Regain de violence haineuse dans l’indifférence à Mohéli
Violences sportives, haines politiques et surenchères politiciennes
Par ARM
Mohéli est en ébullition. Mohéli est devenue une cocotte-minute surchauffée et sur le point d’imploser et d’éclabousser toute la population et les autorités. Pourtant, les autorités semblent ne pas s’en rendre compte. Au surplus, les forces de l’ordre ne canalisent pas cette violence. C’est ainsi qu’un simple match de football, à Djoiezi, entre Belle Lumière (Djoiezi) et Fomboni Club (Fomboni), le samedi 24 octobre 2015, est devenu un casus belli, l’exutoire des rivalités séculaires entre Djoiezi et Fomboni, des rivalités qu’on croyait enfouies dans la mémoire collective et classées dans les placards de l’Histoire. Comme cette rencontre sportive devait avoir lieu à Djoiezi, une liste de 30 Fomboniens avait été établie par des jeunes de Djoiezi, et des menaces de violence avaient plané, semant le doute dans les esprits et dans les cœurs. Il avait été interdit à ces Fomboniens de se rendre au stade de Djoiezi. Et tel dirigeant de Fomboni Club dira, dépité: «Je fais partie de ceux qui ont été interdits d’accès au stade de Djoiezi. La cause? Je ne la connais toujours pas. Notre équipe a été battue à Djoiezi parce que le match a eu lieu dans un état de psychose. Nos supporters ne pouvaient même pas aller encourager notre équipe. Nous avons une équipe qui honore les Comores au niveau africain, donc mondial, depuis que notre pays fait partie de la FIFA. Fomboni Club est capable d’aller battre un club étranger sur son propre stade, devant son propre public, et cet honneur rejaillit sur toutes les Comores, sur tous les Comoriens. Nous ne comptons pas des hooligans dans nos rangs. Nous ne sommes pas des voyous. Cela étant, un peu de compréhension et de fraternité entre nous ne ferait de mal à personne, bien au contraire».
L’affaire a même été politisée par ceux qui ont voulu ajouter la confusion à la confusion. Des propos malheureux ont circulé, et le camp de ceux qui sont accusés de les avoir tenus démentent, disant, scandalisés, qu’«il s’agit d’un montage grossier destiné à salir certaines personnes, pour de basses manœuvres politiciennes, en période préélectorale. Ceux qui attribuent aux autres des mots violents et choquants savent ce qu’ils font, puisque ce qui les intéresse, c’est semer la haine entre les Mohéliens de Fomboni et ceux de Djoiezi. Tout ce cinéma relève de la politique politicienne».
Du côté de Djoiezi, on lève les mains au ciel et on clame son innocence en prenant Dieu à témoin. Ce Djoiezien pur sucre, la voix vibrant des trémolos de la sincérité, fait tout pour contrôler sa colère, avant de dire: «Nous ne sommes pas des bêtes sauvages, et nous ne voulons pas de troubles lors d’un match opposant Belle Lumière à Fomboni Club. Nous avons tous des relations de famille à Mohéli. Les Mohéliens sont originaires de toutes les régions de Mohéli, et nous ne voulons pas de haine sur cette île. En même temps, nous avons été insultés. Pourquoi on nous insulte, en y incluant nos mères, nos sœurs et nos filles? C’est indigne. Ça ne sert à rien de nous injurier. Oui, on nous a injuriés. Et quand on nous accuse de violence envers des supporters de Fomboni Club, nous protestons vigoureusement parce que les brutalités ont eu lieu hors du stade et hors de Djoiezi. Elles ont eu lieu hors de Djoiezi, plus précisément à Bandar-Es-Salam, et ne sont pas le fait de Djoieziens, mais de policiers à qui nous n’avons rien demandé. Et comme parmi les policiers qui sont accusés de violences il y a un Djoiezien, on n’a pas tardé à trouver le bouc émissaire tout désigné. Or, ce policier originaire de Djoiezi n’était pas seul, mais il est le plus visible». Et quand on parle au Djoiezien des manipulations politiciennes de l’affaire, il balaie l’accusation d’un seul mot crié et sortant de ses entrailles: «Balivernes!».
Ce fervent supporter de Fomboni Club rejoint le Djoiezien sur un point: «Les forces de l’ordre font ce qu’elles veulent à Mohéli, malgré le message de discipline et d’exemplarité qu’elles reçoivent de la hiérarchie. Nous déplorons ces violences et ce d’autant plus que le supporter qui a reçu le plus de coups n’est pas un Mohélien, mais fait partie de ces frères de Grande-Comore qui aiment notre équipe et qui se déplacent souvent quand Fomboni Club joue un match décisif. Aujourd’hui, je suis très triste d’apprendre que nos frères de Djoiezi, partis jouer à la Grande-Comore sont gardés par des militaires à Mdé parce qu’on se fait des soucis pour leur sécurité. Ce n’est plus du sport. C’est du pugilat et je ne me reconnais pas dans ce triste dévoiement du sport. C’est triste et regrettable. Il faudra qu’on reconnaisse que les forces de l’ordre sont devenues un État dans l’État. Elles font ce qu’elles veulent. Nous attendons un signal fort de la part des autorités pour que cessent ces violences policières et militaires. Nous voulons juste vivre en paix et dans la tranquillité, sans avoir à subir des avanies inexpliquées et inutiles».
«Les autorités»? Celles-ci ont d’autres préoccupations en tête en ce moment, et l’heure n’est plus à la sérénité dans leurs esprits. Ce vieux routier de la classe politique de Mohéli ricane et déclare de sa voix de Stentor: «On oblige les Mohéliens à rire sous cap et à dauber. Les Mohéliens rient et daubent. Quand je dis cela, je plaisante à peine parce que le Gouverneur Mohamed Ali Saïd a placé à la tête du Conseil de l’Île un de ses hommes, un homme sans relief et dont le seul surnom fait rire le Tout-Mohéli. Les Mohéliens savent pourquoi ils rient sans retenue. Mohamed Ali Saïd croyait avoir fait le meilleur choix en plaçant qui il voulait à la présidence du Conseil de l’Île. Or, il se trouve que le “gentil et placideˮ exécutant n’obéit plus au maître. C’est une sale affaire. Du coup, c’est la confusion totale à Bonovo, où le Gouverneur Mohamed Ali Saïd ne sait plus à quel saint se vouer. Et ce n’est pas fini». C’est une petite plaisanterie qui ira très loin.
Et c’est alors qu’El Amine Ali Mbaraka dit Aboulkhaïr ou Embargo entre en scène, enfonçant perfidement le clou: «Il se passe des choses à Mohéli. La politique, ici, se limite à un déploiement de haine. Les politiciens se haïssent et passent plus de temps à fourbir les armes de la haine qu’à travailler pour le bien de la population mohélienne. Nos autorités insulaires ont sorti la grosse artillerie. Elles viennent de préparer un texte qu’elles ont envoyé à Moroni et qui me visent personnellement. Ce texte déclare l’inéligibilité de toute personne en état de célibat. En d’autres termes, tant qu’on n’est pas marié, on n’a pas le droit de se présenter à une élection. Où allons-nous comme ça? Dans les coulisses, on retrouve le Maire de Fomboni, qui a beaucoup influencé les Conseillers de l’île, sur qui il n’a aucune autorité légale, pourtant. Comme on croit, à tort ou à raison, que je pourrais être candidat à l’élection du Gouverneur de Mohéli, on fait tout pour barrer la route à un trublion». Et le «Président de la “Rue publiqueˮ» d’ajouter avec sadisme et ironie: «Nos dirigeants insulaires sont tellement bons qu’ils s’imaginent que leurs artifices juridiques vont avoir autorité sur les lois de l’Union des Comores. À défaut d’autre chose, les autorités mohéliennes réinventent le “Droitˮ et ne se gênent même pas. Mais, croient-elles réellement que leur petite combine va marcher? Il est vrai que nous sommes dans un pays du Tiers-Monde, mais il ne faut pas exagérer».
En tout état de cause, dans les rues et dans les salons de Mohéli, tout le monde parle politique. Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes ne parlent que du prix du girofle et de la politique. Mais, dès qu’il est question de politique, on n’entend que très rarement des vraies propositions. Le plus souvent, le discours se limite à un torrent de haine. Les acteurs politiques parlent politique, chacun essayant de se placer en orbite et de dire qu’il est le plus beau et le plus intelligent. Mais, la population tient un discours différent, un discours qui ne fait pas grand cas de ceux qui s’étripent à Mohéli pour se caser et se construire par la suite de belles villas et de beaux pavillons et rouler dans des voitures sans plaques d’immatriculation. C’est un discours de colère dans lequel la détestation et la haine tiennent le haut du pavé. De ce fait, il n’est pas rare d’entendre les uns et les autres dire avec colère: «Jamais, Mohéli ne votera pour celui-là. C’est un vaurien». Suit une litanie d’accusations infâmes et infamantes. Jamais l’île de Mohéli n’a été une telle cocotte-minute politique. Mohéli est en colère. Mohéli gronde.
Pourtant, il est fait qui devait retenir l’attention de tout le monde et qui semble passer inaperçu: le positionnement politique. Les acteurs politiques mohéliens ont décidé de ne pas décider. Ils ne décident pas. Ils attendent, et ce qu’a dit à ce sujet Mohamed Saïd Fazul est d’une actualité criante. Chaque acteur politique mohélien qui compte a le téléphone portable en main dans l’attente d’un appel salvateur qui pourrait venir de la Grande-Comore. Il faut voir les politiciens mohéliens écarquiller les yeux chaque fois que leurs engins parlants sonnent. Ils se jettent dessus avec l’énergie d’un affamé voyant apparaître de la nourriture. Il va sans dire que tout le monde parle à tout le monde, mais tout le monde daube et fait des tartines sur tout le monde sur la classe politique mohélienne. Ça promet. Seul Dieu sait comment va finir tout ce micmac.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Lundi 2 novembre 2015.