Retour sur un article consacré à Hamada Madi Boléro
Saïd Hamada exige une nouvelle publication de son article
Par ARM
Le vendredi 15 octobre 2010, en pleine élection présidentielle, le frère Saïd Hamada de Boingoma, à Mohéli, village d’origine de Hamada Madi Boléro, futur fugitif international, avait publié sur www.moheli2010.com, premier nom du site www.lemohelien.com, un article sur cet homme empêtré dans des scandales et saletés aujourd’hui. Saïd Hamada exige une nouvelle publication de son article pour qu’on redécouvre la personnalité dangereuse et irresponsable de l’ancien chef des Mohéliens de Beït-Salam. Face à l’instance fraternelle de Saïd Hamada, il a fallu accepter cette nouvelle publication de son article. Mesdames, Messieurs, lecture…
Aliou, lui aussi, veut devenir Président
De l’Union des Étudiants africains en Ukraine à l’Union des Comores
«Avez-vous vu Aliou? Qui a vu Aliou? Où est Aliou? Si vous voulez éviter un drame, appelez le KGB, tout de suite, car si je tombe sur Aliou, je ne répondrais pas de moi-même. Il voulait devenir Président de l’Union des Étudiants africains en Ukraine? Personne ne s’est opposé à lui. Nous l’avons laissé faire. Ses “trucs”? Nous les connaissons, et pourtant, par faiblesse ou par charité, nous le laissons faire. Mais, cette fois-ci, il est allé trop loin. Oui, trop loin. Savez-vous ce qu’il m’a fait? Alors qu’il ne me reste que 25 roubles et 47 kopecks pour finir le mois, il a pris le poulet que je gardais jalousement dans mon frigo, dans l’attente de jours difficiles. Oui, il a pris mon pauvre poulet, l’un de ces beaux poulets dodus venus du Kirghizstan».
Il suffisait de voir Fouad Ben Mohadji trembler de colère pour savoir qu’il était sorti de ses gonds. Il était hors de lui-même. Mon grand frère, qui venait d’arriver à Kiev pour des études en Génie civil, n’avait jamais entendu parler d’un Aliou au sein de la communauté comorienne d’Ukraine. Abdou Moissi, d’Itsandzéni, était frappé de stupeur, voire scandalisé quand mon grand frère lui avait dit ne pas savoir qui était Aliou. Mais, comme Abdou Moissi est un garçon pondéré et compréhensif, il fixa mon frère longuement de son regard avant de lui dire: «Aliou, c’est notre star locale, une star qui nous vient justement de Boingoma, comme toi: Hamada Madi Boléro».
Hamada Madi Boléro dit Aliou. Ça fait tropical. Or, la scène se déroule en pleine taïga, si ce n’est dans la toundra d’Ukraine. Un endroit où il fait gris et froid en cette fin des années 1980. D’ailleurs, Abdou Moissi n’a nullement exagéré en qualifiant Aliou de «star locale». Car, dans la communauté des étudiants africains en Ukraine, l’homme Boléro était comme un poisson dans l’eau. N’était-il pas, justement, Président de cette communauté, donc, l’interlocuteur privilégié des autorités ukrainiennes pour tout ce qui touche les étudiants africains sur le territoire de ce qui était encore une République soviétique? Son bagou de marchand de tapis et sa faconde de marchand de chameaux faisaient le reste. Ces années ont été déterminantes pour sa formation d’homme d’État. Et, il ne faut pas avoir la faiblesse de croire qu’Aliou se contentait d’être un figurant, peu s’en faut. Même les autorités soviétiques, connues pour être austères et déprimantes, affichaient une mine réjouie dès qu’elles voyaient Aliou, chapeau de feutre sur la tête comme un éminent apparatchik de la nomenklatura, serviette en main, comme un businessman occidental. Car, qu’on l’aime ou qu’on soit réservé à son égard, force est de constater que l’homme Aliou a au moins deux qualités: l’éloquence et une inébranlable volonté et capacité de convaincre. Il est d’un commerce agréable, et cela, les autorités ukrainiennes le savaient. Et l’appréciaient.
J’ai déjà eu l’occasion de signaler que son ascension politique reste un cas sui generis dans les annales politiques des Comores. Mais, ce que les gens ne savent pas, c’est que Hamada Madi Boléro s’est préparé de longue date à l’exercice du pouvoir. Déjà en classe de Sixième, il citait Karl Marx, Friedrich Engels et Vladimir Oulianov dit Lénine. Lui-même s’était surnommé Lénine. Sa connaissance de la doxa marxiste-léniniste était incontestable et le reste, même si, à l’épreuve du pouvoir, il a viré au libéralisme. C’est une question de réalisme, et Hamada Madi Boléro est un réaliste, un pragmatique, un politicien qui n’a que du mépris pour le dogmatisme. Ceux qui l’ont côtoyé au cours de ces années 1977-1980, quand il était au Collège rural de Fomboni, ont vu en lui un élève particulièrement brillant, un élève qui avait le don de jongler avec les matières littéraires et avec les disciplines scientifiques, avec une égale aisance. C’était une qualité plutôt rare, et ce, à un moment où, à Mohéli, on regardait les littéraires avec un profond dédain et avec pitié, les considérant comme des cas irrémédiablement perdus. Cela étant, certains élèves pouvaient faire et refaire le baccalauréat 5 fois de suite – honni soit qui mal y pense – puisque certains élèves étaient convaincus que l’excellence et le mérite ne pouvaient venir que des matières scientifiques.
Hamada Madi Boléro devient bachelier en 1984. Il effectue son service national en 1984-1985 au Collège rural de Fomboni, où il a été lui-même scolarisé quelques années plus tôt. En 1985, il débarqua avec armes et bagages en Ukraine, qui faisait encore partie de l’URSS. En Ukraine, Aliou était chez lui. Sachant se mettre en valeur, doté d’un instinct de survie hors du commun, notre bonhomme sut tirer profit des événements, précisément de son statut de Président, toujours endimanché, de l’Union des Étudiants africains en Ukraine. Il fit ses études en Relations internationales. À la fin de ces études, il retourna aux Comores et fut pris en charge par Abdallah Saïd Mchangama, alors étoile polaire de la galaxie politique des Comores, où il était arrivé à se faire le gendre du Président vieillissant Saïd Mohamed Djohar. Il fit ses premières armes au Parlement, sous l’œil bienveillant et quelque peu gourmand de son mentor, Mchangama. Mais, justement sur cette proximité avec Mchangama, les avis sont partagés. En effet, pour les experts avertis, Hamada Madi Boléro est plus machiavélique et donc plus cynique que Mchangama, tandis que les initiés estiment que l’homme Boléro et Mchangama se valent, et alors que les observateurs du microcosme comorien se disent convaincus que le culot de Mchangama dépasse légèrement celui de Hamada Madi Boléro, sinon l’inverse. Cherchez l’erreur…
Le 30 avril 1999. Azali Assoumani, disant vouloir «sauver ce qui peut l’être», réussit son coup d’État. Voulant prendre le train à la gare de Beït-Salam et non en marche, Hamada Madi Boléro commet un article élogieux envers la junte militaire. Azali Assoumani, qui était dans un état de désespoir absolu, puisqu’il ne savait que faire de son putsch, le fit convoquer pour l’entendre répéter des paroles d’encouragement envers lui, dans un état d’obséquiosité faisant pleurer d’émotion certains collaborateurs de l’officier qui avait été le premier à se cacher à l’ambassade de France à Moroni, lors du putsch de 1995, qui avait renversé Saïd Mohamed Djohar. C’est ainsi que Hamada Madi Boléro devint l’un des chantres de l’Azalisme. Mais, convaincu que Dieu ne l’a envoyé sur terre que pour devenir un dirigeant de premier plan, Aliou voulait jouer dans la cour des grands, car les seconds rôles, ce n’est pas son verre de Vodka, sa louche de caviar, non plus. Touchant…
C’est alors qu’il eut l’idée du siècle. Et pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt? Un moment, il avait eu peur pour lui-même, croyant que son intelligence diminuait. Oui, pourquoi n’avait-il pas pensé plus tôt à Mohamed Saïd Fazul, de Boingoma comme lui et moi, et dont l’oncle était un des interlocuteurs mohéliens d’Azali Assoumani, susurrant au neveu une mélodie qu’aucune personne aimant un tant soit peu le pouvoir n’aurait ignorée: «Par la force des choses, et en raison de la crise née du séparatisme à Anjouan, Azali Assoumani a choisi un Premier ministre mohélien: Bienrifi Tarmindhi. Dis à Tonton de persuader Azali Assoumani de s’en débarrasser et de me nommer à sa place, et, quand je serais chef du gouvernement, je fais de toi le gouverneur de Mohéli». Les choses se passèrent comme Hamada Madi Boléro les avait «vues», mais sans pouvoir maintenir longtemps Mohamed Saïd Fazul dans son giron et dans celui d’Azali Assoumani. Les ennemis étaient aux aguets à Moroni et à Mutsamudu.
Début janvier 2002. Quand Azali Assoumani devait démissionner pour se présenter à des élections truquées pour tenter de légitimer son putsch, c’est à Hamada Madi Boléro qu’il confia les clefs de Beït-Salam, alors que le cousin Mohamed Elamine Soeuf, croyant son heure arrivée pour la magistrature suprême, rongeait son frein et manœuvrait en coulisses. Son échec, pourtant prévisible, l’a conduit à vouer à Hamada Madi Boléro une haine peu commune sur la scène politique comorienne. Aliou resta président de la République de janvier à mai 2002. En 2004, il fut battu aux élections législatives par Mohamed Larif Oukacha. Il démissionna de son poste de ministre de la Défense, non pas, comme le prétend la vox populi, à la suite de cet échec, mais après le constat fait sur son incapacité à lutter contre la montée des intégristes comoriens, dont certains sont devenus des agents du terrorisme international. Pour le consoler, l’«ami Azali Assoumani» (ces guillemets ont une lourde signification: Azali Assoumani avait favorisé l’échec d’Aliou) lui confia la direction d’une coquille vide, celle de la télévision des Comores. En 2009, il fut battu aux législatives par Ahmed Daroumi, un novice en politique, achevant de convaincre ceux qui suivent sa carrière politique et croyaient en lui qu’il est désormais une cause désespérée, un cas perdu.
Il est candidat à l’élection présidentielle de novembre et décembre 2010. Mais, le gugusse présente un bilan politique médiocre. Les Comores ne lui doivent aucun projet. Si, un! Il est l’auteur d’un super-projet: la construction d’une super-maison familiale. Si on gratte un peu, on retrouve des détournements de fonds à la pelle, des trafics de tous genres (visas et autres), et des accusations diverses. Les Mohéliens sont unanimes pour l’accuser d’arrogance, lui qui a dirigé d’une main de maître la contestation contre le projet de Sambi de ne pas vouloir accorder à Mohéli la présidence tournante en 2010. Oui, sur ce plan, Hamada Madi Boléro a été impeccable. Irréprochable. Mais, voilà, on le dit arrogant, assoiffé de pouvoir, d’argent, d’honneurs et d’être convaincu d’être né pour être Président de la République. Sur Internet, il est photogénique (Ah! Son fameux demi-sourire sur ses photos!), mais cela ne suffit pas pour devenir chef d’État. Les coupeurs de cheveux en quatre l’accusent de se dire Mohélien ou Grand-Comorien selon ses intérêts du moment. Les grincheux lui reconnaissent de l’intelligence, mais se demandent pourquoi il ne met pas celle-ci au service de sa carrière politique. Les Tartuffes ne comprennent pas pourquoi Hamada Madi Boléro, le politicien comorien – Sambi compris – le mieux informé des choses de l’Islam, prend autant de libertés avec cette religion. Les cyniques l’accusent de ne pas savoir fidéliser sa clientèle politique, rappelant, des larmes de crocodiles aux yeux, que même le fidèle Abdallah Saïd Sarouma, dit Gris-gris, dit Baguiri, dit Chabouhane, a quitté son navire pour voguer sur le bateau du Commandant Bienrifi Tarmindhi, dont il avait eu la peau dans les conditions évoquées. Les jaloux disent que dans son engagement pour Mohéli-2010, il n’y avait que des calculs politiques d’arrière-boutique, comme si on entend des politiciens comoriens qu’ils soient sincères. Les Comoriens de France disent que Hamada Madi Boléro continue à les mépriser et à les snober, comme aux temps de sa splendeur (passée). Ceux atteints de complotite aiguë voient en lui un collaborateur des services secrets et de la mafia de Russie. Au plus fort de la crise à Mohéli au printemps 2010, quand Sambi complotait pour rester au pouvoir, chaque fois que Hamada Madi Boléro se rendait en France – à dessein, de manière presque secrète, il est vrai –, on l’accusait de préparer un putsch contre le récalcitrant de Beït-Salam. De la pure paranoïa…
Imperturbable, Aliou se croit prédestiné, destiné à devenir un grand homme d’État. Mais, cela, seuls les Mohéliens et les autres Comoriens ont le pouvoir de le dire, soit pour le conforter dans la haute opinion qu’il a de lui-même, soit pour le désavouer. En tout état de cause, Aliou sait se glisser dans les habits d’un grand chef, sait être un homme d’appareil politique, aime exercer le pouvoir, mais ne sait pas le conquérir. C’est son drame personnel.
Saïd Hamada,
Boingoma, Mohéli
Vendredi 15 octobre 2010
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Dimanche 12 mai 2016.