Azali Assoumani «le littéraire» et son Salon du Livre
Son Salon du Livre porte sur quels ouvrages et auteurs?
Par ARM
La dictature mène à tout, y compris aux livres, mais uniquement pour les brûler quand ils ne sont pas du goût des tyrans. En son temps, l’écrivain allemand Heinrich Heine (1797-1856) avait lancé cette prophétie, tout juste après la fête nationaliste de Wartburg de 1817: «Là où on brûle les livres, on finit par brûler des hommes». Il s’agit d’une prophétie parce que non seulement Heinrich Heine était allemand, mais en plus, en Allemagne, le 10 mai 1933 et les jours suivants, les nazis se mirent à brûler les livres des dissidents et ceux dont les auteurs étaient des Juifs, des modernistes, des féministes, des communistes et des pacifistes. L’autodafé avait commencé à Berlin avant que le feu ne s’étende à d’autres villes. C’est ainsi que les livres de ces grands écrivains entre autres partirent en fumée: Bertolt Brecht, Karl Marx, Sigmund Freud, Arnold Zweig, Stefan Zweig, Erich Maria Remarque, Heinrich Mann, etc. Dans cette Allemagne, on brûla les livres, et par la suite, on brûla des hommes dans les chambres à gaz, exactement comme l’avait prédit l’Allemand Heinrich Heine. Triste!
Le fait n’est pas nouveau, et les écrivains qui dérangent ont toujours été cloués au pilori. Souvenez-vous de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), chassé partout en Europe, mais dont les cendres ont été transférées au Panthéon de Paris le 11 octobre 1794. Un grand écrivain a été détesté durant toute sa vie, et c’est après sa mort qu’on reconnaît son talent. En tout état de cause, le 22 décembre 2016, le Président français François Hollande était à Chambéry, et avait fait un déplacement très remarqué aux Charmettes, la maison Jean-Jacques Rousseau (Photo ci-dessous). À cette occasion, il avait dit que le remarquable Contrat social de Jean-Jacques Rousseau «reste pour nous un des fondements de ce que la République a su faire de la pensée de Jean-Jacques Rousseau». Belle revanche posthume de Jean-Jacques Rousseau, qui avait mené une vie d’errance, parce qu’on ne voulait de lui nulle part en Europe, et cela, uniquement parce qu’il était largement en avance sur son temps. En effet, parler de «séparation des pouvoirs» dans un régime politique de confusion des pouvoirs ne pouvait plaire. Dans une autocratie, dire que «l’homme naît libre, mais partout il est dans les fers», voilà qui ne pouvait destiner Jean-Jacques Rousseau qu’à la haine des pouvoirs publics. Il se faisait également détester pour voir écrit: «Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle; ce n’est point une loi». Oui, il était trop en avance sur son temps.
Aujourd’hui, loin des Charmettes et du Panthéon, un dictateur-kleptocrate répondant au nom d’Azali Assoumani Boinahéri et parlant un «français manioc» se pose en littéraire aimant la littérature et en protecteur des Lettres. Quelle grandeur d’âme! C’est émouvant! Il a poussé l’amour des belles feuilles jusqu’à recevoir le comité d’organisation du «Salon du Livre Comores océan Indien». Et ce qu’il dit à ces gens-là peut faire rire à mort un mort le jour de sa mort: «Votre projet, j’en fais mien» par «attachement à la culture et à la littérature» et pour «le rayonnement de l’image du pays et de la littérature comorienne». Tout ceci est bien dit, même très bien dit. Seulement, il faudra que le «pouvoiriste» polygame Azali Assoumani Boinahéri montre tout de suite au peuple comorien la liste des écrivains qu’il invite à sa mascarade, en s’expliquant sur les raisons sur lesquelles il se fonde pour lancer ses invitations et pour excommunier.
Qu’on se le dise et qu’on le lui dise! Les écrivains comoriens, ça ne fait pas beaucoup de gens et, à l’heure qu’il est, les plus dérangeants n’ont pas reçu leurs invitations. Personne ne quémande une invitation à une mascarade, mais il s’agit de questionnement. Il y a même ceux qui refuseraient l’invitation à cette cérémonie de la honte, mais les Comoriens s’interrogent, doutent et fulminent. Dans certains cercles intellectuels comoriens, on ricane, en disant trois choses absolument hilarantes: «Le tyran Azali Assoumani Boinahéri, qui se prend pour un littéraire, tout de suite après l’inauguration de son événement, devra se mettre à dédicacer son livre d’entretiens “Quand j’étais Président” aux côtés de son interlocuteur Charles Onana», ceci, d’une part. D’autre part, «c’est l’occasion pour l’idéologue haineux, acariâtre et aigri Idriss Mohamed Chanfi d’aller présenter son livre “Fragments d’expériences. Parcours d’un révolutionnaire comorien” afin d’expliquer aux masses populaires ce qui, dans son “parcours” ressemble à une “expérience” et fait de lui un “révolutionnaire”, sans oublier de répondre à la question de savoir s’il a un “parcours”». Enfin, les plus gentils disent: «C’est l’occasion rêvée pour le fugitif international Hamada Madi Boléro, devenu le Président de l’océan Indien, d’aller exhiber son livre électronique sur son expérience de pédophile ainsi que ses prétendus Mémoires d’autoglorification».
On l’aura compris, les Comores auraient pu organiser un vrai Salon du Livre, mais elles s’apprêtent à aller faire la promotion des livres au goût du pouvoir politique en place, chose qui n’étonne personne en dictature. Les autorités actuelles ont perdu une occasion de prendre de la hauteur et de faire preuve d’une certaine dignité. En tout état de cause, il faudra que les organisateurs du Salon du Livre des 13-18 mars 2017 expliquent aux Comoriens si dans «livre», il y a également les essais, ou s’ils vont s’intéresser uniquement aux romans. Ils devront également s’expliquer sur les raisons qui les ont poussés à ignorer un grand essayiste comme Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah, auteur de livres puisés dans les entrailles de la société et l’État des Comores, mais dédaigneusement censuré par eux. Oui, il défend des idées souverainistes, mais est-ce une raison pour le frapper d’ostracisme? En tout état de cause, il faudra toujours rappeler le fameux mot de Victor Hugo: «On résiste à l’invasion des armes, on ne résiste pas à l’invasion des idées».
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Mardi 24 janvier 2017.