart est établi, en faveur de l’ancien putschiste, à 2144 voix sans tenir compte des nombreuses irrégularités relevées.
Et même temps, même si l’ancien putschiste, par un jeu que certains qualifient de «coup d’État psychologique», multiplie, depuis la déclaration des résultats partiels qui, pourtant, n’ont qu’un caractère provisoire, les menaces et la manipulation de l’opinion publique, le camp de son principal adversaire, tout en continuant d’apaiser les plus révoltés parmi leurs supporters, notamment une jeunesse majoritairement acquise aux deux autres candidats, qui affiche une détermination de ne pas accepter que plus de 11.000 citoyens anjouanais (10% de l’électorat de la Grande-Comore) soient privés de leur droit de participer à la désignation de leur Président.
Le dénouement de cette affaire est attendu dans les jours à venir. En attendant le «Décapitor» ne se cache pas pour affirmer qu’il attend user de toute son influence notamment auprès de l’actuel chef de l’État-major pour s’imposer, «y compris par la force».
Par Saïd Idriss Ibrahim
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© www.lemohelien.com – Dimanche 24 avril 2016.
One Comment
MARANDRAZI
avril 24, 2016 at 2:21Notre ami Momo a déjà, dans ses différents commentaires, indiqué la seule solution capable de préserver la paix et la stabilité de notre pays. Se débarrasser de ces trois individus : Azali, Boléro et KIKI, au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.
En effet, aussi longtemps que ces trois individus seront actifs, c’est la paix de notre pays qui sera menacée. D’autres pays ont su se soustraire de leurs ennemis parfois moins dangereux que les nôtres pour pouvoir sauver leur Nation.
Le propre d’une Nation libre est de savoir sacrifier ses propres parasites.