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Ibrahim Abdourazak dit Razida, prisonnier politique

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Ibrahim Abdourazak dit Razida, prisonnier politique

Il n’y a ni comparution immédiate, ni prison en diffamation

Par ARM

     Quand, en 1988, l’Algérie décida de mettre fin au monolithisme politique incarné par le Front de Libération nationale (FLN), la liberté de la presse ne tarda pas à suivre. Et, ce qui devait arriver arriva parce que rapidement, une presse absolument indépendante, responsable et démocratique naquit sur les ruines de la presse étatique. Les autorités décidèrent alors d’y mettre fin, en rédigeant un nouveau Code de la Presse, que les Algériens, connus pour les vannes contre l’absurde, rebaptisèrent délicieusement «le Code pénal bis». Charnelle, la formule a fait un tabac fou parce qu’elle résumait parfaitement la philosophie de ce texte juridique répressif. Eh bien, ce «Code pénal bis» a traversé le désert du Sahara, les savanes, les forêts et l’océan Indien, et finit par donner naissance à un fils, qui n’est autre que le prétendu Code de la Presse des Comores. En effet, l’article 108 du «Code pénal bis» des Comores dispose: «La diffamation commise envers les personnes exerçant un mandat éligible prévu dans la Constitution ou les membres du gouvernement est punie d’emprisonnement de trois à sept mois et d’une amende de 35.000 à 450.000 francs ou l’une de ces deux peines seulement».

Mesdames et Messieurs, riez à gorge déployée parce que, dans les pays normaux, qui sont des pays institutionnellement développés et démocratiques, quand il y a une diffamation avérée, l’auteur de celle-ci ne fait jamais l’objet d’une peine de prison. De la même manière, il n’y a jamais de comparution immédiate en matière de diffamation. La diffamation est certes un délit pénal, mais jamais un crime. Pour une «Républiquette» bananière comme les Comores actuelles, c’est un crime de lèse-majesté.

Et, le 6 octobre 2016, La Gazette des Comores apprenait au monde entier que «celui qui se considère comme l’avocat des journalistes est parti en guerre contre la poursuite judiciaire des journalistes pour diffamation. Me Fahmi Saïd Ibrahim, ministre d’État, ministre de la justice, souhaite plutôt la procédure dite de “citation directe”. Cela signifie que toute personne qui s’estime diffamée par un journaliste “doit engager un huissier de justice pour faire constater les faits” […]. D’emblée, Me Fahmi Saïd Ibrahim reconnait les efforts fournis par les journalistes qui, selon le ministre de la justice peuvent parfois commettre certaines erreurs, comme d’ailleurs tout être humain. […]. Un journaliste […] peut commettre une erreur, lorsqu’il fait son travail, rien que pour chercher la vérité afin d’éclairer l’opinion. Donc, les erreurs des journalistes ne peuvent être diabolisées. Tout en attestant que la loi existe et elle est claire, Me Fahmi entend marquer sa politique en matière de délit de presse. Désormais, “j’ai donné des instructions fermes au parquet, qu’il est strictement interdit, qu’un journaliste, qui a fait son travail, et qui, malheureusement, s’est glissé dans une erreur puisse être interpelé par la gendarmerie et passe 24 h de garde à vue” […].

Me Fahmi veut une seule chose. Quiconque, quel que soit son statut, simple citoyen, politicien et autres, s’estime “lésé, diffamé ou offensé, il n’a qu’à suivre les procédures judiciaires normales connues sous le nom de citation directe. C’est-à-dire qu’il lui faut prendre un haussier de justice, pour invoquer le pourquoi, et suivre les procédures prévues par la loi”. Le garde des sceaux est “carrément contre la détention des journalistes à la gendarmerie pendant 24 h ou plus”. Pour lui, cela déshonore le pays qui se proclame “pays de démocratie”. Un politicien ou un responsable quelconque ne peut pas en aucun cas, prendre son téléphone et ordonner la gendarmerie ou un commissaire de police d’incarcérer un journaliste par ce qu’il a tenu des propos qui ne lui déplaisent [Sic: «Plaisent»] pas. “Non cette époque est révolue!”, souhaite-t-il avant de conclure que les Comores doivent suivre l’exemple de ce qui se passe dans le monde civilisé. Me Fahmi accède ainsi à une vieille revendication des organisations professionnelles des journalistes qui réclament la dépénalisation des délits de presse». Belle prose! Quelle grandeur d’âme! On pleure de joie.

Et, on a envie de rire à mort quand on apprend l’affaire Ibrahim Abdourazak dit Razida.

Résumons la chose en lisant un article du journal gouvernemental Al-Watwan dit Al-WawaCelui qui pique ou démange»), article en date du jeudi 8 décembre 2016: «L’ancien directeur des NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication) à Comores Télécom, Ibrahim Abdourazak alias Razida, est en garde à vue depuis lundi à la brigade de recherche de Moroni. Il est poursuivi pour “diffamation” et “atteinte à l’honneur” d’une autorité publique, en l’occurrence le ministre de la Justice. Ce responsable de l’ex-parti au pouvoir aurait tenu des propos injurieux à l’endroit de Fahmi Saïd Ibrahim sur les ondes de la radio HaYba FM. Selon l’un des animateurs de cette station, Ibrahim Younoussa alias Nono, suite à un entretien avec le Garde des Sceaux, Ibrahim Abdourazak a voulu opposer un droit de réponse aux propos du ministre. “Après la diffusion de ce droit de réponse, j’ai été convoqué au bureau du ministre et il m’a sommé de ne pas rediffuser cet élément sous peine de poursuites judiciaires”, raconte-t-il. Mais, le directeur de la station, Mohamed Saïd Abdallah Mchangama, aurait refusé de jouer le jeu.

     À la suite de l’interpellation d’Ibrahim Abdourazak, Nono a ainsi été convoqué à la brigade de recherche en tant que témoin. Il a expliqué que la diffusion d’une émission ne relevait pas de sa responsabilité, mais de celle du directeur de la radio. Entendu le lendemain, Mchangama a été relâché. La garde à vue de l’ancien directeur des TIC de Comores Télécom a, par contre, été prolongée de 24 heures. Il a été entendu par un juge d’instruction hier, mercredi, et s’est vu signifier un second chef d’accusation. En effet, au cours d’une précédente conférence de presse, Ibrahim Abdourazak aurait proféré des injures à l’encontre de certains magistrats».

Nous constatons le décalage affligeant qui existe entre les vœux pieux de «l’avocat des journalistes» et ses procédés. Cette façon arbitraire d’interpeller les journalistes et d’interdire la parole à l’opposition est grave. Plus grave encore, si aujourd’hui Ibrahim Abdourazak dit Razida a proféré des paroles jugées diffamatoires, «la garde à vue» prolongée sert à quoi alors qu’il aurait fallu l’écouter, le relâcher après l’interrogatoire et lui laisser le temps d’organiser sa défense? Ça se passe comme ça dans les pays civilisés. La procédure dans une affaire pareille dure 2 à 4 ans, dans les pays civilisés, et «l’avocat des journalistes» a bien dit que «les Comores doivent suivre l’exemple de ce qui se passe dans le monde civilisé».

En résumé, tout dans la procédure suivie est illégal, entièrement illégal, et également en contradiction avec les affirmations passées de «l’avocat des journalistes», qui avait été aussi «l’avocat des avocats», quand, sous Ikililou Dhoinine, Maître Ahamada Mahmoud, avait été séquestré arbitrairement «pour diffamation». Mais, à l’époque, il fallait embêter le pouvoir politique en place par tous les procédés.

Ne nous leurrons pas. Ibrahim Abdourazak dit Razida est un otage transformé en prisonnier politique jeté dans le goulag. Son horrible crime contre l’humanité, son crime de génocide? Son appartenance à l’UPDC, l’ancien parti politique au pouvoir. Il restera juste à rappeler à ses kidnappeurs que la roue de l’Histoire ne s’arrête jamais. Un autre rappel est à faire, et il s’agit du proverbe chinois bien connu: «Si quelqu’un t’as fait du mal, ne cherche pas à te venger; assieds-toi au bord de la rivière et, bientôt, tu verras passer son cadavre».

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Jeudi 8 décembre 2016.


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