«Aux Comores, on a plus de courtisans que de politiciens»
Interview exclusive de Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah
Président du Parti Comores Alternatives (PCA)
www.lemohelien.com: En ce deuxième jour de l’année 2018, et après l’horrible année 2017, qu’avez-vous envie de dire aux Comoriens? Compte tenu du climat politique pourri et maudit qui règne dans leur pays, divisé par la famille régnante, que leur souhaitez-vous?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je voudrais, un jour après la fête de nouvel an, vous remercier, votre équipe et vous-même, et saisir cette occasion pour transmettre mes vœux de bonheur, de réussite et de succès au peuple comorien et aux Comores. Les Comores ont tous les atouts pour relever le défi de l’émergence. Nous devons soutenir la Comité de Pilotage des Assises nationales (CPAN) pour la réalisation sereine des assises nationales afin de vaincre les maux qui rongent notre pays depuis plus de 42 ans d’indépendance. Je comprends les parfaitement inquiétudes des uns et des autres, mais rien ne vaut le débat ouvert, avec une liberté d’expression, débat au cours duquel chacun pourra donner son point de vue.
www.lemohelien.com: Justement, les assises sont rejetées par tout le peuple comorien, sur les 3 îles indépendantes, par les Mahorais qui s’intéressent aux Comores, et même par le Mouvement du 11-Août, qui en a été l’initiateur. Continuez-vous à soutenir cette mascarade criminelle et génocidaire destinée à caporaliser les Mohéliens et les Anjouanais?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je trouve que vous exagérez comme d’habitude sur la réalité de ces assises. Il y a eu des inquiétudes compréhensibles d’une frange de la population comorienne. Ces inquiétudes ont été renforcées par certains membres du gouvernement qui parlent souvent dans des meetings organisés par le CPAN. Il faudra que les membres du gouvernement laissent le CPAN faire son travail pendant qu’eux s’occupent de leurs fonctions étatiques, qui ne sont pas de moindres. Pour la sérénité et la bonne marche de ses assises, les membres du gouvernement ne doivent pas piétiner le CPAN.
Quant au Mouvement du 11-Août, je pense que ses membres ont fait le choix de s’ouvrir à d’autres tendances et de demander à l’État son soutien. Parmi eux, il y a eu ceux qui pensent que le Mouvement a perdu son objet, qui est la question de Mayotte. La réalité de ce mouvement est d’origine patriotique et de la défense de l’intégrité territoriale liée au dossier de Mayotte. Il devait être question au cours de ces assises de parler de la stratégie qu’on doit mener sur la question de Mayotte. Les inquiétudes de certains leaders du Mouvement du 11-Août risquent de s’avérer vraies. Je crains même qu’il ne soit plus utile que les assises en parlent, dès que nos dirigeants ont pris une voie, même si ils savent qu’elle est sans issue. Nos dirigeants savent très bien que pour libérer des otages, on négocie avec les ravisseurs et non l’inverse. Est-ce nous continuons à soutenir les assises? Je vous dis oui, en étant libre d’exposer et proposer nos idées. Il est toujours mieux d’être au sein que dehors.
www.lemohelien.com: Voulez-vous continuer à ignorer, par pur intérêt personnel, que l’agenda politique caché d’Azali Assoumani est l’éclatement de la République des Comores et la transformation de chaque île indépendante en «Républiquette» de pacotille, sans viabilité?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Quel intérêt personnel? On soutient Azali Assoumani sans une contrepartie quelconque. On le soutient afin d’aider les Comores à arriver à un niveau de pays émergent.
www.lemohelien.com: Mais, arrêtez de dire n’importe quoi! Arrêtez votre baratin de mendiant politique! Vous savez que vous débitez des bêtises sans queue, ni tête.
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Vous êtes resté une langue de vipère, un sceptique obsessionnel et un soupçonneux pathologique et paranoïaque, qui voit le mal partout. Faisons comme si je n’étais pas au courant de votre dernière pique mortelle. Nous ne sommes pas dans les secrets les mieux gardés de la République. Nous sommes des acteurs politiques et non des marabouts, et notre jugement ne porte que sur ce que nous entendons de la bouche des autorités. Nous n’avons pas connaissance d’un agenda caché. Nous faisons confiance sur la base de ce qui est dit et fait.
www.lemohelien.com: Vous venez de finir l’année 2017 par un article sur le dossier de Mayotte, sur lequel vous faites beaucoup de tintamarre et avez des idées bien arrêtées. Réellement, croyez-vous au sérieux du mélange des genres ayant conduit Azali Assoumani à se servir de ses assises, aujourd’hui embourbées et en échec, rejetées par les Comoriens, assises sur lesquelles il a besoin du soutien de la France, pour reconnaître, enfin, l’existence des Mahorais, incontournables sur le destin de leur île? Est-ce sérieux, tout ça?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Vous posez plusieurs questions en même temps. Certes, j’ai écrit pour dire aux Comoriens et au gouvernement que nous soutenons notre position sur la une question fondamentale: l’intégrité territoriale de notre pays. Pour autant, il faudra savoir que soutenir ne veut pas dire tout accepter ou tout céder. La France ne nous a jamais demandé de nous courber ou d’aller nous agenouiller devant les séparatistes comoriens de Mayotte. Il y a des acteurs politiques comoriens, comme dans la plupart des pays d’Afrique francophone qui prennent la France pour Dieu, auquel on sacrifie son peuple afin de satisfaire l’ennemi. Nous devons tout faire pour combattre ce genre de polythéisme.
www.lemohelien.com: Maintenant, vous accusez vos adversaires de polythéisme?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Oui, ceux qui piétinent l’intégrité territoriale du pays sont des polythéistes et des apostats. Par ailleurs, dire que les séparatistes comoriens de Mayotte sont incontournables, c’est injurier les Comores, les Comoriens et la communauté internationale. Ayons le courage de dire à Azali Assoumani que la stratégie qu’il avait menée sur la question de Mayotte de 1999 à 2006 était un échec total. Il est resté sur cette stratégie d’échec depuis le 26 mai 2016. Ce n’est pas bien. Je le déplore.
www.lemohelien.com: Je suis heureux de vous voir secouer même légèrement le carcan qu’il ne vous a même pas imposé, mais que vous vous imposez pour espérer un poste un jour.
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Comment faites-vous pour être aussi méchant? Or, vous êtes capable de faire mieux, mais avez choisi de rester dans la paranoïa et la dénonciation, même du bien. Rencontrez Azali Assoumani et discutez un peu avec lui. Passons. Sa stratégie a permis à la France de faire de Mayotte un département et une région ultrapériphérique de l’Union européenne. Cette stratégie nous a menés à l’humiliation face au monde lors des Jeux Îles de l’océan Indien. Peut-on continuer cette politique ou cette stratégie humiliante et en faveur de la France et des séparatistes comoriens de Mayotte et non des Comores? Je dois encore vous rappeler que les îles appartiennent aux Comores et au peuple comorien.
www.lemohelien.com: Sans vous pousser à vous gonfler la poitrine par fanfaronnade, force est de reconnaître que vous êtes le premier Comorien à avoir parlé de la sortie des Comores de la zone franc. Aujourd’hui, votre chef Azali Assoumani prend position sur la question, mais contre votre credo sur le sujet. Vous sautez de joie, non? Est-ce la joie?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je ne veux pas entrer dans un débat stérile avec Azali Assoumani. Je peux juste vous dire que si on veut vraiment faire des Comores un pays émergeant, nous sommes obligés d’avoir la maîtrise de notre politique monétaire. Azali Assoumani le sait, en raison de son expérience au sommet de l’Etat. Ce n’est pas la durée qu’il faut mais les moyens qu’on a en main pour favoriser le développement économique et social de notre pays. Si on nous n’avons pas une monnaie nationale comme l’île Maurice et d’autres pays émergents, nous n’arriverons jamais à leur niveau. On nous parle de «l’horizon 2030», donc dans 12 ans. Mais, si on reste comme on est aujourd’hui, avec le colonialisme monétaire, on n’y arrivera pas à l’émergence. Je ne suis pas joyeux. J’aurais aimé que nous soyons comme les peuples d’Afrique d’aujourd’hui qui veulent mettre fin à la zone franc.
www.lemohelien.com: Sur injonction de l’Arabie Saoudite, nouveau propriétaire des Comores, Azali Assoumani, le valet local, a refusé de participer à la conférence des chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) consacrée à la Palestine. N’avez-vous pas le sentiment que là, il y a une grave dérive dans la mendicité?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Les Comores n’ont jamais été la propriété d’une personne ou d’un pays. Je constate que la nouvelle politique extérieure de notre pays nous humilie et nous éloigne de plus en plus des intérêts et de l’image des Comores. Elle fait mauvaise presse au pays. Nous n’avons pas les moyens d’avoir une politique extérieure sectaire ou dictée par un pays étranger, même s’il s’agit d’un pays ami.
www.lemohelien.com: En général, n’estimez-vous pas qu’il y a de questionnements très déprimants et inquiétants sur la conduite globale des acteurs politiques comoriens ?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Il faudra vous rappeler qu’il y a une grande différence entre un politicien qui milite par des idées et projets et un courtisan, guidé par son appât du gain. Malheureusement, aux Comores on a plus de courtisans que de politiciens. J’espère que les Comores vont évoluer, y compris les hommes politiques. L’homme politique ne doit pas oublier qu’il est comptable devant le peuple, l’Histoire et notre créateur, Dieu.
Propos recueillis par ARM
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© www.lemohelien.com – Mardi 2 décembre 2018.
