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Il y a une année, les Comores étaient à l’honneur

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Contribution de Comoriens à la Libération de la France

Reconnaissance tardive, mais une belle reconnaissance tout de même

Par ARM

   C’était le samedi 19 juillet 2014. Pour la première fois de sa vie, Hamada Madi Boléro avait peur du Bien. Il s’était livré à la plus profonde des introspections et s’interrogeait gravement face à l’un de ses amis à Paris: «Recevoir la Légion d’Honneur est une très bonne chose. Mais, la recevoir, quand il s’agit de moi, n’équivaut-il pas à donner à mes détracteurs, ennemis et adversaires les moyens de continuer à me traiter plus bas que terre? Ces gens-là voient en moi l’incarnation de tout ce qu’ils détestent. Aujourd’hui, ils vont s’en donner à cœur joie et me marcher sur la tête, en répétant leur refrain préféré, celui faisant de moi “un vendu”. Quand je pense aux bien-pensants, je me demande s’ils ne vont pas me tuer à mon arrivée à Moroni, rien que pour prouver qu’ils ne sont pas contents de ma Légion d’Honneur. Si tu savais! On en est arrivé à un point où je serais bientôt obligé de donner par le menu le détail de mes dépenses mensuelles. Et il n’y a qu’à moi qu’on l’exige». Il avait ajouté: «Si j’avais les moyens que ces gens-là me prêtent, j’aurais commencé par reconstruire les maisons de mes grands-mères, la mère de Kaïri et la mère de Maïmouna, à Djoiezi». Il a donc fallu demander à Hamada Madi Boléro s’il avait sollicité la Légion d’Honneur pour lui. «Non! Pour un homme comme moi, cela n’aurait aucun sens» dit-il.

   Il fallait lui lire de passages du livre d’Alain Deschamps, Ambassadeur de France à Moroni de 1983 à 1987: «De mon temps encore où, depuis une indépendance tardive, le chef de l’État comorien et ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir avaient leurs dévots, leurs clients et leurs thuriféraires, l’ambassadeur de l’ex-métropole, que l’on imaginait dispensant les aides financières, visas, bourses d’étude, ces décorations dont les insulaires sont si friands et tirant toutes les ficelles locales, était l’objet d’attentions flatteuses, et dont je n’ai vu nulle part l’équivalent. Sans doute poussait-il l’hyperbole jusqu’à la caricature ce notable qui, sollicitant en vain le ruban de la Légion d’Honneur, prétendait que, si on ouvrait son cœur on y trouverait inscrit mon nom…». Toujours selon Alain Deschamps, aux Comores, la Légion d’Honneur va de pair avec le mot «cœur»: «Sur ma proposition, le président de la puissante confrérie Chadouli qui rassemblait près des trois quarts des pieux musulmans reçut la cravate de la Légion d’honneur. Le Grand Mufti fut fait chevalier. Je les décorai. […]. Quand je lui épinglai sa médaille, le Grand Mufti me dit, tout ému: “Mon cœur est français”»: Alain Deschamps: Les Comores d’Ahmed Abdallah. Mercenaires, révolutionnaires et cœlacanthe, Karthala, Collection «Tropiques», Paris, 2005, pp. 50 et 61. Hamada Madi Boléro jura n’avoir pas dit au moment de la remise de la Légion d’Honneur: «Mon cœur est français». Je l’ai alors rassuré: «Le Grand Mufti n’a pas été qualifié de traître pour avoir reçu la Légion d’Honneur. Donc, tu ne seras pas qualifié de traître, non plus». Or, dès que la nouvelle fut publiée sur ce site, le Grand Docteur Sounhadj Attoumane, fidèle crypto-sambiste parmi les fidèles crypto-sambistes, avait écrit un commentaire acide, inhumain et sadique: «Maintenant que Boléro a reçu la Légion d’Honneur, il peut aller mourir tranquille». Jalousie?

   On avait assisté à un déchaînement de haine qui avait commencé bien avant la remise de la fameuse médaille. Les «vrais et bons Comoriens» ont même trouvé un slogan dès qu’ils ont appris que 3 soldats comoriens allaient défiler aux Champs-Élysées le 14 juillet 2014 et qu’un Monument rappelant le souvenir de Comoriens morts pour la France en 1914-1918 allait être inauguré en présence de Hamada Madi Boléro: «La Grande Guerre est terminée depuis 96 ans. Pourquoi cette reconnaissance tardive? C’est pour notre pétrole». Il va sans dire que cette réflexion est mesquine et blessante, surtout que les Comores ont commencé à se prendre les pieds dans le tapis pour un «pétrole» que les Ahmed Sambi ont commencé à vendre alors que la première goutte n’a pas encore coulé. Quelle belle démonstration d’irresponsabilité! La réalité est ailleurs: depuis 2012, un travail de recherche a été effectué sur les Combattants comoriens de la Première Guerre mondiale. Donc, ce travail n’a pas été effectué sous Ahmed Sambi, uniquement intéressé par l’argent, mais sous le Président Ikililou Dhoinine, et il n’y a aucune affaire de pétrole dans cette évolution. Il y a eu des choses incorrectes sur les Anciens Combattants africains de la France, et des erreurs sont en cours de correction.

   D’ailleurs, il est complètement improductif de voir dans chaque acte de la France la base d’un complot. Dans les relations entre les États, il n’y a pas que les complots. Il y a aussi des avancées en matière de coopération. Chaque fois que les États coopèrent, ils avancent sur un certain nombre de dossiers d’intérêt commun. En 1979, la survenance de la retentissante crise diplomatique entre l’Iran et les États-Unis, quand l’Iran avait procédé au rapt et à la séquestration du personnel diplomatique et consulaire des États-Unis sur son territoire pendant 444 jours, la Cour internationale de Justice avait rappelé que la diplomatie s’est avérée, pour la société internationale, «un instrument essentiel de coopération efficace», car elle offre aux États la possibilité de «parvenir à la compréhension mutuelle et à résoudre leurs divergences par des moyens pacifiques», abstraction faite de leurs systèmes politiques, économiques et sociaux respectifs.

   Sous Ahmed Sambi, l’Ambassade de France à Moroni était considérée par le ministre Fahmi Saïd Ibrahim comme une simple «officine» avec laquelle on ne pouvait négocier, puisqu’il fallait traiter les problèmes directement avec le gouvernement français à Paris, comme si l’Ambassade de France aux Comores ne représentait pas la République française à Moroni. Comment mener objectivement un débat de ce niveau sans être traité d’arrogance quand on explique à un ministre des Relations extérieures les subtilités de la diplomatie, subtilités qu’il ne comprend pas? Pourquoi ne pas réserver ces affaires à des gens qui comprennent les vertus de la coopération internationale et de la diplomatie? La complaisance, c’est beau, mais le travail technique est une affaire de compétence et d’expertise, de personnes compétentes et d’experts.

   Aujourd’hui, on reconnaît que le Président Ikililou Dhoinine a le grand mérite d’avoir fait le choix d’une politique étrangère cohérente et d’une diplomatie apaisée, notamment dans les relations entre les Comores et la France. À quoi servent les provocations démagogiques envers la France et les injures du ministre comorien des Relations extérieures à l’égard de Luc Hallade, quand il représentait la France aux Comores? Qu’y ont gagné les Comores aux temps de la diplomatie du tamtam et du tambour, si ce n’est le discrédit? Donc, par réalisme et pragmatisme, les Comores coopèrent sans injurier. Cela a permis une ouverture sur le sort des Anciens Combattants de la Grande Guerre. Le but de la diplomatie est de faire avancer les dossiers un à un.

   La cheville ouvrière des négociations avec la France pour le régime politique du Président Ikililou Dhoinine est incontestablement Hamada Madi Boléro, et ce, non pas parce qu’il est «un vendu» mais parce qu’on ne peut pas dire à un spécialiste des Relations internationales et de la diplomatie que la négociation est synonyme de «braderie des intérêts d’un État» et même de «capitulation», le mot «collabo» ou «collaborateur» étant souvent employé par les hurluberlus fanatiques du Comité prétendument «Maoré» pour signifier que le Président de la République est, lui aussi, «un vendu». Les «bons et vrais Comoriens» ont toujours la possibilité de remuer les poubelles de Moroni et de lancer des hurlements, mais sans arriver à dépasser leur vrai handicap: leur inexpérience en matière étatique. Ils ont tellement crié pour évacuer leurs frustrations haineuses personnelles qu’ils ne sont bons que dans les hurlements.

   Donc, depuis juillet 2014, tout Comorien doit être fier de la contribution hautement positive des Anciens Combattants comoriens lors de la Libération de la France pendant la Grande Guerre, même s’il s’agit d’une reconnaissance tardive de cette contribution. Cette reconnaissance est un grand pas fait dans la bonne direction, dans la consolidation des relations entre la France et les Comores, entre ancienne métropole et ancienne colonie, entre les morts et les vivants, entre le présent et l’avenir.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Samedi 18 juillet 2015.


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