Soilih Mohamed Soilih: des desseins politiques cachés?
L’homme de la côte Est des États-Unis fait trop dans la discrétion
Par ARM
Inclassable personnalité publique que Soilih Mohamed Soilih, l’Ambassadeur des Comores aux États-Unis et aux Nations Unies. Alors que l’écrasante majorité des personnalités publiques comoriennes ont choisi de faire dans le bruit, la «course sur les toits des cases», le flafla et les chichis, Soilih Mohamed Soilih a choisi une discrétion qui confine à l’effacement médiatique. Ce qui est absolument curieux de la part d’un homme qui a dirigé l’Office de Radiotélévision des Comores – Télévision nationale des Comores (ORTC-TNC), la boîte nationale à sons et images. Il est tellement discret qu’il préfère écrire ses livres sous pseudonyme, mais, tient-il à préciser «un pseudonyme qui a une grande valeur sentimentale, familiale et historique, celui d’un ancêtre qui a réellement existé et qui me sert de référence dans bien de choses de la vie». Et plus s’approche la date du scrutin présidentiel de 2016, plus on le voit partout, alors qu’il est «en embuscade», comme diraient les partisans de Mohamed Saïd Fazul. Tels augures de la vie politique comorienne ont même voulu le voir dans le rôle de candidat à l’élection présidentielle en question, tandis que d’autres prennent la docte voix de ceux qui sont au courant des secrets les mieux gardés de la République pour affirmer urbi et orbi qu’il serait le colistier pour la Grande-Comore de son ami le Vice-président Mohamed Ali Soilihi, avec qui il a en partage les noms «Mohamed Soilihi». Pourtant, le taiseux de New York et Washington s’acharne à dire qu’un travail dans l’action humanitaire suffirait à le combler et à combler son agenda pour les années à venir. Et s’il y a une telle divergence de vues sur les desseins de l’homme de la côte Est des États-Unis, c’est que, pendant qu’il a choisi de se taire, d’autres s’expriment en son nom et surtout ont décidé de décider en son nom sans en avoir obtenu son assentiment. Curieux, tout de même.
Habitué aux formules consensuelles faites de subtilités sémantiques et lexicographiques, l’Ambassadeur a choisi de s’adresser aux Comoriens à travers un plaidoyer très «neutre» que publie le journal gouvernemental Al-Watwan ce 11 novembre 2015, 40ème anniversaire de l’admission des Comores à l’ONU. Cherchez l’erreur… Pudiquement, il a intitulé son article «Élections: Entre les mots et les maux ou l’impérative quête des voies au service des sans-voix». «Subtilités sémantiques et lexicographiques», avons-nous donc dit. Et, d’emblée, il en annonce la couleur: «De par mes fonctions de diplomate, j’ai opté pour un relatif silence, pour escompter des résultats dans les responsabilités ainsi confiées. Mais, à titre de citoyen et dans les limites d’une réserve qui ne saurait se confiner à la passivité devant les enjeux internes qui conditionnent ceux de l’action diplomatique, je voudrais apporter ma petite contribution à la réflexion d’ensemble sur l’état du pays et la voie à suivre, à l’approche d’échéances électorales décisives». On est curieux de découvrir la suite, et la voici: «De prime abord, il est temps pour chaque candidat de définir les modalités d’application de la loi portant sur les partis politiques devant concourir à l’expression démocratique, pour en finir avec les groupements d’influence qui pratiquent la démultiplication du nombre par les subdivisions des membres et polluent le champ politique par la dispersion des forces sans que nul ne s’y retrouve en termes d’orientations et de lignes politiques différenciées. Bon nombre de ces “leaders” pourraient pourtant se constituer en véritables experts en lobbying, activistes éveilleurs de consciences ou ONG mobilisateurs de fonds et de ressources humaines pour un changement efficient, répondant aux aspirations sociales. Que dire aussi sur le fait que tout bien-pensant s’érige en “constitutionnaliste” voire en “juge constitutionnel”, oubliant que le pays s’est déjà doté de tous les outils susceptibles d’adapter, préciser et affiner la loi fondamentale et sa pratique, en cas de besoin. À la condition expresse de toujours lui conférer la durée historique nécessaire à la gouvernance d’une Nation en construction qui n’est pas celle d’une personne ou d’une campagne, fût-elle napoléonienne».
Où est le mensonge dans tout ça, quand on voit les partis politiques devenir des gnangnans qui ignorent la loi les régissant, quand on voit tous les «Comoricains» s’autoproclamer «juges constitutionnels» et «constitutionnalistes», quand on voit une personne et son entourage vouloir faire des Comores une nation qui serait «celle d’une personne ou d’une campagne, fût-elle napoléonienne»? Soilih Mohamed Soilih enfonce le clou en signalant que, «dans un ouvrage publié en pleine crise séparatiste, je m’étais prononcé contre l’idée d’une “présidence tournante” alors en gestation. Aujourd’hui, on voudrait accuser un texte de tous les maux, pour ne pas examiner nos propres pratiques des institutions ainsi que nos mentalités, comme si après avoir changé cinq fois de Constitution depuis l’indépendance, nos habitudes de pensées et de comportements se seraient améliorées d’un iota. Le contexte séparatiste ayant présidé à l’adoption de la dernière (déjà révisée en 2009) a t-il réellement laissé la place à une vision plus harmonieuse de l’unité et de la solidarité nationales? Devons-nous prendre un nouveau risque d’ouvrir la boîte à pandore et recevoir la morsure empoisonnée d’un mille-pattes, pour ne pas dire d’une hydre à mille têtes? Par la suite, on pourrait toujours actionner le robinet des larmes en clamant “Ndizo Mgu ya ndzao” [«C’est ce que Dieu veut»] et il a bon dos ce Dieu qui n’aurait ainsi d’autre volonté que devant les catastrophes et la mort! Pourvu qu’Il veuille bien nous pardonner nos offenses répétées, amen».
Qu’ont apporté ces révisions de Constitution face à certaines «habitudes de pensées et de comportements» pendant qu’est actionné «le robinet des larmes», en mettant tout sur le dos de Dieu? Rien de bon! Qu’on se le dise! Et puis, ayant recours à des formules charnelles et à la métaphore heureuse, Soilih Mohamed Soilih rappelle aux uns et aux autres qu’«au bout du compte, à propos des élections et de “la tournante”, avec moins d’un million d’habitants sur un territoire exigu, on s’achemine vers le double des candidatures d’une présidentielle hexagonale ayant 60 millions d’âmes aux origines diverses à gérer, d’une part. D’autre part, on voudrait modifier les règles à la veille de la compétition, sans savoir que pour notre ngoma nyombe [«danse du bœuf»] national, à Ngazidja on “chevauche” le zébu à l’instar de la tradition malgache, alors qu’à Ndzuani, on le dribble comme dans l’arène de type ibérique mais, sans autre arme que l’agitation d’un fichu rougeâtre, tandis qu’à Mwali, on danse en file indienne et en costard jusqu’à épuisement du bœuf par énervement, avant de le lâcher et lui courir derrière». Pour les subtilités de la danse autour d’un bovin à Mohéli, le Colonel Azali Assoumani Baba est le meilleur des danseurs. Pourtant, il faudra tenir compte de la façon de danser politiquement et électoralement d’une île à une autre. En tout état de cause, changer les règles de la compétition électorale à quelques semaines du scrutin pour faire plaisir à un homme assoiffé d’argent et de pouvoir ne se fera pas.
Pourtant, selon Soilih Mohamed Soilih, les vraies questions ne manquent pas: «Les élections vont elles se réduire à une bataille de chefaillons chargés de redistribuer fauteuils et prébendes à quelques bataillons claniques, avant de repasser le témoin à celui qui présidera à son tour le dépècement du mouton à trois pattes? Toujours est il que pendant que nous amusons la galerie, en s’invectivant tout en s’admirant sur un miroir brisé, au lieu de chercher les éléments de convergence sur ce qui aurait pu facilement l’être (notamment les objectifs, les étapes et les moyens pour le vote de la diaspora), la politique de la terre brûlée et son écran de fumée se poursuivent activement autour de la quatrième patte». Tout ça est vrai, mais c’est à Ahmed Sambi et à ses hommes qu’il faut le dire. Ce sont eux qui constituent «de chefaillons chargés de redistribuer fauteuils et prébendes à quelques bataillons claniques». Ce sont eux qui sont devenus les chantres de «la politique de la terre brûlée» et ce sont eux qui ont fait de la «quatrième patte du mouton» une affaire qu’ils veulent cacher dans un «écran de fumée».
Et pendant que Néron joue à la lyre alors que Rome brûle, Soilih Mohamed Soilih tire la sonnette d’alarme: «Encore faudrait il que prenant en compte la bombe sociale d’une jeunesse socialement majoritaire mais sans perspectives, les prétendants osent sortir des sentiers archi-battus de la manipulation pour des clopinettes ou des promesses vite oubliées, afin de redynamiser cette énergie qui cristallise la conscience nationale derrière sportifs et artistes de plus en plus talentueux et accrochés à l’hymne et au drapeau des 4 îles. Autant dire que le chantier est vaste et qu’il suppose le leadership de groupes engagés à donner une image de gens sérieux dans le traitement des affaires publiques (ce qui manque et nuit tant à la crédibilité de l’État, ses administrations et démembrements, depuis au moins deux décennies). Des équipes (et non le syndrome du mongozi [«Leader»: Ali Soilihi]) exerçant une dynamique audacieuse et novatrice sur de grands rassemblements politiques aux clivages clairement identifiés et porteurs de projets alternatifs de société pour le Comorien du troisième millénaire dont les traits mériteraient une redéfinition dans le cadre d’assises telles que celles initiées par le Président Macky Sall, avant de projeter une nouvelle vision de Dakar et son nouvel aéroport comme futur hub régional, ou auparavant dans le cadre du processus de “vérité réconciliation”, lequel, après le génocide, a fait du Rwanda probablement le seul pays africain à avoir atteint tous les OMD [Objectifs du Millénaire]. Et, ce sera sans doute la tâche première du prochain président qui ne devrait nullement tâtonner dans la mise en œuvre d’une politique de réconciliation des cœurs, d’apaisement des esprits, de partage des responsabilités, non pas comme un gâteau de mariage mais, comme tuant de charges pour une gouvernance efficiente. C’est non seulement nécessaire et souhaitable mais, possible aussi et assurément».
En d’autres termes, Soilih Mohamed Soilih en appelle à la responsabilisation et à la responsabilité de chacun dans ce contexte d’élections présidentielles et gubernatoriales. Ce qui est une bonne chose, et ce, d’autant que les ambitions politiques sont affichées partout. Même si on peut douter de la capacité de certains à assumer les fonctions de Président de la République et de Gouverneurs des îles, on peut se contenter du contenu la Constitution et de dauber méchamment et perfidement. Mais, dans le cas d’un Ahmed Sambi qui veut une redéfinition des lois de tout un État pour son bon vouloir, il est permis de dire que les Comores ne sauraient être la chose d’une personne, surtout d’une personne qui a commis les pires excès contre un pays et sa paisible population.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Vendredi 13 novembre 2015.