Qui a intérêt à tuer les Comores par de faux dollars?
L’affaire des faux dollars ne relève pas du banditisme ordinaire
Par ARM
Horreur! Sous la plume d’Ahmed Ali Amir, auteur d’un article douloureusement intitulé «Près d’un milliard de dollars de faux billets pour noyer l’économie comorienne», en date du vendredi 5 février 2016, Al-Watwan, le magazine gouvernemental, livre aux lecteurs et lectrices la plus horrible des informations. Dans cet article au contenu terrifiant et effrayant, on lit notamment ce qui suit: «Les deux personnes arrêtées étaient en possession de faux billets d’un montant de 695 millions de dollars et de 368 millions d’euros en coupures de 500 euros, prêts à être introduits aux Comores. Ces faux billets auraient provoqué un véritable désastre économique. Le montant saisi donne le vertige. Deux personnes arrêtées au Kenya étaient en possession de faux billets d’un montant de 695 millions de dollars en coupures de 100 dollars et de 368 millions d’euros en coupures de 500 euros. Leur objectif: introduire ces billets dans la petite économie des Comores. Cette opération aurait provoqué un véritable désastre économique. Le matériel ayant servi à la fabrication de ces billets a également été retrouvé. Les autorités du Kenya ont saisi et les billets et les équipements. L’affaire remonte en 2011. La Banque centrale des Comores (BCC) est informée de l’existence d’un vaste réseau de faux billets confortablement installé au Kenya et en Tanzanie et qui s’apprêtait à déployer ses tentacules aux Comores».
C’est tout simplement répugnant, criminel et stupide. Comment la très microscopique économie comorienne aurait-elle pu absorber toute cette masse de fausse monnaie, alors que les dépenses annuelles de l’État comorien se limitent à 29 milliards de francs comoriens? Pour prendre vraiment connaissance de l’ampleur du désastre qui avait été projeté, procédons à un calcul rapide. 695 millions de dollars = 306.394.060.000 francs comoriens et 368 millions d’euros = 197.490.820.000 francs comoriens, soit au total 503.884.880.000 francs comoriens. Oui, 503 milliards de francs comoriens et des bananes s’élevant au total à 884.880.000 francs. Ça donne à réfléchir. C’est de la folie. Déjà, 2.000 euros, soit 1 million de francs comoriens, laissent des traces aux Comores, et à plus forte raison 503.884.880.000 francs comoriens. Restons lucides. Par quelle folie peut-on croire qu’une telle somme pouvait passer aux Comores? Par quel circuit monétaire faire passer toute cette somme de fausse monnaie sans se faire prendre la main dans le pot de confiture? Et surtout, pourquoi choisir une économie aussi vulnérable que celle des Comores pour tenter de faire écouler une telle quantité de fausse monnaie? C’est de la folie pure.
Pourtant, il faudra dépasser l’émotion pour mieux analyser les faits objectifs de manière rationnelle. Qui peut être fou pour croire pouvoir écouler 503.884.880.000 francs comoriens en fausse monnaie aux Comores, surtout quand on sait que toute devise entrant aux Comores doit faire l’objet d’une vérification scrupuleuse et méticuleuse à la Banque de France, en vertu des accords existants entre la France et les 15 États membres de la zone franc, même si on sait que la monnaie circulant au sein de la zone franc ne représente que 1,6% de la masse monétaire générale de la France? Personne. Dès lors, il ne peut s’agir que d’une vaste opération destinée à mettre les Comores par terre. Mais, qui était derrière un tel crime à un moment où les relations entre les Comores et leurs vrais partenaires stratégiques sont au beau fixe? C’est la seule question que les autorités comoriennes doivent se poser. Qui a intérêt à casser les Comores au point de vouloir injecter 503.884.880.000 francs comoriens de fausse monnaie dans l’économie nationale des Comores? La recherche d’une réponse appropriée devra inciter tout esprit curieux à remarquer que c’est au début des années 2000 que les Comoriens ont, pour la première fois, entendu parler de fausse monnaie dans l’économie de leur pays. Mais, jamais, les choses n’étaient allées aussi loin. Il y avait de la fausse monnaie et des faux-monnayeurs à l’époque, mais, leurs pulsions criminelles ne les avaient pas poussés à de telles extrémités. Les Comores ont vraiment intérêt à se pencher sérieusement sur ce crime odieux pour découvrir ses commanditaires afin d’empêcher les vrais criminels qui sont derrière l’opération de déstabilisation de recommencer leur forfait.
Soyons logiques et reconnaissons qu’il y a une grande différence entre des bandits qui veulent «blanchir» de la fausse monnaie à une hauteur «valable et acceptable» et des grands criminels qui veulent ruiner une économie nationale par l’introduction en son sein d’une quantité impressionnante de fausse monnaie. Pour introduire de la fausse monnaie dans une économie nationale comme celle des Comores à dessein de ruiner celle-ci, il faut des raisons vraiment graves. Parmi les alliés traditionnels des Comores, on ne retrouve aucun État animé d’une telle haine et d’une telle folie destructrice. En plus, les raisons pouvant conduire à une injonction d’une quantité de fausse monnaie dans une économie nationale pour la plonger dans la destruction doivent être particulièrement graves, comme cela avait été le cas entre la Guinée et la France, à la suite du discours d’Ahmed Sékou Touré en date du 25 août 1958 et de l’accession de la Guinée à l’indépendance, le 2 octobre 1958.
Maurice Robert, recruteur de Robert «Bob» Denard, passé du renseignement à la diplomatie et à la sécurité, en dit des choses édifiantes sur le sujet: «Après avoir obtenu le feu vert du Général Grossin, le Directeur général de la SDECE, pour l’engagement d’une opération globale sur la Guinée, je mets tout en œuvre pour atteindre le double objectif d’isolement du pays et la déstabilisation de Sékou. Une opération de cette envergure comporte plusieurs phases: le recueil et l’analyse des renseignements, l’élaboration d’un plan d’action à la lumière de ces renseignements, l’étude et la mise en place des moyens logistiques, l’adoption de mesures pour la réalisation du plan. Plusieurs services du SDECE sont impliqués en fonction de leur spécialité. Je suis chargé de la coordination d’ensemble. Parmi ces actions de déstabilisation, je peux citer l’opération Persil, par exemple, qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie. […]. Cette opération a été une véritable réussite et l’économie guinéenne, déjà bien malade, a eu du mal à s’en remettre»: Maurice Robert: «Ministre» de l’Afrique. Entretiens avec André Renault, Seuil, Paris, 2004, pp. 107-108. Même s’il s’agissait de déstabiliser la Guinée, c’est la fausse monnaie guinéenne qui y avait été introduite, alors que dans le cas des Comores, il s’agit toujours de fausse monnaie, mais en devises étrangères.
Même sous Ali Soilihi (1975-1978), la France n’avait jamais essayé de déstabiliser la monnaie et l’économie des Comores. Depuis 1978, c’est elle qui a la responsabilité officielle de la stabilité monétaire des Comores au regard des accords conclus par les deux États. Dès lors, il faudra que les autorités comoriennes aient recours à toute l’expertise internationale nécessaire pour qu’un jour le nom du commanditaire d’une telle action de déstabilisation de l’économie du pays soit identifié et exposé au public parce que cette fois, il s’agit d’un acte criminel particulièrement gravissime. Et il faudra que la Justice passe parce qu’on ne voit pas en quoi des loubards de Nairobi et Dar-Es-Salam ont intérêt à déstabiliser la monnaie et l’économie comoriennes, au vu de la quantité de fausse monnaie envisagée. Qu’on se le dise: il ne s’agit pas d’une simple opération de banditisme envisagée par des bandits ordinaires. Bien au contraire, il s’agit d’une opération d’une nature tout à fait différente, une opération destinée à mettre les Comores dans la position financière, monétaire et économique la plus insoutenable, mais de manière vraiment stupide puisque les sommes en euros et en dollars envisagées n’avaient aucune chance de se faire intégrer dans le circuit monétaire comorien. Les Comoriens sont donc en droit d’espérer voir traînée devant un tribunal la personne animée d’une telle haine et d’une telle rage contre les Comores au point d’envisager la mise à mort de leur circuit financier et de leur structure économique.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Dimanche 7 février 2016.