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4 Sultanats insulaires, 4 accords séparés avec la France

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4 Sultanats insulaires, 4 accords séparés avec la France

La France créa une unité politique de façade aux Comores

Par ARM

       Il était Français et s’appelait Jean Mabillon (1632-1707). Il était bénédictin et l’auteur des Acta sanctorum ordinis sancti benedicti et De res diplomatica. Ces écrits ont créé la diplomatique. Depuis le XVIIIème siècle, «la diplomatique» désigne l’étude des documents historiques (en latin moderne: res diplomatica). Dès 1726, à la suite d’un glissement sémantique, la diplomatique signifie l’étude des traités internationaux (traditionnellement rédigés sur parchemin). En 1774, l’homme d’État français Charles Gravier, Comte de Vergennes (1719-1787), lui donne le sens de «l’art de négocier les traités». La diplomatique est pour les juristes et les historiens un formidable outil d’analyse des textes historiques et officiels, notamment à caractère diplomatique mais qui, bien souvent, est mal employé par ceux qui ne savent pas en faire un usage approprié, et est détourné de ses objectifs par ceux qui aiment nier les évidences historiques et juridiques de ces textes. Un chercheur qui ne sait pas lire un texte historique, notamment à caractère diplomatique, ne peut qu’induire ses lecteurs en erreur.

Dans le cas des Comores, la diplomatique est volontairement ignorée par ceux qui veulent détourner les documents historiques de leur propre vérité pour leur imposer la leur. En voici une preuve. D’aucuns prétendent que les Comores constituaient un État et une nation avant 1841, année de conclusion du premier traité entre la France et Mayotte. Une telle affirmation se situe en dehors de la réalité historique et diplomatique. Pour nous en convaincre, il suffirait à peine de rappeler que, faute d’une autorité unique représentant les quatre îles de l’archipel des Comores, chaque île avait conclu séparément son traité avec la France, et aucun de ces accords internationaux ne mentionne le mot «Comores». Par contre, on y retrouve Mayotte, pour «Le Commandant de Mayotte», qui était responsable de la négociation des accords avec les trois îles. Et puis, on est en droit de se demander pourquoi il avait fallu attendre 44 ans après la conclusion de l’Accord franco-mahorais pour que la Grande-Comore devienne un protectorat français, contre 45 ans pour Anjouan et Mohéli. Par ailleurs, lisons quelques articles de ces traités, conclus île par île avec la France.

1.- L’article 1er du Traité de cession de Mayotte à la France en date du 25 avril 1841 dispose: «Le sultan Andrian Souli cède à la France, en toute propriété́, l’île de Mayotte qu’il possède par des droits de conquête et par convention, et sur laquelle il règne depuis treize ans».

2.- S’agissant de la Grande-Comore, aux termes de l’article 1er de son accord du 5 novembre 1885 avec la France, «Son Altesse s’engage à ne donner son pays, ou à ne le mettre sous aucun autre protectorat que celui de la France». Il y a eu également le traité du 6 janvier 1886 que le Français Gerville-Reache avait soumis à l’approbation de la Grande-Comore toujours pour l’instauration d’un protectorat. C’était un traité qui «garantissait à la France une situation prépondérante dans l’île en lui confiant le contrôle des relations extérieures et de la situation des étrangers établis dans le pays, et en lui donnant un large droit de regard sur son gouvernement intérieur. [¼]. Ce modèle de traité fut d’ailleurs repris avec quelques variantes, lors de l’établissement du protectorat sur Anjouan et Mohéli»: Jean Martin: Comores: quatre îles entre pirates et planteurs. Tome II. Genèse et mort du protectorat (1875-1912), L’Harmattan, Paris, 1983, pp. 104-105.

4.- Le cas de Mohéli est encore plus intéressant. En effet, pour cette île, le traité conclu par son Conseil des ministres et la France le 26 avril 1886 est très explicite: «Le conseil des ministres assemblé et composé de: Fadili ben Attoumani, Mohamed ben Ali, cadi, etc., etc. En l’absence de pouvoir régulièrement constitué, désirant assurer définitivement l’ordre et la tranquillité à Mohéli, propose à M. Gerville-Réache, commandant de Mayotte:

Article 1er. – De nommer sultan de l’île le prince Mayani ben Aboudou Shee et offre de placer l’île de Mohéli sous la protection de la France.

Article 2. – Il prend rengagement de ne jamais traiter ni laisser traiter avec aucune puissance étrangère sans l’assentiment du gouvernement de la République française.

Article 3. – Il promet d’accueillir favorablement tous les Français qui voudront s’établir dans l’île et de faciliter l’établissement de tous ceux qui lui seront recommandés par le gouvernement français.

Article 4. – Dans le cas où le sultanat deviendrait vacant, le gouvernement français pourvoira à la nomination d’un autre souverain».

Nous voici donc en présence de quatre îles situées dans le même espace géographique, mais ne constituant pas un État commun, et une entité politique animée d’un sentiment national. Chaque île a négocié ses affaires avec la France sans les autres îles, ni l’inexistant «État comorien».

La proximité géographique sans une volonté de vivre en commun n’a jamais formé un État et une nation. Le monde arabe, pourtant uni par de nombreux facteurs communs, dont la langue et l’Islam, est morcelé en plusieurs États, la Ligue des États arabes en comptant 22. Certains des pays les plus hostiles dans le monde les uns envers les autres en sont membres.

Mohamed Masmoudi (1925-2016), ancien ministre tunisien des Affaires étrangères, note: «Sans l’Islam, les Arabes seraient sans doute dans les oubliettes de l’Histoire. Leur contribution à la civilisation, les mérites particuliers qu’on leur reconnaît, tout cela, c’est à l’Islam qu’ils le doivent»: Mohamed Masmoudi: Les Arabes dans la tempête, Jean-Claude Simoën, Paris, 1977, p. 81. L’ancien ministre libanais Charles Rizk abonde dans le même sens : «C’est par l’Islam que les Arabes entrèrent dans l’histoire, par l’Islam que ce qui n’était avant Mohamed que tribus éparses constitua son unité en se lançant dans la conquête. Ainsi, l’Hégire n’est pas seulement le commencement de l’ère religieuse islamique, elle est aussi acte de naissance ethnique, culturelle, politique de l’arabité»: Charles Rizk: Entre l’Islam et l’arabisme. Les Arabes jusqu’en 1945, Albin Michel, Paris, 1983, cité par Paul Balta: Deux conceptions rivales, in Paul Balta: L’Islam dans le monde, 2ème édition, Le Monde Éditions, Collection «La Mémoire du Monde», Paris, 1991, p. 57.

Pourtant, nous rappelle amèrement et sadiquement Mohamed Masmoudi, fustigeant «les Arabes malades de leurs États», l’absence de volonté de vivre ensemble a fait exploser le monde arabe en une multitude d’États: «Avec vingt États, notre Ligue a gagné en nombre pour perdre en efficacité. Si nos défauts sont effectivement multipliés par vingt, nos qualités n’ont pas pour autant bénéficié du même coefficient. Nous avons vingt armées plus les milices, les polices et les gardes nationales. Nous avons vingt drapeaux aux couleurs multiples, les uns égayés d’étoiles et de croissants, les autres portant des aigles, des lions, des bateaux qui tanguent, des balances qui penchent, et d’autres signes encore qui ne veulent même rien dire. Nous avons également vingt monnaies, sans compter les devises et les pétrodollars; nous avons vingt budgets d’équipement, et vingt budget de fonctionnement, vingt Plans, vingt tarifs douaniers, autant de compagnies aériennes et maritimes; vingt systèmes d’éducation, vingt programmes d’action culturelle – sans parler des actions privées. Comment s’étonner, à l’image de cette incohérence, que la Ligue arabe n’ait jamais pu s’accorder, sinon sur une politique pétrolière, en tout cas sur le prix de l’œuf ou des dattes?»: Mohamed Masmoudi: Les Arabes dans la tempête, op. cit., pp. 63-64.

Les Antilles comptent 7.000 îles éparpillées sur 235.830 km2, dans lesquelles on compte 13 pays et 14 dépendances. L’île Saint-Martin, dans ces Antilles-là, a une superficie de 95 km2, et comprend une partie Nord française, et une partie Sud hollandaise. Pour rappel: c’est une île de 95 km2. L’île Hispaniola, toujours dans ces Antilles-là, est divisée en Haïti et en Saint-Domingue. Malgré sa créativité, Haïti, qui a proclamé son indépendance le 1er janvier 1804, en devenant le premier État noir indépendant dans le monde, incarne le désordre, le chaos, les Tontons Macoutes, les séismes destructeurs et meurtriers, pendant que Saint-Domingue est une belle destination touristique de renommée mondiale. Les séismes qui détruisent et tuent régulièrement chez les Haïtiens par centaines de milliers «oublient» Saint-Domingue, juste en face, dans une continuité territoriale totale.

La France, grande puissance diplomatique, ne concluait pas des accords avec des clans et des tribus sauvages de la brousse et des bantoustans, mais avec des États, même précaires. Donc, quand elle concluait des accords avec chacune des îles de l’archipel des Comores, elle avait devant elle des pouvoirs politiques, certes fragiles, mais existants et indépendants les uns et les autres. Dès lors, les Comoriens qui prétendent, sur la base de leur mépris haineux habituel et atavique, que les Comores avaient une unité politique avant l’installation de la France sur les îles devront compter avec ceux qui ont décidé de leur dire la vérité à la face du monde: «Où sont les documents juridiques prouvant vos dires?». Ils ne les produiront jamais parce qu’ils n’existent pas. En Droit, la meilleure preuve est un acte juridique, comme un traité bilatéral ou multilatéral. Pour prouver leur «État et nation des Comores» avant la colonisation française, les «bons et vrais Comoriens», les chantres de l’idéologie historique dominante des Comores et les «Comoricains», c’est-à-dire les savants autoproclamés et improductifs, doivent présenter aux masses populaires des actes juridiques établis au nom des «Comores» avant 1841 et citer le nom d’un seul individu ayant porté le titre de «Sultan des Comores» pour avoir régné sur les 4 îles. Nous attendons qu’ils nous disent ce nom. Dites!

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Lundi 24 avril 2023.


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