Mohamed Abdou Soimadou et Hamada Madi Boléro

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Un homme libre, interdit de s’exprimer sur le bilan d’Ali Soilihi

Par ARM

   Donc (remarquez cet édifiant «donc» en début de texte) Mohamed Abdou Soimadou avait raison. Oui, il avait raison. Il a eu raison contre ses futurs bourreaux, ses futurs censeurs, ses futurs égorgeurs, ceux qui veulent poser une brutale muselière sur sa bouche, bander ses doigts d’un sparadrap de fer pour que sa main ne puisse écrire certaines choses sur l’ancien Président Ali Soilihi. Donc, Mohamed Abdou Soimadou, Directeur général du journal gouvernemental Al-Watwan au moment de la rédaction de son éditorial «Contribution au 40ème anniversaire du 3 août 1975: rétablir la vérité historique» du mercredi 5 août 2015, avait raison de signaler que «depuis quelque temps, un véritable exercice de communication, un travail de pression idéologique et politique, sont engagés pour réhabiliter le “Mongozi”, célébrer le “père de la révolution”, chanter “l’œuvre rédemptrice” d’Ali Soilihi. Cette pression est devenue tellement forte que personne n’oserait aujourd’hui risquer un son de cloche différent sous peine d’être taxé d’on ne sait quelle hérésie, ou à tout le moins, de “contre-révolutionnaire”. Pourtant, contre cette vague déferlante, contre ce courant qui dévale les pentes brisant toutes les résistances, nous osons oser. Nous nous dressons pour aller à contre-courant. Nous allons à contre-courant car nous savons que devant ce vent de propagande qui semble emporter tous les esprits, dominer la raison de tous, empoigner le cœur de chacun, beaucoup de ceux qui ont vécu la période d’Ali Soilihi sont sans doute travaillés par le doute, tenaillés par de terribles interrogations, traversés par de larges déchirures dans leurs âmes et leurs consciences».

   Mesdames et Messieurs, comment pouvons-nous nous accuser Mohamed Abdou Soimadou de «dictature médiatique» à Al-Watwan et exercer une autre «dictature médiatique» sur lui, pour l’empêcher de dire ce que tout le monde sait, à savoir que durant la Révolution d’Ali Soilihi, du 3 août 1975 au 13 mai 1978, «le sang de nos compatriotes» a coulé, «des pages de douleur et de souffrances collectives, des pages de forfaiture et de flétrissure» ont été écrites, «deux crimes envers la nation comorienne et le peuple» ont été commis? Où est le mensonge de Mohamed Abdou Soimadou quand il dit ce que tout le monde sait, à savoir que «le fait est unique dans l’histoire mondiale. On ne connaît pas d’autre pays au monde où se soit perpétré un coup d’Etat, trois semaines seulement après l’accession à la souveraineté internationale»? Pourquoi vouloir tuer Mohamed Abdou Soimadou quand il énonce une évidence, en signalant que «dans le contexte historique du moment, dans les circonstances particulières qui ont entouré la proclamation de l’indépendance, et singulièrement le fort courant séparatiste maorais et le soutien dont il bénéficiait de la part de la France qui ne s’en cachait plus, ce coup d’État ne pouvait être autre chose qu’une trahison historique, qu’un coup de poignard dans le dos des Comores. Un crime sans nom dont les conséquences pèsent aujourd’hui encore, lourdement, sur le présent et l’avenir du pays, de la nation et du peuple»? Où est le mensonge dans tout ça? Oui, Mohamed Abdou Soimadou avait raison de dire qu’un État qui venait d’accéder à la souveraineté nationale n’avait pas besoin d’un coup d’État moins d’un mois plus tard, et même après. Oui, Mohamed Abdou Soimadou a raison de dire que le coup d’État du 3 août 1975 a eu des conséquences néfastes sur le dossier de Mayotte, même si, par la suite, Ali Soilihi se posera en chantre de la réintégration de l’île dans le giron comorien.

   Au nom de quoi veut-on ramener Mohamed Abdou Soimadou dans un sombre cachot du Moyen-âge et le décapiter pour avoir rappelé une vérité historique, que nous avons vécue en tant que témoins encore vivants, à savoir que, «ainsi fut perpétré le premier crime, inaugurant, le 3 août 1975 de triste mémoire, la longue série de coups et de tentatives de coups d’État qui allait jalonner près d’un quart de siècle de l’histoire postcoloniale des Comores»? Oui, Mohamed Abdou Soimadou a raison de faire ce rappel, et quand on est légaliste, on se posera toujours la question de savoir pourquoi célébrer un coup d’État, un acte illégal et traumatisant, et surtout un coup d’État qui allait faire des Comores l’une des patries de prédilection des putschs et de ce que le même Mohamed Abdou Soimadou avait qualifié de «coup d’île», quand le Colonel Mohamed Bacar renversait le Colonel Saïd Abeid Abderemane à Anjouan, entité qui n’est pas un «État», mais une «île»? Ce qui explique son savoureux et subtil jeu de mots. On fait un premier coup d’État, et les Comores se transforment en patrie du putschisme.

   Mesdames et Messieurs, qu’on nous dise pourquoi s’en prend-on à Mohamed Abdou Soimadou pour avoir signalé que «dans le sillage de cette forfaiture fut commis le deuxième crime, celui de l’introduction des mercenaires européens dans notre pays. Car, en effet, rien ne peut effacer ce fait honteux et avilissant de l’histoire de notre pays que c’est Ali Soilihi, le soi-disant révolutionnaire, le prétendu mongozi qui a fait appel à Bob Denard, faisant ainsi, le premier, usage du mercenariat chez nous. Le fait est d’ailleurs fort singulier et digne de mémoire, de voir une révolution passer par le bout du fusil de mercenaires. Affirmer ceci ne diminue en rien la terrible responsabilité des douze ans de présence de ces affreux sur notre sol national, sous Ahmed Abdallah, le tombeur et successeur in dictature d’Ali Soilihi»?

   Il n’y a pas un seul mensonge dans l’affirmation de Mohamed Abdou Soimadou, et on se souvient du fait que c’est après avoir dit cela et rappelé, en 2014, que Saïd Mohamed Cheikh avait créé des problèmes en transférant la capitale des Comores de Mayotte à la Grande-Comore que Hamada Madi Boléro, Directeur du Cabinet du Président chargé de la Défense, avait fait déclencher une vague de haine d’une violence inouïe contre lui-même et a été lâchement accusé d’avoir souillé la mémoire de Saïd Mohamed Cheikh, d’avoir insulté la Grande-Comore et d’avoir injurié tous les Grands-Comoriens du monde. Oui, Mohamed Abdou Soimadou a raison de dire que c’est Ali Soilihi qui a introduit les mercenaires aux Comores. Oui, c’est Ali Soilihi qui, le premier, a ouvert les portes des Comores à Robert «Bob» Denard et aux mercenaires. S’il y a dans ce monde quelqu’un qui peut proposer objectivement un autre nom, qu’il le fasse. Mohamed Abdou Soimadou, qui a souffert dans sa chair, de la présence des mercenaires sous le régime politique d’Ahmed Abdallah, ne dédouane pas celui-ci. Il situe les responsabilités et attribue à chaque régime politique les siennes.

   Oui, Mohamed Abdou Soimadou a raison de rappeler que «ces deux crimes, le coup d’État du 3 août 1975 et l’introduction des mercenaires dans notre pays, resteront à jamais des chapitres des plus sombres de l’histoire contemporaine des Comores». Il a entièrement raison et il faut le lui reconnaître. Oui, Mohamed Abdou Soimadou a raison de rappeler que «la conscience nationale ne peut accepter que devant ces crimes incommensurables soient avancés et mis en balance des arguments incroyables du genre: “La viande coûtait moins cher”, ou alors “des moudirias” ont été construits, etc. Certes des moudirias ont été construits, mais qu’est-ce cela devant l’intégrité territoriale du pays? Certes de la viande coûtait moins cher, mais qu’est-ce cela devant le crime qu’est l’introduction des mercenaires dans notre pays?». Mohamed Abdou Soimadou aurait même dû aller plus loin en signalant l’incommensurable mensonge consistant à dire qu’Ali Soilihi n’a pas endetté les Comores en construisant ses «moudiria». Ali Soilihi a endetté les Comores en construisant ses «moudiria», dont la dette fait partie de celles qui ont été annulées en décembre 2012 lors de l’admission des Comores à l’IPPTE. Allez au ministère de l’Économie et des Finances et posez la question, et vous en aurez la confirmation.

   Aujourd’hui, dans la volonté de salir un homme, on va jusqu’à soulever des doutes sur ses capacités de Professeur. Faites attention. Faites très attention. Mohamed Abdou Soimadou a été un immense Professeur. Il a été l’un des meilleurs. Pour moi, qui ai eu le grand privilège d’avoir été son élève, il a été le meilleur, ne serait-ce que pour moi, qui lui dois beaucoup. On le qualifie de «fourmi-lion». Je ne sais pas ce que c’est. Par contre, je connais l’éléphant-fourmi qu’on retrouve dans le merveilleux livre «Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident. Notre héritage arabe», de l’Allemande Sigrid Hunke: un être naît, moitié fourmi, moitié éléphant. Il ne tarda pas à mourir de faim parce que ce que veut manger sa partie fourmi ne plaît pas à la partie éléphant, et vice-versa. Cette bivalence est celle des «militants» qui font à la fois les éloges du chef d’une «Révolution progressiste» et ceux d’un fasciste exalté qui veut faire imploser les Comores, en passant son temps à opposer les Comoriens les uns aux autres. Les Comoriens ne veulent pas de haine et de division dans leur merveilleux pays.

   On veut empêcher des Comoriens de s’exprimer. On veut imposer des muselières à des citoyens libres. Hier, c’était Hamada Madi Boléro, aujourd’hui, c’est Mohamed Abdou Soimadou. Un Comorien qui soutenait une Thèse de Doctorat sur une personnalité politique comorienne a même été pris à partie par la famille de cet acteur politique, qui voulait lui imposer une vision panégyrique, dithyrambique, obséquieuse et laudatrice dans la manière de présenter le personnage. Cette «talibanisation» des esprits fait émerger des fanatiques bornés aux Comores. Il faut se dire la vérité: un vent d’intolérance balaie l’esprit de certains Comoriens, qui n’hésiteront pas un jour à tuer pour imposer leur vision des choses à ceux qui s’expriment sur la place publique.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Vendredi 21 août 2015.


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