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«Nous ne sommes ni médiocres, ni maudits par Dieu»

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Interview exclusive du Docteur Saïd Mohamed Saïd Hassane

Candidat à l’élection au Gouvernorat de la Grande-Comore en 2016

www.lemohelien.com: Votre candidature pour le poste de Gouverneur de la Grande-Comore en 2016 est l’une de celles les plus en vue, de celles dont on parle le plus. Qu’est-ce qui la motive, alors que ce ne sont pas les candidatures annoncées pour le Gouvernorat de la Grande-Comore qui manquent?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: J’appartiens à la dernière génération qui a profité de l’État providence aux Comores, celle qui a bénéficié des investissements de l’État comorien sur ses enfants. Je suis un enfant de l’École de la République puisque j’ai été formé gratuitement par l’École publique comorienne. L’État m’a soigné gratuitement. J’ai bénéficié d’une bourse de l’État comorien pour aller faire mes études supérieures au Maroc. Je dois tout ce que j’ai à mon pays. Sans l’investissement de l’État comorien, je ne serais jamais arrivé là où je suis aujourd’hui. Dès lors, il m’est très difficile de croiser les bras et de manifester de l’indifférence face à la situation que connaît mon pays aujourd’hui. Il peut arriver qu’un homme ne veuille pas voir les problèmes, ne veuille pas assumer ses responsabilités. Mais, quand la situation devient insupportable, on assume ses responsabilités et on affronte les problèmes. Aujourd’hui, dans mon pays, la situation est devenue insupportable, compte tenu de la crise qui touche un certain nombre de secteurs comme l’eau potable, l’électricité, les infrastructures routières et l’emploi. Dans cette crise générale, on ne voit pas les perspectives d’avenir, surtout pour les jeunes, qui constituent plus de 62% de la population. Le moment est venu de tout faire pour inverser la tendance. J’ai une dette morale énorme envers les Comores. Je dois rentrer au pays pour le remboursement de cette immense dette morale. C’est le moment. J’ai de la motivation et un idéal républicain. En plus, j’ai la conviction profonde que cette dette morale est renforcée par une autre conviction encore plus forte: je considère que nous ne sommes ni médiocres, ni maudits par Dieu. Nous avons des capacités illimitées, des ressources à exploiter, un génie pour réussir de belles choses pour notre pays.

www.lemohelien.com: Avec des ancêtres qui étaient dans une lignée de Sultans et un père qui a assumé des fonctions parlementaires, ministérielles et diplomatiques avec beaucoup de flamboyance et de présence, n’avez-vous pas peur d’être accusé de «délit de patronyme»?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: Sans doute, mais, je ne vais pas en rougir et en faire un drame. Pour autant, ce n’est pas mon cheval de bataille électorale. Tous ceux qui me connaissent savent à quel point je suis attaché au mérite individuel, à quel point j’ai placé tous mes espoirs sur l’effort personnel et sur l’esprit de sacrifice de la personne. Le mérite est une récompense et un facteur d’émulation pour toute la société. Ma vision des Comores est celle de tous les Comoriens, de tous les Grands-Comoriens: nous sommes tous égaux sans être uniformes. Nous avons des parcours et des histoires qui varient d’une personne à une autre, mais nous sommes tous unis pour construire un destin commun, un destin comorien, un destin qui constitue le creuset de toute la nation comorienne, quels que soient les antécédents familiaux des uns et des autres.

www.lemohelien.com: Vous êtes un Comorien vivant en France. Les Comoriens en général et les Grands-Comoriens en particulier vous connaissent puisque vous avez de la notoriété, mais ne connaissent pas votre parcours personnel. Que doivent-ils retenir de ce dernier?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: Je suis né en Grande-Comore. J’y ai grandi. J’y ai fait ma scolarité jusqu’au Baccalauréat. J’ai été à l’École nationale d’Enseignement supérieur de Mvouni, en appartenant à sa dernière promotion. Par la suite, je suis parti au Maroc. Je reviens donc sur le sentiment d’être redevable envers l’État comorien, et cette conviction n’est pas née aujourd’hui. C’est ainsi qu’après mon DÉA, je suis rentré aux Comores, où j’ai travaillé au ministère des Affaires étrangères comme Conseiller juridique. Poussé par l’irrésistible volonté d’aller plus loin dans la compétence et les compétences, et fort d’une expérience de trois ans au ministère des Affaires étrangères, je suis parti en France préparer une Thèse de Doctorat en Droit international public sur les Comores et le Droit international. Après la Thèse de Doctorat, j’ai intégré l’Université des Comores comme enseignant-chercheur, et mon expérience dans l’enseignement a duré une année. Mais, ce fut une expérience d’une très grande richesse, d’une très grande intensité, une expérience qui m’a apporté beaucoup de bonheur parce que, malgré les contraintes, je mesurais l’utilité de mon engagement et donc du travail que j’accomplissais au profit de mon pays. Humblement, je crois avoir laissé de bons souvenirs à mes collègues et à mes étudiants. J’ai quitté l’Université des Comores pour parfaire mon cursus universitaire en France, en essayant d’acquérir une autre expérience dans un domaine dans lequel il y a des besoins exprimés par les Comores. Cela m’a conduit à l’École du Barreau de Paris ou École des Avocats. Je me suis inscrit au Barreau de Paris après avoir obtenu mon diplôme d’avocat et travaille avec le gouvernement comorien, dont je suis l’avocat. À ce titre, j’ai l’honneur, le privilège, le plaisir, la responsabilité et la fierté de défendre les intérêts du gouvernement comorien, donc les intérêts de tous les Comoriens, quels qu’ils soient.

www.lemohelien.com: Compte tenu de la période que vous avez passée à l’étranger, n’avez-vous pas peur d’être accusé par vos adversaires d’«“étranger” parachuté»?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: Nous sommes tous des Comoriens et fiers de l’être. Entre les Comoriens vivant aux Comores et les Comoriens vivant à l’étranger, il ne peut y avoir que de fausses querelles. Ne sommes-nous pas tous unis par un même destin, dans une parfaite communauté de destin? À court d’arguments, certains adversaires seront tentés de dire que je vis à l’étranger. Or, je partage mon temps entre les Comores et la France, puisque je suis l’avocat du gouvernement comorien et je dois me rendre souvent aux Comores pour des raisons liées à cette fonction. En d’autres termes, j’ai une expérience effective et pratique du terrain comorien, pour y avoir travaillé et pour continuer à y travailler. Cela étant, je ne pourrais supporter l’idée de diviser artificiellement et pour des considérations politiciennes les Comoriens de l’intérieur et les Comoriens expatriés. Je le martèle: nous sommes tous des Comoriens. Évitons donc tout manichéisme démagogique et divisionniste, alors que, plus que jamais, les Comores ont besoin d’unité et d’amour entre leurs enfants. Il n’y a pas de bons et de mauvais Comoriens sur la base du lieu où vivent les uns et les autres. Nous sommes tous très attachés à notre pays. Le fait est que nous nous vivons dans des lieux différents et quand on vit à l’étranger, cela n’altère pas le sentiment patriotique. En même temps, je me dis et je pense sans grand risque de me tromper qu’une bonne partie de l’avenir, de la richesse et des ressources de notre pays sont à l’étranger, notamment et surtout en France. La diaspora est une immense richesse pour les Comores. C’est une opportunité exceptionnelle. Tout le monde sait qu’un jour ou un autre, d’une manière ou d’une autre, le Comorien qui fait l’acquisition d’une expertise et une expérience à l’étranger en fait bénéficier son pays de la manière la plus généreuse, comme le font d’autres communautés expatriées. C’est une question de bon sens.

www.lemohelien.com: Il y a trop de candidatures qui sont annoncées, mais les Comoriens ne savent même pas pourquoi tous ces gens-là sont candidats. Vous, dans votre cas personnel, vous êtes candidat à l’élection du Gouverneur de la Grande-Comore pour faire quoi?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: Je suis candidat au poste de Gouverneur de la Grande-Comore pour y proposer et appliquer des réformes destinées à une meilleure vie sur l’île, pour renforcer la cohésion nationale et pour unir les Comoriens dans un socle commun, celui de la République. Être Gouverneur de la Grande-Comore, c’est travailler également pour toutes les Comores, et c’est pareil pour les Gouverneurs des autres îles. Je suis partisan de réponses concrètes à des problèmes concrets. J’ai des solutions pratiques et sérieuses pour les problèmes du quotidien. C’est la raison pour laquelle ma vision est essentiellement économique. Pour aller de l’avant, nous devons développer notre économie. Dans mon programme, je mets l’accent sur la création des emplois réels. L’emploi reste le cœur palpitant de tout ce que je propose pour la Grande-Comore et les Comores. Or, pour créer de l’emploi, il faut de l’investissement. N’oublions pas que le chômage est incommensurable. Un jeune Comorien sur deux est au chômage. Cela est insupportable, inacceptable. Tout le monde sait aujourd’hui que la Fonction publique est à bout de souffle. Elle ne peut plus recruter. Donc, certaines réformes sont indispensables. Tout doit être fait pour que le secteur privé puisse disposer d’outils de travail lui permettant de créer des emplois réels en grand nombre. La politique que je préconise est celle consistant à aider le secteur privé à se développer, pour créer de la valeur et de l’emploi. Cela suppose la création d’un fonds de 5 milliards de francs comoriens, et par la suite, un autre fonds de 25 milliards de francs comoriens. Pour des raisons d’efficacité et de bonne gouvernance, ce fonds doit être géré par les Meck, dont on connaît la rigueur de gestion. Tout jeune Comorien, et je dis bien «tout jeune comorien», qui a un projet viable et profitable au pays et qui veut investir à la Grande-Comore soumettra son projet à une Commission technique indépendante constituée des Banques et qui appréciera sa pertinence. Si le projet est jugé viable et est retenu, le jeune promoteur aura le financement souhaité pour créer son entreprise dans des conditions absolument conformes à l’Islam, puisqu’il bénéficiera d’un prêt à taux zéro, donc sans intérêt bancaire. Nous lèveront les obstacles à l’accès aux prêts, à savoir, les cautions insurmontables. Le Gouvernorat se portera garant des emprunts faits par nos jeunes investisseurs, tout en imposant la rigueur afin d’éviter les gabegies. J’ai l’intime conviction que de ces jeunes promoteurs à qui le pays fera confiance, il y aura beaucoup à tirer parce qu’ils seront responsabilisés pour qu’ils soient à la hauteur de ce qui est attendu d’eux. Ainsi, pourront-ils rendre au pays l’amour que celui-ci leur porte. Cette modalité ne sera pas suffisante parce que tout le monde n’a pas vocation à créer des entreprises. Le Gouvernorat mettra donc en œuvre une politique de soutien aux entreprises pour leur donner les moyens de se développer et de recruter. J’ai discuté avec de nombreux chefs d’entreprises, qui m’ont expliqué leurs problèmes. Il faudra rééchelonner leurs dettes pour ne pas les garroter et étrangler financièrement, et cela supposera la création d’une sorte de Caisse de Dépôts pour constituer une épargne à long terme afin de pouvoir accorder des prêts aux entreprises sur de longues périodes. Il faudra également une politique de consommation des produits comoriens. Nous devons consommer comorien tant que les produits locaux sont disponibles. Cela suppose un accompagnement et des encouragements aux entreprises locales pour qu’elles osent prospecter les marchés et les secteurs porteurs. La recherche de débouchés extérieurs est également une priorité parce qu’on ne développe pas une économie si on ne développe pas une politique d’exportation de produits. Notre marché est limité. Il faudra avoir l’intelligence et l’audace de vendre à l’extérieur aussi. Cela ne nous est pas impossible. Mon expérience dans le domaine de la création d’entreprises en Europe m’apprend qu’il n’y a des limites que celles qu’on s’impose soi-même. Il faut juste avoir le courage de briser le plafond de verre au-dessus de nos têtes et de nous dire que nous aussi pouvons y arriver.

www.lemohelien.com: Compte tenu de votre personnalité, il faudra tout de même vous positionner sur le marigot politique comorien. Alors, serez-vous un candidat proche de l’opposition ou de la majorité?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: Cette question vous ressemble beaucoup et est curieuse quand elle vient de quelqu’un qui connaît à fond les mœurs politiques comoriennes, quelqu’un qui sait qu’il n’y a pas des opposants mais des mécontents. Il y a des circonstances qui changent et qui font que les alliés du matin deviennent les adversaires du soir. Je voudrais m’élever au-dessus de tout cela, me présenter devant la population avec des propositions concrètes et des solutions viables, en appelant le peuple à faire le meilleur choix sur le plan des idées et des actions: en toute humilité, ce meilleur choix, c’est moi-même. Les électrices et électeurs peuvent avoir les affinités politiques qu’ils veulent et se retrouver dans ma candidature, en me faisant confiance et en me soutenant sans réserve.

www.lemohelien.com: Êtes-vous en train de me dire que vous vous présentez à cette élection de 2016 pour le Gouvernorat de la Grande-Comore sans le soutien d’un parti politique?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: C’est cela. Oui, ma candidature est complètement indépendante des partis politiques parce que j’ai toujours regardé avec une certaine réserve les visées partitocratiques de certaines organisations politiques comoriennes, tout en reconnaissant leur utilité pour la démocratie.

www.lemohelien.com: Ahmed Sambi et ses hommes affichent une conception très spéciale, partisane et personnelle de la présidence tournante. Certains Comoriens appellent à l’abolition pure et simple de cette modalité électorale. Vous qui êtes un patriote sincère, un juriste de bonne renommée et un acteur politique vous en pensez quoi?

Saïd Mohamed Saïd Hassane: Le 8 avril 2009, donc juste avant la révision constitutionnelle du 17 mai 2009, j’ai publié un article sur Al-Watwan et organisé ensuite à Paris un colloque sur le sujet. Par ailleurs, dès le printemps 2011, j’ai proposé aux autorités comoriennes et à l’Université des Comores d’organiser un colloque en décembre 2011 à l’occasion du 10ème anniversaire de la Constitution. Alors, j’ai au moins 6 ans d’avance sur le sujet. Mais, pour faire court, je dirais que la présidence tournante n’est que l’effet. Il faut avoir le courage de parler de ses causes. La présidence tournante est une forme d’alternance politique, mais nos dirigeants en font un mauvais usage, en faisant prévaloir l’insularité, et c’est très dangereux pour l’unité du pays, alors qu’elle a été instituée pour favoriser la réconciliation nationale après la crise séparatiste qui avait éclaté à Anjouan en février 1997 et qui avait ébranlé la confiance entre les Comoriens des différentes îles. Le problème n’est donc dans la norme, mais dans l’homme politique. Si au moins, nous pouvions être de bonne foi…

Propos recueillis par ARM

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© www.lemohelien.com – Mercredi 16 septembre 2015.

 

 


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One Comment

  • ABDOU MHOUSSINE

    septembre 16, 2015 at 5:28

    Bonsoir tout le monde.J’ai lu l’interview du Docteur S.M.SAID HASSANE qu’il a accordée au site “lemohélien”.Docteur SMSH souhaite présenter sa candidature au poste du gouverneur de NGAZIDJA.Je salue la démarche et je souhaite vivement qu’il soit élu.Seulement,la politique aux comores ressemble à une jungle,il faut vraiment être bien orienté sinon on se perd.Et surtout lorsqu’on n’ est pas soutenu par aucun parti.Certes,notre Docteur a une expérience mais il n’a jamais été élu et ne connait pas les pratiques douteuses d’un certain nombre de candidats,capables de tout,capables d’acheter la conscience et l’inconscience des électeurs comoriens affamés.Il va y avoir du sport.Je voudrais bien soutenir sa candidature,seulement j’ai deux questions à poser à notre Docteur: Comment allez-vous obtenir les 30 milliards du fonds pour aider le secteur privé à créer des emplois pour les jeunes? Et enfin comment allez-vous financer votre campagne si vous ne désirez pas le soutien d’un parti politique?

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