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«Le changement ne viendra ni d’élections, ni de palabre»

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«Le changement ne viendra ni d’élections, ni de palabre»

Interview exclusive de Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah

Président du Parti Comores Alternatives (PCA)

      www.lemohelien.com: Vous êtes le premier Comorien à avoir parlé de la «rupéïsation» de Mayotte, en la dénonçant. Aujourd’hui, les barges reliant Petite Terre à Grande Terre à Mayotte portent le drapeau de l’Union européenne (UE) ainsi qu’un logo signalant qu’elles sont financées par l’UE, qui soutient le développement de l’île. Quelle ironie du sort! Saïd Mohamed Cheikh, qui détestait et méprisait les Mahorais et les Mohéliens, n’a jamais accepté d’accéder à la demande des Mahorais relative à une barge?

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je voudrais, d’abord, vous remercier, vous et votre équipe gérant ce site d’information. Quand à votre question, je dois vous rappeler que ces barges ont existé avant la rüpéisation de l’île. Elles ne constituent, à aucun moment, des œuvres de l’Union européenne ou de l’occupant français qu’il faut saluer ou justifier. Rien ne peut justifier l’occupation de notre île par la France et l’Union européenne.

Par ailleurs, je ne pense pas que feu Saïd Mohamed Cheik «détestait» ou «méprisait» une île par rapport à d’autres ou à ses habitants.

      www.lemohelien.com: Ah bon? Que faites-vous de ses injures et vexations envers Mohéli et Mayotte? Il s’agit tout de même d’une douloureuse réalité historique

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Il faudra placer ses paroles dans leur contexte, en relation avec le contexte culturel et linguistique de l’époque.

www.lemohelien.com: La belle excuse! Le fameux contexte, devenu linguistique!

       Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Ricanez! Il ne faut pas oublier que Charles de Gaulle, qui était un homme d’État incontesté, avait des paroles sur les Juifs, les Musulmans et les Noirs qui peuvent entraîner plusieurs interprétations. On a pris en compte le contexte historique.

www.lemohelien.com: Les Comores n’ont pas cessé de citer la résolution de l’ONU sur un État comorien composé de 4 îles. Or, il faut arrêter la mauvaise foi, l’hypocrisie et la duplicité, et s’interroger sur la légitimité d’Ali Soilihi, arrivé au pouvoir par putsch le 3 août 1975, moins d’un mois après la déclaration unilatérale d’indépendance. Le putschiste Ali Soilihi avait quelle légitimité pour faire parler des Comores à l’ONU? Dès lors, ne peut-on pas s’interroger sur la «validité diplomatique» de la résolution de l’ONU sur les Comores?

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Où vous voulez en venir là? On dirait que vous voulez oublier l’Histoire du monde, surtout celle de la guerre froide. Au lieu de mes poser des questions sur la légitimité de l’action du Président Ali Soilihi d’introduire les Comores aux Nations Unies, acte que salue, allez poser ces questions à la France. De quel droit elle accapare le territoire d’un pays indépendant en en faisant un département? Vous croyez que l’ONU manque de juristes capables de statuer sur la validité juridique d’une résolution?

www.lemohelien.com: Comment analyser rationnellement l’attitude d’Assoumani Azali, qui veut briser à jamais ce qui reste de l’État comorien, alors que les Comores font une fixation obsessionnelle sur Mayotte, par des revendications territoriales stériles?

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Vous mélangez plusieurs choses en même temps.

www.lemohelien.com: Merci, cher Professeur.

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Azali Assoumani n’a jamais voulu briser l’unité des Comores.

www.lemohelien.com: Quelle grandeur d’âme! Quelle foi de charbonnier!

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Vous oubliez que lorsqu’on était dans une impasse avec les séparatismes des Comoriens d’Anjouan suite à l’échec de la conférence d’Antananarivo, c’est lui qui a trouvé le chemin de l’unité et de la paix d’aujourd’hui, avec l’Accord de Fomboni.

www.lemohelien.com: Vous faites de belles phrases ampoulées, et c’est votre droit, mais vous occultez la réalité: c’est ce putschiste qui soutenait les séparatistes et jouait avec eux.

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Vous exagérez. Passons. Notre revendication sur la question de Mayotte, n’est pas stérile, même si je ne partage pas l’approche de nos dirigeants sur le sujet. Nous avons perdu l’occasion de saisir la main tendue par Emmanuel Macron, celle de la feuille de route. J’aurais aimé que notre ministère des Affaires étrangères nous parle de l’évolution de la feuille de route au lieu des assises. La question de Mayotte – qui entraîne plusieurs milliers des morts – doit être la priorité de notre politique étrangère. Qu’on nous donne l’évolution de nos démarches. N’oublions pas que la feuille de route a été établie pour une période d’essai de 6 mois. Mais on n’en parle plus. Peut-on conclure que les séparatistes comoriens de Mayotte ont gagné et qu’elle est morte? Notre ministère des Affaires étrangères a peut-être une meilleure solution, qu’il a proposée au gouvernement français à la place de la feuille de route, qu’on ignore. On a hâte de tout savoir sur la question de Mayotte.

www.lemohelien.com: Au vu du rejet massif et constant des assises sur les trois îles, y compris donc en Grande-Comore, n’aurait-il pas été plus sage de tout arrêter, tout de suite?

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je comprends: les Comoriens ont été intoxiqués par des fausses informations et les erreurs de castings de certains responsables gouvernementaux. On peut aussi s’interroger sur l’utilité et l’efficacité de meetings publics dans les villages. Il y a beaucoup d’inquiétudes et d’incompréhensions du peuple sur ces assises, et les responsables, au lieu de rassurer et convaincre, s’en moquent ou essaient de terroriser. Le climat politique de notre pays est très tendu et nous devons plus rassurer, convaincre, et non inciter le peuple à la violence. Pour la bonne tenue des assises, il faut les suspendre? C’est à Azali Assoumani d’en décider. Parfois, il est sage de reculer et de patienter pour l’intérêt supérieur de la nation.

www.lemohelien.com: Saïd Mohamed Sagaf, un des piliers de la «gendrocratie» de Saïd Mohamed Djohar, politicien qui traîne moult casseroles bruyantes de cette période maudite, dit aujourd’hui que ceux qui ne veulent pas des assises peuvent mourir mais que la volonté du gouvernement sera faite. C’est très démocratique, patriotique et républicain, n’est-ce-pas?

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: C’est une déclaration très grave de la part d’un responsable politique. Faire la politique, c’est comme conduire une voiture sur une autoroute à plusieurs voies. Quand on est sur une voie qui semble être dégagée, on ne doit pas oublier de regarder sur le rétroviseur et devant afin d’adapter son allure. Dans le cas contraire, on s’oublie et on risque de provoquer des accidents ou d’être dépassé par un autre conducteur. Nos politiciens doivent savoir que leur parole peut semer de la confusion et des troubles. Selon le proverbe comorien, «la tombe est pour celui à qui elle est destinée, ou pour celui qui la creuse».

www.lemohelien.com: Quel bilan faites-vous de l’année 2017, et de la période allant du 26 mai 2016 à aujourd’hui, stricto sensu?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: L’année 2017 aux Comores a été marquée par plusieurs inquiétudes, liées aux assises, devenues l’opium quotidien de certains. Nos voisins avancent et nous perdons beaucoup de temps en palabres et débats souvent inutiles. Nous sommes le pays le plus pauvre de notre région de l’océan Indien. Nous restons le seul pays de l’océan Indien:

–          Qui n’a pas ni monnaie nationale, ni une banque centrale nationale,

–          Qui n’a pas une compagnie aérienne et une marine nationale,

–          Qui n’attribue pas des bourses à ses étudiants, tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur,

–          Qui a eu des enfants parmi ceux qui ont été vendus en Libye, en dehors de ressortissants de Madagascar, Maurice, La Réunion, Seychelles ou de Maldives,

–          Qui a un peuple qui fuit au péril de sa vie et qui meurt par milliers loin d’un pays sans guerre civile, ni trouble social, ni misère insupportable, ni guerre, ni pandémie.

–          Qui vend ses passeports à des inconnus étrangers pour subvenir aux besoins minimaux de l’État (salaires des fonctionnaires et agents de l’État),

–          Qui mendie pour assurer certaines charges régaliennes. Je ne pourrais pas citer toutes les misères que notre pays vit et que notre peuple subit par notre faute, nous les acteurs politiques, faute de courage et de vision. Le bilan de l’année 2017 est négatif du fait que la vie des Comoriens continue à se dégrader. Le pouvoir d’achat meurt. Le chômage des jeunes augmente chaque jour, sans politique claire et précise pour la création d’emplois.

–          On a les moyens de mettre le pays sur la voie de l’émergence si réellement, on le veut. Nous demandons à Azali Assoumani de se mobiliser, comme il le fait pour les assises. Si on peut dépenser plus de 300 millions de francs comoriens pour faire parler des gens, on peut aussi dépenser la même somme pour la création de l’emploi des jeunes et créer un fonds pour les entreprises et la formation professionnelle. Au fond, ce ne sont pas les moyens qui manquent, mais les bonnes intentions et orientations. Nous osons espérer que l’année 2018 sera meilleure que 2017 pour les Comores et le peuple comorien.

www.lemohelien.com: Hier comme aujourd’hui, Assoumani Azali est un trabendiste de passeports comoriens au Moyen-Orient. Or, il veut instrumentaliser le dossier contre Ahmed Sambi. Les Comoriens vont-ils le suivre dans cette nouvelle hypocrisie irresponsable?

      Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je ne partage vos affirmations, qui n’engagent que vous. Les problèmes liés à la vente de nos passeports sont graves et méritent que les responsables soient jugés sans exception, ni compassion. Cette histoire implique plusieurs personnalités politiques comoriennes et d’anciens diplomates. Nous avons demandé depuis longtemps, avant les assises, un tribunal spécial sur les détournements des deniers publics. Les assises n’auront aucun sens si on n’active pas le volet justice afin de régler ces problèmes graves pour la nation comorienne. Mais, la Commission d’enquête parlementaire chargée du dossier dit de «la citoyenneté économique» est une comédie pour amuser les Comoriens.

www.lemohelien.com: Continuez-vous à soutenir la fumeuse, criminelle et impossible «émergence à l’horizon 2030»?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je ne vois aucun crime à souhaiter voir les Comores en pays émergent à l’horizon 2030. Vous devez arrêter d’user de cet esprit et de langage de vipère qui consistent à noircir les actions de nos autorités. Nous continuons à soutenir la politique visant à mettre notre pays dans une voie de développement économique et social. Nous le faisons en proposant nos idées et la voie à suivre. Les Comores sont notre pays et nous avons le devoir de les servir d’une manière ou d’une autre afin de le faire sortir du gouffre et de la misère. Par nos paroles, nos écrits et par la force de la justice, nous devons aider nos dirigeants à mieux gérer notre pays, à les féliciter s’ils font du bon travail et les corriger s’ils se trompent. À aucun moment et sous aucun prétexte, nous ne lâcherons ce combat pour l’indépendance politique, économique et territoriale, et pour le bien-être de son peuple.

www.lemohelien.com: Étant détruit par une maladie très grave au cerveau, Assoumani Azali ne devrait-il pas penser à sa santé au lieu d’une présidence à mort?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je vous laisse vous seul à vos affirmations et cela n’engage que vous. Par ailleurs, je prie Dieu pour qu’Azali Assoumani ait la bonne santé physique et mentale afin de mieux gérer notre pays et aider notre peuple à s’en sortir. Je souhaite le meilleur à mon pays et au peuple Comorien.

www.lemohelien.com: Êtes-vous toujours convaincu que les vraies transitions politiques aux Comores devront passer par les armes et les coups d’État?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je ne suis pas pour les armes et les coups d’État. Je suis seulement convaincu que le vrai changement aux Comores ne viendra pas des élections qu’on a l’habitude d’organiser ou des palabres. Le peuple doit comprendre que son avenir ne dépend que de lui-même. Il n’y aura pas un Messie pour sauver les Comores. Nous devons dépasser la gouvernance tribale et clanique. Regardons les pays qui réussissent en misant sur les talents et les compétences. J’ai pris l’habitude, dans mes rencontres, en Europe et en Afrique, de citer un exemple qui a réussi aux Comores et qui mérite qu’on parle. C’est celui de l’équipe nationale de football des Comores, les Cœlacanthes. Le succès de cette équipe nationale est dû à l’intelligence d’un homme, Salim Tourqui, qui a compris que la réussite et le succès ne demandent pas de miracles mais du pragmatisme et de la bonne foi, en acceptant de favoriser la compétence et l’expérience. C’est grâce à Salim Tourqui que les Comores rayonnent et font peur aux autres équipes de football de l’océan Indien et d’Afrique.

Nos enfants comoriens de Mayotte jouent dans notre équipe nationale avec fierté et bravoure. Malheureusement, ce succès est celui d’un homme, qui n’a pas été reconnu et honoré, mais humilié par certains responsables qui ne voient que leurs lieux de naissance. Mais, personnellement, je lui renouvelle ma reconnaissance et le rassure: l’Histoire, surtout celle du sport, ne l’a pas oublié et ne l’oubliera jamais.

Je vous en parle pour vous dire que le changement aux Comores n’a besoin ni d’armes, ni de coups d’État, mais de talents. Nous aurons le changement lorsque nous aurons compris que la compétence prévaut pour diriger les affaires de l’État, et non l’insularité, le village, et la famille. Les talents et les compétences que nous voulons, pour rassembler et mobiliser, se trouvent aux Comores et au sein de la communauté comorienne de France et d’ailleurs.

Dois-je vous rappeler que les évolutions des Comores tant institutionnelles que culturelles ont été propulsées par cette communauté expatriée? La communauté comorienne de Tanzanie a introduit aux Comores l’esprit et l’idée de la lutte pour l’indépendance des Comores. Celle vivant à Madagascar a instauré l’esprit et la valeur du travail. Aujourd’hui, celle installée en France fait rayonner les Comores par ses enfants comme Soprano, Imane et Roef et d’autres. Ce sont des exemples qui prouvent qu’il n’y a pas de fatalité à nos misères. Nous pouvons, ensemble, réussir en ayant l’unique objectif l’intérêt de notre pays et de notre peuple.

Propos recueillis par ARM

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© www.lemohelien.com – Vendredi 26 janvier 2018.


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