Parlant d’acharnement, il souhaite qu’on oublie sa présidence ratée
Par ARM
«Ça va, grand frère?». Dès que ses visiteurs du soir lui posent la question, le Colonel Azali Assoumani Baba bondit de son fauteuil comme propulsé par une charge nucléaire et se lance dans une divagation d’une bêtise crasse: «Comment puis-je aller bien? Comment puis-je dire que je vais bien alors que ce blogueur haineux a fait de l’article de Thierry Vircoulon et ses prétendues accusations contre moi un moyen de sabotage de ma candidature à l’élection présidentielle de 2016? Avant qu’il ne commence à m’empoisonner la vie avec ses articles haineux, les Comoriens avaient oublié les 7 ans de ma présidence, qui n’a pas été que bonne. Je reconnais qu’il y a eu des erreurs, mais ce n’est pas une raison pour parler aux Comoriens de ce Thierry Vircoulon chaque jour, en me traînant dans la boue. Ce n’est pas bien. La révélation de ces fausses accusations a énervé les Comoriens, qui y croient comme d’habitude, ne m’accordant même pas le bénéfice du doute. On me recommande de faire semblant d’ignorer ce blogueur haineux et irresponsable, mais compte tenu des dégâts politiques et médiatiques occasionnés sur ma personne en cette période préélectorale, et afin d’éviter un horrible phénomène de contagion, je crois qu’il est temps pour moi de sortir de ma réserve. Je dois faire quelque chose parce que je me sens en train de perdre pied, en train de perdre l’élection primaire, qui aura lieu chez nous, ici, à la Grande-Comore. Je ne peux pas perdre cette élection. Je dois la gagner et remporter le second tour également car je ne me vois pas partir à la retraire à mon âge». Naturellement, Azali Assoumani Baba a des raisons de s’inquiéter parce que Thierry Vircoulon, son cauchemar du moment – il en a d’autres – n’est pas un «blogueur haineux et irresponsable», mais un lauréat de la prestigieuse École nationale d’Administration (ÉNA) et de l’Institut d’Études politiques de Paris, et a travaillé en Afrique pour le compte du ministère français des Affaires étrangères et de la Commission européenne, avant d’entrer au non moins prestigieux International Crisis Group, dont le Conseil d’administration est composé notamment d’une ancienne Présidente de la Suisse, d’un ancien Président du Chili, d’un ancien Premier ministre de la Belgique, d’un ancien Premier ministre des Pays-Bas, d’un ancien secrétaire général de l’ONU également ex-représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et la sécurité commune, de nombreux ministres de pays occidentaux, de l’Inde et du Japon, de diplomates de haut niveau, d’un ancien Commandant suprême des Forces alliées de l’OTAN en Europe, du milliardaire Mo Ibrahim, du milliardaire George Soros, etc.
L’article de Thierry Vircoulon, d’abord publié sur la revue Études, fut repris par le site du Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/0902_Vircoulon_FR.pdf), témoignant de son sérieux et de sa crédibilité. Le passage le plus ravageur de l’article est le suivant: «La privatisation de l’État, le “néo-paternalisme” de type sultanique ou la “politique du ventre”, bref les racines de ce que la Banque mondiale appelle la “mauvaise gouvernance” n’ont pas été éradiquées durant la transition. Corruption et mauvaise gouvernance ont continué à prospérer sous les yeux de la “communauté internationale”: aux Comores, comme l’atteste la découverte de 40 millions d’euros dans des comptes à l’étranger, le Colonel Azali a pillé le Trésor public et distribué les contrats publics à la coterie formée par ses proches». Il faut tout juste préciser que 40 millions d’euros correspondent à 19.678.700.000 de francs comoriens, alors que les dépenses annuelles de l’État comorien sont de 29 milliards de francs.
Pendant qu’Azali Assoumani Baba s’énerve et perd son sang-froid, les Comoriens le vouent aux gémonies, comme on peut le constater à la lumière de la «Lettre ouverte au colonel Azali Assoumani avec ses camelots sociologues, psychologues, philosophes, docteurs de tout, et heureux bénéficiaires de la générosité du colonel», lettre ouverte née sous la plume acerbe et alerte d’Ali Ahamada, qui l’a fait accompagner de sa photo pour qu’on comprenne qu’il ne s’agit pas d’un pseudonyme mais d’un homme qui s’assume dans sa colère contre un ancien dirigeant qui a participé à la destruction des Comores. Dans sa lettre ouverte, le frère Ali Ahamada a dressé un véritable réquisitoire contre Azali Assoumani Baba: «Je trouve que ces derniers temps, vous agacez l’opinion en vous imposant comme l’homme de la situation alors que derrière, vous traînez des casseroles qui vous valent la prison à vie. […]. En vous voyant partout afficher votre sourire accompagné de votre premier cercle, à la recherche du pouvoir après le mal que vous avez fait à notre pays, j’ai le sentiment que vous n’avez rien compris et il est grand temps de vous dire la vérité en face. […]. Un de vos soutiens qui occupe ces derniers temps la toile, un sociologue qui ne rate pas l’occasion de tirer sur ceux qui osent critiquer votre action, a refusé de répondre à une question cruciale posée par des centaines des Comoriens le jour où ils ont lu sur le site du Quai d’Orsay, le réquisitoire du journaliste Thierry Vircoulon, qui vous accuse d’avoir volé aux Comoriens la somme de 40 millions d’euros, soit, environ 19 milliards et 678 millions de francs comoriens. Pourtant cette triste nouvelle a choqué tout le monde, et ceux qui vous connaissent ont eu raison quand ils ont dit que vous n’allez pas vous expliquer sur ce sujet par manque d’éthique et du respect envers le peuple comorien. […]. Comment un ancien chef d’État, accusé d’avoir volé tout cet argent à son peuple, ose prétendre briguer à nouveau la Magistrature suprême? Pensez-vous que les Comoriens sont bêtes et vous laisseront revenir au pouvoir après tous ces déboires? Détrompez-vous mon colonel, et soyez cohérent avec vous-même. Pas plus qu’aujourd’hui, un autre blog lemohelien vient de publier qu’avec l’argent des contribuables comoriens, vous avez acheté un immeuble à Marseille, rue des Italiens et c’est votre belle-sœur, sœur de votre épouse, Générale Ambari qui remplit les fonctions de concierge et qui collecte les loyers des locataires». Rien que ça?
Mais, le frère Ali Ahamada en a toujours gros sur le cœur et a d’autres choses à dire à Azali Assoumani Baba sous forme d’avertissement: «Sachez mon colonel que selon de sources fiables, le montant de que vous avez volé aux Comoriens serait de 45 millions d’euros et non 40 millions. Un ami mohélien que nous partageons la même chambre s’en prend à vous et m’a confié que les 5 millions d’euros qui viennent de s’ajouter à ces 40 millions, auraient suffi pour goudronner la route qui mène de Wanani à Nioumachouoi. Pour lui et plusieurs parmi nous, vous êtes un assassin et l’histoire vous jugera le moment venu. […]. Vous avez tué notre espoir de voir ce pays se développer et ceux qui vous accompagnent aujourd’hui aveuglement dans votre folie de revenir au pouvoir seront jugés au même titre que vous. Les Comoriens vous regardent et vos sorties honteuses partout sans que vous soyez invité, et cela vous discrédite au-delà des crimes financiers que vous avez commis. […]. Pour finir, je tiens à vous rappeler que vous n’allez pas échapper aux sanctions de l’histoire et attendez-vous à de peines exemplaires car c’est tout un peuple que vous avez tué, n’en déplaise à vos supporteurs. Dans un pays où la justice remplit sa mission, une enquête serait ouverte pour vous amener à restituer au peuple comorien le peu qui vous reste parmi ces 45 millions d’euros volés à l’État. Le mépris que vous affichez à l’égard des Comoriens vous pousse à vous afficher partout, et votre promenade de ces derniers jours à Mohéli témoignent à quel point votre arrogance vous conduit le dos au mur. En attendant une vraie justice pour vous juger, nous vous disons, d’épouser un profil bas et d’enterrer vos rêves de briguer à nouveau la présidence de la République car vos mains sont pleines de sang, après nous avoir tués».
Ali Ahamada a exprimé sa colère par cet écrit cinglant, ce cri du cœur. Mais, d’autres Comoriens très en colère aussi aimeraient le faire et auront l’occasion de dire à l’ancien Président que eux aussi sont dans un état d’énervement suprême. Il est vrai qu’on peut toujours se moquer d’un peuple pacifique, mais qui peut fermer les vannes de la colère de tout un peuple le jour où les vannes en question cèdent sous la pression des eaux de l’énervement? Bien de dictateurs ont disparu pour n’avoir pas voulu répondre à cette question. La colère envers un homme comme Azali Assoumani Baba n’appartient pas uniquement à un «blogueur haineux et irresponsable», mais à tout un peuple. Et les Comores s’acheminent vers un climat politique tellement délétère que, petit à petit, les Comoriens ont commencé à ouvrir ceux de leurs yeux qui étaient encore hermétiquement fermés. La prise de conscience se fait à une vitesse inexorable et irrésistible, et ceux qui ont trompé le peuple une fois finiront par comprendre qu’ils ne pourront pas le faire une seconde fois parce que les Comores changent et évoluent.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Dimanche 21 juin 2015.
