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«Les yeux dans les yeux»: Les secrets d’une tragédie

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Ahmed Sambi-Anjouan: Omerta sur une sale guerre (Suite)

     Je fais suite aux dessous et aux non-dits de la crise anjouanaise, une crise provoquée de toutes pièces par Ahmed Sambi. Les motivations de ce dernier étaient sur sa folie meurtrière d’affirmer son autorité quitte à faire couler le sang à Anjouan et par la suite à Mohéli afin de se maintenir durablement au pouvoir, peu lui importe de connaître l’impact de la tragédie humaine qu’il provoque.

     Pour rappel, le contentieux Ahmed Sambi-Anjouan demeure purement électoraliste donc une triviale polémique politicienne. Aussi, peut-on se demander s’il n’était pas plus sage d’avoir recours à un règlement politique plutôt qu’à une action militaire contre Anjouan. La question mérite d’être toujours et à chaque fois posée et nous allons à nouveau et toujours nous attarder sur les développements à venir sur tous les aspects factuels de cette crise afin d’évaluer les responsabilités et les manquements des différents acteurs de la crise anjouanaise.

     1.- Du report de l’élection présidentielle du 10 juin 2007 uniquement à Anjouan

     Après avoir été un témoin privilégié de ce feuilleton de mauvais goût, un goût de sang, l’envoyé spécial du Président de la Commission de l’Union africaine, bien qu’aligné aux caprices infantiles et aux lubies sonnantes et trébuchantes d’Ahmed Sambi, s’est tout de même rendu à Anjouan le 7 juin 2007, accompagné d’une délégation de toutes les chancelleries en poste à Moroni pour évaluer, avec l’autorité d’Anjouan, la situation sur place. Au terme de sa mission de travail à Anjouan, le Mozambicain Francisco Madeira, puisqu’il s’agit de lui, a tenu à faire le point de la situation au gouvernement intérimaire siégeant à Anjouan. Et là, Francisco Madeira a avoué en présence des chancelleries reconnaître que les conditions étaient réunies à Anjouan pour un nouveau départ et a formellement soutenu le calendrier électoral préalablement établi par les autorités anjouanaises. L’élection présidentielle des îles, de la bouche du fonctionnaire international mozambicain, est donc maintenue pour le 10 juin 2007 et le deuxième tour pour le 24 juin 2007 dans l’ensemble du territoire national, en application de l’article 80 du Code électoral et du décret portant convocation du collège électoral signé du Président de l’Union des Comores, Ahmed Sambi lui-même.

     Il convient, par ailleurs, de rappeler que pour ce qui relève du report d’un scrutin, les organes de gestion des élections, à savoir la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI) et ses structures représentatives dans les îles, ne détiennent aucun pouvoir exclusif pour sanctionner le déroulement d’un processus électoral. Ces structures ont comme mode opératoire la stricte application de leurs délibérations propres découlant de leur assemblée générale, conformément aux textes en vigueur. De surcroît, il faut noter que tout avis sur une quelconque appréciation du déroulement des opérations de vote lié aux élections n’est valable que s’il est donné en observant scrupuleusement les dispositions 6 et 15 du Règlement intérieur de la CÉNI lorsqu’on sait l’impact et la portée aussi graves que risqués d’un report d’un scrutin. En effet, la demande de report du scrutin du 10 juin 2007 uniquement à Anjouan aurait pu être envisageable de part la seule association des deux facteurs:

  • La violation des articles 6 et 15 du Règlement intérieur de la Commission électorale nationale indépendante et de la Commission insulaire aux Élections (CIÉ).
  • L’impossibilité de tenir l’élection en application des dispositions de l’article 80 du Code électoral comorien : «[…]. Le scrutin des présidentielles des Îles se déroule en un seul jour sur l’ensemble du territoire de l’Union des Comores […]».

     En plus, il convient de souligner que le décret de report signé par Ahmed Sambi dans le fond et dans la forme soulève 2 préoccupations majeures: l’avis du Président de la CÉNI n’est pas conforme au Règlement intérieur de la structure suscitée, notamment en ces articles 6 et 15, qui exigent une délibération en assemblée générale. Au surplus, le champ d’application imposé par le décret de report N°07∕099∕P.R du 7 juin 2007 est en violation flagrante des dispositions de l’article 80 du Code électoral dès lors que ledit décret reste limité à l’île d’Anjouan exclusivement.

     Le scrutin du 10 juin 2007 à Anjouan, tout comme celui des autres îles de la République, s’est, d’un point de vue juridique, articulé autour des supports documentaires de base tels que la Constitution de l’Union et les Lois fondamentales des Îles Autonomes de Ngazidja, de Mohéli et de Ndzouani, ainsi que des autres textes règlementaires et consensuels en vigueur depuis l’accord de Fomboni-Mohéli du 17 janvier 2001. L’organisation de l’élection présidentielle à Anjouan et son déroulement jusqu’à la proclamation des résultats ont obéi à l’ensemble des textes pertinents, la supervision et le contrôle du scrutin ayant été assurés par les instances électorales habilitées, à savoir la CIÉ Anjouan et les délégués de la CÉNI en mission à Anjouan pour la circonstance. Les résultats électoraux ont été transmis conjointement par le secrétaire administratif permanent et la Commission insulaire aux élections à qui de droit.

         2.- De la crédibilité et de la sincérité du scrutin du 10 juin 2007

     L’organisation de l’élection présidentielle du 10 juin 2007 à Anjouan a puisé son fondement juridique des textes constitutionnels, législatifs, règlementaires et consensuels en vigueur pendant la période intérimaire à savoir:

  • Le décret portant convocation du collège électoral du 10 juin 2007 pris par le Président de l’Union des Comores, en violation de l’article 20 de la Loi fondamentale de l’Île autonome d’Anjouan.
  • L’accord dit de Dar-Nadjah, texte consensuel en date du 11 mai 2007.
  • Le compte-rendu du Rapport d’évaluation sur le déroulement de la campagne électorale à Anjouan tel que rédigé par Francisco Madeira, l’envoyé spécial du Président de la commission de l’Union africaine.
  • Le règlement intérieur de la CÉNI et la CIÉ Anjouan en référence aux articles 6 et 15.

     Enfin la publication des résultats électoraux à Anjouan s’est faite sur la base des textes réglementaires en cours dans l’Union des Comores. Et, comme le prévoit le Code électoral comorien, les résultats de l’élection ont été transmis d’office, par ailleurs, au ministère de l’Intérieur pour information. Ce qui a fait la particularité de ce scrutin à Anjouan réside en la surmédiatisation perverse orchestrée par Ahmed Sambi. Sa démarche dans la négation de cette élection visait personnellement le Président Mohamed Bacar. Il y avait en lui une volonté avouée de le faire passer pour un usurpateur, un séparatiste voire un rebelle. Tout ceci relève de sa propension à faire de Mohamed Bacar un danger capable de nuire sérieusement au processus de la réconciliation nationale aux Comores.

     Ahmed Sambi avait tout mis en œuvre pour donner à l’opinion publique une image négative d’Anjouan et de ses autorités. Aussi, le scrutin du 10 juin 2007 a-t-il servi de prétexte à cela. Le talent de simulateur, de show-biz et de propagandiste propre aux intégristes de formation comme l’est Ahmed Sambi, de par son parcours, ne sont plus à démontrer. À ce sujet, une question m’a toujours hanté: comment se fait-il que les chancelleries en poste à Moroni, pourtant habituées à ces personnages foncièrement hypocrites, pourris jusqu’à la moelle épinière, ont pu, envers et contre tout, se laisser piéger de la sorte? Les chancelleries, dans ce cas précis, étaient-elles trop laxistes ou trop aveugles? Il faut se dire que hormis l’Afrique du Sud, les autres pays n’ont pas pu venir Ahmed Sambi avec ses grands sabots.

     Sur le front de l’enjeu électoral lui-même les organes de gestion n’auront relevé aucun foyer de tension durant la journée de l’élection, qui s’est déroulée dans la sérénité, la transparence et le calme. Il faut rappeler si besoin est que l’absence de contrôle des opérations de vote de certains candidats incombe à leur propre responsabilité et il convient de signaler qu’en matière de retrait de candidature, il existe des procédures et des délais à respecter. En fin de compte, Ahmed Sambi, dans sa course effrénée à vouloir à tout prix imposer l’épreuve de force à Anjouan, a fini par commettre l’irréparable en faisant virer le Président de la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays en matière constitutionnelle. Est-ce parce que ce dernier a été désigné par le Président Mohamed Bacar pour représenter l’Île autonome d’Anjouan au sein de cette noble institution? Ou est-ce parce que le Président de la Cour constitutionnelle résistait aux injonctions d’Ahmed Sambi? Cette nouvelle escalade, une de plus, a suscité émotion et sentiments d’injustice et de discrimination à l’endroit de la partie anjouanaise. Le ton était donné et tous les coups, même les plus infâmes, étaient permis. Cette décision de révocation du juge des juges a été irrémédiablement un des tournants fatidiques de la discorde.

     Il faut reconnaitre qu’Ahmed Sambi était prêt à tout, pourvu qu’il déboulonne le Président Mohamed Bacar car ce dernier était tout sauf une marionnette, ce qui en soit, avait le don d’exaspérer au plus haut degré le très totalitaire Ahmed Sambi. Aujourd’hui avec le recul, l’on ne peut que se rendre compte du but recherché à la tête de l’Île d’Anjouan. Ahmed Sambi a fait «élire» un Président que tout le monde s’accorde à dire qu’il est le plus béni-oui-oui que les Comores ont eu à supporter. Il s’était agi du fantasmagorique Moussa Toyb. C’est tout juste si l’on s’était rendu compte de son existence. En fait le vrai Président d’Anjouan était Ahmed Sambi lui-même. La crise de confiance entre les deux exécutifs ; Union et Anjouan, le flottement et le jeu d’approximations des chancelleries étrangères basées à Moroni, à l’exception de l’Ambassade l’Afrique du Sud, ont permis d’asseoir les prémices d’un conflit d’approche par l’affaiblissement des institutions comoriennes et les rivalités interpersonnelles.

Par Djaanfar Salim Allaoui,

Ancien Vice-Premier ministre des Comores

Ancien ministre de l’Intérieur de l’Île autonome d’Anjouan

Secrétaire général et Porte-parole de GNEC Rénové

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© www.lemohelien.com – Mardi 25 août 2015.


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