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Ibrahim Ali Mzimba réinvente la fonction du Procureur

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Ibrahim Ali Mzimba réinvente la fonction du Procureur

Son argumentation contredit toute la procédure judiciaire

Par ARM

       Les Comores sont une dictature, et personne ne peut gagner un procès contre la dictature. Elles sont une zone tribale de non-Droit. Le Droit n’existe pas aux Comores. Même une étrangère de passage dans ce pays constate que «les Comores sont un pays où règnent les hommes, pas les lois. Quiconque peut enfreindre, bafouer et braver toutes les lois qu’il veut, tant et aussi longtemps que l’homme du jour assure ses arrières»: Atossa Araxia Abrahamian: Citoyennetés à vendre. Enquête sur le marché mondial des passeports, Lux Éditeur, Collection «Futur proche», Montréal, 2016, p. 36.

Triste! C’est très dangereux. De fait, aux Comores, personne n’est à l’abri de l’injustice. Tout justiciable peut se retrouver en prison ou dépossédé de ses droits sans le moindre motif légal. En même temps, certains avocats tuent leur métier, et entraînent leurs clients dans la privation de libertés et de leurs droits, du fait de leur incompétence criminelle. Or, à l’École des Avocats, du premier jour au dernier, on apprend au futur avocat la notion la plus importante en une phrase: «La relation entre l’avocat et son client est la rencontre d’une confiance et d’une conscience», la confiance du client, et la conscience de l’avocat.

De ce fait, on est inquiet en écoutant Ibrahim Ali Mzimba verser des larmes de crocodile (il est un fervent soutien de la dictature de Mitsoudjé) sur son client, le journaliste Abdallah Agwa, condamné à une peine de 5 ans, dont 4 ans de prison ferme et 1 an avec sursis: «J’ai compris que la Justice a ainsi décidé. Cependant, en tant qu’avocat et ancien Bâtonnier, je ne peux pas contester la décision rendue par le Tribunal, mais je ne l’accepte pas. Je n’accepte pas cette décision censée être rendue à la lumière du dossier d’Abdallah Agwa et Youssouf Saïd. Le juge d’instruction, le seul fondé à établir les faits sur les accusations portées contre ces personnes, a contesté la décision, a admis avoir travaillé sur le dossier, et a signalé que les accusations contre Abdallah Agwa ne sont pas fondées. […].

       Aujourd’hui, on nous dit qu’Abdallah Agwa va subir une peine de 4 ans en prison et 1 an hors de prison, alors que le Procureur lui-même avait requis une peine de 2 ans, soit 1 an et demi de sursis et 1 an de prison ferme. Or, de par la pratique et la tradition, il n’est jamais admis que le juge prononce une peine dépassant celle requise par l’avocat de l’État, à savoir: le Procureur. C’est la première fois que cela arrive. Les gens doivent comprendre que c’est la première fois que le juge prononce une peine supérieure à celle demandée par le Procureur. De telles choses étonnent les avocats. […]. Une telle décision doit étonner tous les citoyens et nous autres avocats parce que, habituellement, la peine requise par le Procureur est revue à la baisse par le juge. Cela fait 25 ans que je travaille dans le domaine de la Justice, et c’est la première fois que je vois le juge prononcer une peine supérieure à celle requise par le Procureur. Au contraire, le juge voit à la baisse la peine requise. Aujourd’hui, on voit le contraire: le juge a prononcé une peine plus lourde que celle requise par le Parquet».

Les propos d’Ibrahim Ali Mzimba sont confondants et gravissimes.

1.- Contrairement à ce que prétend Ibrahim Ali Mzimba, un avocat et un Bâtonnier ont le droit de commenter des décisions judiciaires. À l’École des Avocats, j’avais parmi mes formateurs Maître Pierre-Olivier Sur, qui était à cette époque le Bâtonnier du Barreau de Paris (2014-2015), et je ne l’ai jamais entendu dire que son statut lui interdisait de commenter des décisions de Justice. Soyons sérieux donc, et ne confondons pas tout. Mieux encore, un juge de la Cour internationale de Justice (CIJ) a même le droit d’exprimer publiquement une opinion dissidente sur un sujet qu’il avait eu à traiter. En la matière, les exemples sont légion.

2.- Contrairement à ce que prétend Ibrahim Ali Mzimba, lors du procès, le Procureur n’est pas le chef du juge, mais l’avocat de la société. Il défend l’intérêt public et l’ordre public. Il veille à l’application des lois. Il est donc le défenseur des intérêts de la société auprès du Tribunal. C’est notamment pour cette raison qu’il est considéré à tort comme cherchant à faire condamner le plus de gens possible.

3.- Contrairement à ce que prétend Ibrahim Ali Mzimba, lors du prononcé de la peine, le Tribunal peut décider de suivre ou non les réquisitions du Procureur. La peine prononcée par le juge peut être plus ou moins sévère que celle requise par le ministère public (Procureur). Du reste, le Procureur peut toujours faire appel quand la décision du juge ne le satisfait pas. On l’a vu lors du procès de Laurent Gbagbo, qui est loin d’être innocent, quand les juges de la Cour pénale internationale (CPI) l’avaient relaxé et quand la Procureure Fatou Bensouda avait fait appel. Autant dire donc que même si, d’habitude, les réquisitions du Procureur sont plus sévères que la peine prononcée par le juge, il peut également arriver que la peine prononcée par le juge soit plus importante que celle requise par le Procureur.

4.- Les calculs d’Ibrahim Ali Mzimba sont défectueux, notamment quand il dit: «Le Procureur lui-même avait requis une peine de 2 ans, soit 1 an et demi de sursis et 1 an de prison ferme». Mon bon Monsieur, cela fait 2 ans et demi et non 2 ans! Qu’on se le dise!

5.- Les confusions d’Ibrahim Ali Mzimba nous ramènent à la seule fois où Mohamed Saïd Fazul avait dit une chose intelligente et utile. En effet, lors d’une interview qu’il avait mendiée auprès de votre site préféré le vendredi 23 octobre 2015, à Fomboni, il avait déclaré que «nous devons écrire la Constitution en langue comorienne. Nous devons cesser d’avoir une Constitution uniquement écrite, pour opter pour une Constitution parlée, en espérant que les gens feront moins d’hypocrisie. Récitons la Constitution en comorien. Il nous faut une Constitution récitée en comorien», avant de conclure par: «Aujourd’hui, Ibrahim Ali Mzimba, Fahmi Saïd Ibrahim, Soilihi Mahmoud et Nourdine Abodo ont chacun un Code pénal à lui. Cela doit cesser».

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Vendredi 25 juin 2021.


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