Très fiers de notre Cour constitutionnelle
Juger, c’est rendre justice: punir et prévenir
Par Saïd Idriss Ibrahim
À ceux qui, formatés par des références électorales étrangères, et qui nous rabâchent les «je n’ai jamais vu ou entendu parlé d’un 3ème tour dans une élection», je voudrais dire ceci: d’abord, il ne s’agit pas d’un 3ème tour puisqu’elle ne concerne que quelques bureaux de vote. Ensuite, parler de 3ème tour de l’élection présidentielle est un non-sens puisqu’il n’y a même pas eu de 2ème tour. Faut-il rappeler les dispositions de l’article 13 de la Constitution «… Le Président et les Vice-présidents sont élus ensemble au suffrage universel direct majoritaire à un tour pour un mandat de 5 ans…». Et puis, après tout, si tant qu’il en fut un, où aurait été le problème puisque qu’il n’y a pas de formule universelle en matière d’organisation électorale? Il suffit de comparer les modalités de scrutin de plusieurs pays pour s’en convaincre. 1, 2, 3, 4… tours seuls, la Loi d’un pays peut décider. Et puisque la Loi comorienne donne à la Cour constitutionnelle la possibilité de produire des jurisprudences, eh bien, elle le fait.
Vous n’avez jamais vu «d’élection partielle pour une élection générale», c’était ce que beaucoup d’entre certains brandissaient tendancieusement avant la décision que la Cour Constitutionnelle a prise le samedi 30 avril 2016. Eh bien, qu’ils s’estiment heureux d’être vivants pour le voir et qu’ils aient la gentillesse de penser surtout à feu Jean Mradabi et Saïd Ali Kemal lors de l’élection présidentielle de 2002, même si pour ce dernier,c’est difficile, depuis qu’il est atteint du syndrome de Stockholm. En effet, ces deux candidats malheureux aux élections de 2002, auraient certainement voulu disposer, à l’époque, d’une telle disposition qui leur aurait permis d’empêcher qu’Azali Assoumani, arrivé en tête sur la base des fraudes constatées, dont le saccage d’un grand nombre de bureaux de vote, ne les contraigne, faute de texte de Loi, de se retirer tout simplement du 2ème tour, en signe de protestation contre la première mise en application du saccage de bureaux de vote (les faits sont têtus) comme procédé électoral. Pour rappel, le 2ème tour de 2002 qui n’avait mobilisé qu’à peine 39% des électeurs, avait permis à Azali Assoumani, seul candidat contre personne, de se maintenir avec 100% des voix (oui, je reconnais qu’il n’a pas pu faire 104%!).
Rassurez-vous chers compatriotes, quand les esprits se seront apaisés, la passion de la campagne baissée, la désillusion atteinte par Azali Assoumani, Ahmed Sambi et consorts, vous reconnaîtrez, j’en suis convaincu, que la décision de notre Cour constitutionnelle marque un tournant historique et constitue une jurisprudence essentielle pour la démocratie dans notre pays et d’autres pays africains. En effet, tous les textes législatifs établis, les protocoles signés (interdiction des procurations, transparence…), les outils technologiques utilisés (informatique, biométrie…), la sécurisation déployée (présence militaire, observateurs…), tout cela se heurtait à l’astuce maléfique utilisée par certains candidats comme méthode de fraude: le saccage de bureaux de vote. Imprévisible, difficilement rattrapable, il est généralement difficile de reprendre les opérations de vote le jour même du scrutin. Le saccage de bureaux de vote échappait à tous les dispositifs existants. Des vrais commandos sont préparés longtemps en avance, avec comme mission d’aller faire annuler tels bureaux de vote, bien ciblés, pour modifier artificiellement les résultats de tel candidat.
C’est qu’en réalité, le saccage de bureaux de vote était devenu le procédé non encore maîtrisé par les outils existants de sécurisation de processus électoral. En prenant cet arrêt, la Cour constitutionnelle rend un grand service à la nation pour l’avenir. À travers cette sage décision, la Cour constitutionnelle envoie un message fort aux saccageurs: «Saccagez si vous voulez, et autant de bureaux que vous souhaitez, mais, désormais, vous n’empêcherez aucun de nos citoyens d’exercer son droit de vote!». C’est dans ce sens qu’il faut lire et apprécier l’arrêt de la Cour constitutionnelle, se mettant loin des considérations partisanes du moment. Prenez du recul, chers compatriotes, pour apprécier objectivement la portée de la décision de la Cour, sans doute la décision la plus audacieuse de son histoire et qui donc, loin d’en disqualifier les membres, doit susciter tout notre respect envers cette instance. Ce qu’il faut retenir dans ce qui va constituer une jurisprudence importante aux Comores et ailleurs en Afrique, pour les échéances électorales à venir, n’est justement pas le fait qu’elle traite du cas présent, suscitant du coup la satisfaction chez les uns et le mécontentement chez les autres; c’est surtout le fait qu’elle va venir consolider les moyens existants pour des élections encore plus démocratiques en Union des Comores. Et peut-être demain vous serez fiers de savoir que d’autres pays s’en inspireront sûrement!
La décision de la Cour aura surtout une portée préventive. Et si gouverner c’est prévenir, juger c’est rendre justice, punir et prévenir. L’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle de l’Union des Comores, ce samedi 30 avril 2016, rend justice à nos concitoyens de certaines circonscriptions d’Anjouan, punit électoralement les auteurs politiques du saccage des bureaux de vote et prévient ce genre de délits pour les échéances électorales à venir.
Un grand bravo donc à tous ceux qui ont contribué contourner le mépris que certains voulaient imposer à nos concitoyens anjouanais dans un «ndrimouïsme» inacceptable. Et tout le respect du peuple comorien aux membres de la Cour constitutionnelle de l’Union des Comores, qui ont eu le courage de prendre une décision légitime, légale et courageuse, une décision dans le vent de l’Histoire, une décision populaire et démocratique aujourd’hui, utile pour la vie de la démocratie aux Comores et ailleurs en Afrique, où on devra cesser de répéter l’antienne «des irrégularités ont été constatées mais ne sont pas de nature à entacher la sincérité du scrutin».
Par Saïd Idriss Ibrahim
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© www.lemohelien.com – Jeudi 5 mai 2016.