Mohéli regrette son insouciance légendaire

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L’Île de Djoumbé Fatima veut en finir avec un dictateur sauvage

Par ARM

   Quand on demande aux partisans de Mohamed Saïd Fazul, ancien Président de l’île autonome de l’île de Mohéli, principal challenger du candidat Ikililou Dhoinine lors de l’élection présidentielle de 2010, «où est votre chef et où en est-il avec ses alliances politiques saugrenues?», mystérieux, ils répondent: «Le Président est en embuscade. Il peaufine notre stratégie gagnante pour 2016». La question se pose parce que, à l’heure qu’il est, le Mohélien malin est dans les abîmes de la réflexion politique. Un coup, il est avec Ahmed Sambi sans être avec lui, un coup, il est avec Mohamed Ali Saïd, sans oublier les coups de Jarnac que celui-ci lui a faits en 2010, le roulant dans une farine de mauvaise qualité, avant de déclarer: «Le plus intelligent de tous les politiciens mohéliens, c’est moi, parce que j’arrive toujours à mes fins, après avoir trompé tous ces rigolos qui se prennent pour des gens intelligents. Je vais continuer à les tromper et à gagner les élections. Je sais déjà que je serai reconduit à mon fauteuil de Gouverneur. Les opposants peuvent continuer à crier dehors, et je m’en moque». Il a tort, bien évidemment. La donne politique est en train de changer à Mohéli. Les Mohéliens sont en train de sortir de leur léthargie.

   En effet, après des années de sommeil profond et comateux, les Mohéliens sont rattrapés par une réalité amère et cruelle, qu’ils ont eux-mêmes créée, en réélisant en 2010, le plus inculte, le plus violent et le plus sauvage de ses Gouverneurs, Mohamed Ali Saïd. La situation est d’autant plus grave à Mohéli, que le Gouverneur, connu pour son penchant pour la trivialité et la corruption, est publiquement et ouvertement accusé depuis janvier 2013, par la classe politique de l’île «de détournement de fonds publics, d’abus de pouvoir, d’abus de confiance, de corruption, de chantage, de favoritisme, d’arrogance, de négligence, d’insouciance, d’incompétence et de comportement antisocial». On se souvient qu’en janvier 2013, soixante-une personnalités de l’île, aussi respectables les unes que les autres, venues de tous les horizons politiques, sociaux et villageois – sauf de Djoiezi – avaient adressé au Président Ikililou Dhoinine une lettre ouverte très sévère, mais très mesurée et objective, dans laquelle elles dénonçaient les comportements mafieux du tyran de village qui met l’île en coupe réglée.

   Il est surtout reproché à Mohamed Ali Saïd sa «logique de gouvernance autocratique et opaque, déjà expérimentée lors de son premier mandat de Président de l’île autonome de Mwali (de 2007 à 2010) et caractérisée par une gestion chaotique et une mainmise généralisée sur l’administration et les finances publiques de Mwali, en dehors du cadre légal et au mépris des procédures idoines, se transformant systématiquement en petit despote qui foule aux pieds les droits et la dignité de ses administrés». Les politiciens mohéliens accusaient et accusent toujours le Gouverneur de rémunérer les agents de son entreprise personnelle Modjaco et de ses magasins sur fonds publics, un délit qui aurait dû le conduire en prison dans un pays normal. En plus, en 2012, non seulement le Gouverneur n’a rien fait pour aider les Mohéliens à commercialiser leur girofle, mais en plus, il avait instauré une dîme mafieuse de 200 francs sur chaque kilogramme de ce produit à destination des autres îles, une opération mafieuse qui lui a rapporté 120 millions de francs (243.902,43 euros), une fortune à l’échelle de Mohéli. Aucun pays au monde n’applique une taxe d’«exportation interne».

   Le Gouverneur avait abusivement licencié 60 enseignants et «s’arroge le droit de manipuler les salaires des agents de l’État en exercice à Mwali, procédant à des ponctions et à des ajustements selon ses desiderata, en l’absence d’acte administratif justificatif donc de manière arbitraire». Ploutocrate, rapace et kleptomane, le Gouverneur loue à l’Île sa maison et sa voiture, qu’il utilise lui-même. C’est du vol pur. Le Gouverneur est également coupable de «détention sans partage du monopole des marchés d’achat des véhicules administratifs de l’île» et «il est de notoriété publique que M. Mohamed Ali Saïd, par l’entremise de Modjaco, est l’unique fournisseur de l’administration de Mwali en fournitures de bureau, en équipements informatiques et en moyens de transport (véhicules, motos, pièces détachées et toutes sortes d’accessoires). C’est lui qui décide toujours de la commande, l’exécute, en fait la livraison et ordonne le paiement. Ainsi des cartons de papier, des ordinateurs avec accessoires, des motos avec casques, etc. sont parfois livrés à des services qui n’en ont pas besoin, et les fausses factures sont monnaie courante. Les tarifs pratiqués sont souvent fantaisistes car exorbitants lorsque Modjaco est en position de monopole, mais parfois artificiellement trop bas quand rarement il y a de la concurrence, et naturellement personne n’est en mesure de vérifier si les quantités livrées correspondent à celles qui sont facturées».

   S’en ajoutent les voyages liés à son commerce personnel effectués à Dubaï, mais financés sur fonds publics et assortis d’indemnités de déplacement à l’étranger, son refus de s’acquitter d’impôts et taxes pour son commerce personnel, les manipulations éhontées des marchés publics, qu’il s’attribue – c’est un secret de Polichinelle –, sa mainmise sur le carburant de l’île, son refus de payer les factures d’électricité relatives à ses activités commerciales, la corruption dans les concours et examens, son rejet de la Commission insulaire de Lutte contre la Corruption, sa dictature malsaine sur les médias insulaires, et le fait que «M. Mohamed Ali Saïd s’emploie à introduire dans l’île une sorte d’apartheid politique en semant la division entre localités et quartiers et au sein de la société en interdisant par exemple à ses partisans de côtoyer des citoyens taxés d’opposants».

   Mohamed Ali Saïd était et est également accusé de s’être approprié illégalement, à Wanani, le terrain de Dominique Laurette, et d’y avoir organisé la cueillette du girofle sous la menace de la soldatesque. Plus grave encore, «cent cinquante à deux cent millions de francs seraient attribués à l’exécutif de Mwali par le gouvernement de l’Union, vraisemblablement en tant que quote-part de l’île dans le cadre des recettes à partager, selon le Commissaire aux Finances de l’île. Cet argent destiné, paraît-il, à réaliser des actions de développement, est utilisé avec tellement d’opacité, de cynisme et de fantaisie que les Mohéliens, pourtant bénéficiaires supposés dudit développement, n’y voient qu’une généreuse contribution supplémentaire des autorités nationales à l’enrichissement personnel illicite de M. Mohamed Ali Saïd». En plus, au lieu de travailler pour l’île, le satrape dirige ses entreprises personnelles, pourchassant et malmenant illégalement ses concurrents.

   Le Mobutu Sese Seko de Mohéli est également accusé, mais en filigrane, d’être un soudard: «Par pudeur, nous nous abstenons d’évoquer certains reproches largement répandus et attribués au Premier Magistrat de Mwali», reproches en relation directe avec son goût pour certaines coucheries. Et comme si cela ne suffisait pas, on apprend que «dans son comportement au quotidien, M. Mohamed Ali Saïd combat irrégulièrement les commerçants et les entrepreneurs de Mwali, méprise la classe politique, déteste les cadres et les intellectuels et fait tout pour dénigrer les personnes et les familles respectables».

   Tout ce qui est écrit dans cette admirable lettre ouverte est vrai. En même temps, les Mohéliens devront s’interroger sur leur haine, qui les avait conduits à élire au Gouvernorat ce qu’il y a de pire au sein de leur société: Mohamed Ali Saïd. En 2007, quand Mohamed Ali Saïd et Mohamed Saïd Fazul s’étaient retrouvés au deuxième tour de l’élection du Président de l’Île, les Mohéliens avaient dit devoir choisir entre «le sida et le choléra». Mais, pourquoi les Mohéliens ont-ils réélu le «sida», alors qu’ils auraient pu élire un candidat convenable sur le plan corporel, vestimentaire et en matière de gouvernance? À Mohéli, tout le monde sait que Mohamed Ali Saïd est un homme vulgaire, sauvage, mais il s’est trouvé des politiciens mohéliens – dont son ancien rival, Mohamed Saïd Fazul, signataire de la lettre ouverte – pour soutenir sa candidature.

   En 2010, les Mohéliens avaient rejeté Saïd-Ali Hilali, un homme digne, honnête, compétent et qui sait s’habiller, qui a été battu aux élections par le plus trivial de ceux qui font le malheur de ce beau pays. Est-ce que les Mohéliens vont tirer les leçons de ce malheur? Rien n’est sûr car la haine du Mohélien envers lui-même et envers son île est légendaire. Voter pour l’inculte au détriment de l’homme d’État instruit, cultivé et expérimenté est une vieille recette politique mohélienne. Mais, les choses bougent parce que Mohamed Saïd Fazul «est en embuscade». Avec qui? On ne sait pas. En tout cas, le Mohélien malin fourbit ses armes. Comme à son habitude, il rend visite aux malades à l’Hôpital de Fomboni, présente des condoléances aux familles qui ont perdu un membre, répond aux invitations aux mariages, fait la bise sur les deux joues aux enfants à qui on vient de faire la circoncision, mange par terre avec les villageois, lance ses plaisanteries grasses et salées qui ont fait sa réputation, fait ami-ami avec tout le monde, pour ne fâcher personne. Il a rejeté avec dédain la proposition du Caporal Bourhane Hamidou, qui voulait faire de lui son colistier à Mohéli en 2016. Il voit loin, Mohamed Saïd Fazul. Et a une revanche à prendre contre son ami-ennemi.

   Mais, on nous dit que le dictateur de Bonovo n’a plus le droit de se représenter, puisqu’il a déjà fait deux mandats. Abiamri Mahmoud, Directeur général de Comores Télécom, est également dans la course, mais a le moral dans les talons en ce moment parce qu’il vient de se faire insulter comme du poisson pourri à Beït-Salam par le Président Ikililou Dhoinine, qui l’a vertement traité de «voleur», à cause de ses histoires à la Direction de Comores Télécom. Et puis, on nous dit qu’à Mohéli, les partisans de la Première Dame organisent une «conférence au sommet» ce dimanche 23 août 2015, à Fomboni. Certains disent que la Première Dame s’est déjà déclarée pour une candidature au Gouvernorat de Mohéli, tandis que d’autres prétendent que son cœur balance, parce qu’elle se verrait bien Vice-présidente de la République. La «conférence au sommet» de ses partisans ce dimanche 23 août 2015 permettra d’y voir plus clair. En tout état de cause, une chose est certaine: les Mohéliens, ayant tiré des leçons de leurs terribles fautes, disent que même si une interprétation de la Constitution permet à l’homme qui les tue de présenter une nouvelle candidature, il ne verra même pas les concurrents qui iront au second tour, et ne saura même pas de qui il s’agit.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Vendredi 21 août 2015.


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3 Comments

  • kama

    août 21, 2015 at 3:12

    Mr,ARM on a tous compris que tu soutiens le gouvernement ; Mais dire que mohamed ali said se enrichie avec l’argent de l’état tu mens, car avant que ce dernier devient gouverneur on le savais tous que c’est un homme riche qui s’est bcp battu avec sa femme pour en arriver là.si en étant gouverneur il s’est servi de bien de l’état pour augmenter sa richesse je ne peux pas le nier car même dans les pays civilisés ils le font.
    —————-
    Bonjour,
    Pouvez-vous nous expliquer comment Mohamed Ali Saïd faisait quand son père était Gouverneur à Mohéli, allant jusqu’à prendre de force une voiture Peugeot 404 du Gouvernorat et en faire un bien personnel. Cette voiture faisait partie du lot arrivé aux Comores en 1990 lors de la visite du Président François Mitterrand au pays. Ce fut la seule voiture au monde qui roula pendant des années sans immatriculation parce qu’il s’agissait d’un bien de l’État, mais on ne voulait pas le reconnaître par une plaque de l’État, et le futur Gouverneur ne pouvait y apposer une plaque privée. On m’a montré cette voiture grise en 1992 et j’avais failli avoir une attaque cardiaque tant je trouvais le procédé vulgaire.
    Les terrains volés par le Gouverneur actuel pendant que papa était Gouverneur à Mohéli, vous en faites quoi?
    Et puis, quand la chère cousine était Directrice à la FADC, et lui filait tous les marchés publics, sans appel d’offres, et alors que ce cher Mohamed Ali Saïd n’a aucune compétence? Vous oubliez ça?
    C’est vous qui dites que je ne suis pas allé aux Comores depuis des siècles, alors que vous qui avez quitté les Comores il y a juste quelques années, vous ignorez ou occultez beaucoup de choses? Heureusement, qu’à Mohéli, on se connaît tous.
    Cordialement,
    ARM

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  • samir

    août 21, 2015 at 3:32

    bjr Kama je soutiens ni le couple présidentiel ni le gouverneur . non seulement je voudrais juste signaler au docteur ARM qu’ il y’a plus de 20 ans il n’a pas été aux Comores donc il y’a beaucoup de choses qui lui échappent, et je crois que les gens qui lui donnent tout ces infos ne sont pas fiables car on a tous compris que ces infos viennent de bolero et le clan du gouvernement . ce bob nommé bolero est un grand manipulateur, méchant , jaloux qui pense et qui n’aime que son cœur.
    —————-
    Bonjour,
    Vous devez être une grande magicienne (car vous êtes une femme et je sais qui vous êtes). Vous êtes arrivée à lire le commentaire de Kama avant sa validation par moi et son apparition sur le site. C’est du grand art. Bravo. Cela veut dire qu’en ayant recours à deux noms différents, vous vous écrivez et vous répondez à vous-même. En plus, l’adresse IP sur les deux commentaires est la même. Elle s’affiche ici. Elle commence par 8 et finit par 1.
    Pour votre personnelle de la situation à Mohéli, vous êtes responsable de vos appréciations et affirmations.
    Cordialement,
    ARM

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  • koudoussia

    août 21, 2015 at 3:47

    On est pas prêt de changer. Je le dis tout le temps on peut changer autant “d’homme politique” qu’on veut , ça sera toujours pareil parce que les difficultés que nous connaissons ont des origines sociales. Il faudrait plutôt lancer une vaste campagne de sensibilisation de la population pour qu’elle comprenne enfin qu’elle est acteur et maître de son destin. ‘

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