• Home
  • /
  • actualite
  • /
  • Étrange Rapport de l’Union africaine sur les Comores

Étrange Rapport de l’Union africaine sur les Comores

Partagez sur

Étrange Rapport de l’Union africaine sur les Comores

Confusions: le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide?

Par Soilih Mohamed Soilihi

          Encore une fois, la Commission de l’Union africaine s’est lancée dans une gymnastique langagière tortueuse pour ménager le loup et l’agneau, la chèvre et le chou, face à l’imbroglio comorien, caractérisé par une crise politico-institutionnelle créée par celui-là même censé être «le garant du fonctionnement régulier des institutions». Dans un État démocratique digne de ce nom et institutionnellement crédible, il aurait été passible d’un procès devant une Haute Cour de Justice pour haute trahison. Feu Abbas Djoussouf, ancien Premier ministre, l’avait suggéré, en parlant carrément de Cour martiale. Passons! Après tout, il n’est pas à une forfaiture près contre cette République qui l’a nourri et lui a permis de franchir le Rubicon et même, régulièrement, le fameux «mur du çon».

Ainsi, au nom du sacro-saint principe de la souveraineté des États, principe résumé par la notion de realpolitik, pour ne pas parler, in fine, de la reconnaissance souvent complaisante du détenteur momentané de la fonction suprême d’un pays, l’Union africaine lui a-t-il tressé des lauriers et des couronnes, et lui a taillé un costume à la mesure de sa propre Constitution du sang et du deuil, une Constitution dont l’adoption par imposition et octroi a pourtant été boycottée par toute la population, selon les observateurs de la même Union africaine.

Le principal motif de satisfaction pour le dictateur, c’est qu’il pourrait ainsi envisager de renouveler, en 2024, dans l’inconstitutionnalité, la fraude et la violence un mandat anticonstitutionnel et illégitime, pour lequel sa CRC est déjà retournée dans une campagne «électorale» d’intimidation, à sens unique et jamais close depuis 2016. C’est une campagne «électorale» menée, par ailleurs, avec tambours et trompettes, toujours aux frais de la Princesse, dont les maigres ressources se sont amenuisées comme peau de chagrin.

Mais, encore faudrait-il que l’opposition puisse accepter d’avaler cette couleuvre qui réduirait à néant des années de lutte contre une dictature criminogène et pour la restauration de l’ordre constitutionnel issu de l’Accord-cadre de réconciliation nationale du 17 février 2001. Autant dire qu’il s’agit d’un scénario inenvisageable car consistant à demander à l’opposition comorienne de se faire hara-kiri, juste pour que le nouveau Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’Union africaine affiche une performance, là où ses chevronnés prédécesseurs algériens, Ramtane Lamamra et Smaïl Chergui, avaient jeté l’éponge, déçus.

Pis, un tel scénario pourrait entraîner un risque de dislocation de l’État, avec la mise sous paillasson de la présidence tournante, dont le tour actuel échoit à Anjouan depuis le 6 mai 2021. Et, il y a pire, «dans le meilleur des cas», quand il faudra inviter Mohéli à attendre 2039, pour espérer exercer son droit citoyen à la candidature à une élection présidentielle. Ce serait bel et bien faire prendre aux Comoriens des vessies pour des lanternes. Or, la rectification rapide et publique d’un manquement particulièrement grave du communiqué de l’Union africaine, au sujet de l’intégrité territoriale, démontre que celle-ci reste attachée à l’unité nationale des Comores dans ses frontières historiques, géographiques et reconnues internationalement.

Il n’empêche qu’à travers ce communiqué final, le galonné abonné aux «caprices meurtriers de brutes galonnées» (selon le mot joyeux de Philippe Leymarie), qui se gargarise de sa vice-présidence et de ses soutiens de pure complaisance au bureau de l’Union africaine, se retrouve acculé à reconnaître que sa «gouvernance» complètement ratée est gravement entachée de détenus politiques à libérer, et d’autres prisonniers détenus sans jugement, donc à soumettre à des procès équitables, ainsi que d’une défiance d’oppositions qui ne jouissent guère des règles et pratiques du multipartisme inhérent à toute démocratie. Et, on lui rappelle que sans changement d’une telle donne, aucun dialogue national et aucun développement basé sur la cohésion sociale, encore moins une «Émergence à l’horizon 2030», ne paraissent concevables, envisageables et possibles!

Dans la foulée, on pourrait être tenté de croire que ce communiqué de l’Union africaine fait écho au récent «sommet» entre l’Afrique et la France, à Montpellier, en mettant en exergue la nécessité impérieuse, pour toute démarche inclusive, d’impliquer les Organisations de la Société civile, notamment celles représentatives de la jeunesse, des femmes et de la diaspora. Voilà qui est bien loin de s’en tenir à des décisions préfectorales liberticides, à une Cour suprême aux ordres et à un insipide et obséquieux Parlement monocolore et monolithique, sans la moindre légitimité, transformée en une simple chambre d’enregistrement, dont la mission de l’Union africaine, malgré son parti pris, n’a même pas jugé utile ni de rencontrer, ni de mentionner dans ses écrits.

Toujours est-il que, pour un pouvoir qui claironnait en permanence sur les toits au sujet d’un «dialogue inter-comorien» visant des arrangements sans recours à la communauté internationale, le communiqué de l’Union africaine semble s’apparenter à une douche froide. En effet, non seulement, l’Union africaine réaffirme le fait de «rester saisi» du dossier comorien, mais en plus, entend-elle déployer une «mission multidimensionnelle, avec un budget déjà défini». Or, avant l’élection présidentielle fraudée de 2016, ayant jugé l’Union des Comores suffisamment stabilisée, l’organisation panafricaine avait décidé de fermer son Bureau de Liaison à Moroni, pour le transférer à Antananarivo.

Dès lors, il y a de quoi déduire que la confrontation entre un pouvoir dictatorial et une opposition pluraliste s’annonce avec des prolongations, avec un possible but de la mort, et vraisemblablement, cela pourrait se clôturer par des tirs au but!

En somme, à la question de savoir qui pourrait se révéler gagnant, notons que la sagesse populaire comorienne veut que «le mur du menteur ne tarde guère à s’écrouler», tout comme «la nuit du menteur ne tarde pas à s’achever» et, dans pareilles circonstances, il est permis de croire que neuf n’est nullement loin de dix…

Par Soilih Mohamed Soilihi,

Ancien Ambassadeur à l’ONU et aux États-Unis

Le copier-coller a définitivement tué la blogosphère comorienne. Cela étant, il est demandé amicalement aux administrateurs des sites Internet et blogs de ne pas reproduire sur leurs médias l’intégralité des articles du site www.lemohelien.com – Il s’agit d’une propriété intellectuelle.

© www.lemohelien.com – Lundi 1er novembre 2021.


Partagez sur

Laisser un commentaire

Time limit is exhausted. Please reload CAPTCHA.