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Sens d’un combat: quelques enseignements historiques

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Sens d’un combat: quelques enseignements historiques

«Les dictateurs croient avoir le temps; le peuple détient la montre»

Par l’Ambassadeur Soilih Mohamed Soilihi

       On le dit à moitié fou et à la limite de l’inculture. Ses actes ubuesques et ses expressions inqualifiables tendent à donner crédit à ce qui, autrement, paraît insoutenable. Par contre, on ne saurait en déduire qu’il soit idiot, loin s’en faut! Il vit de machiavélisme chevillé au corps et à l’âme. De sa formation et de son parcours peu glorieux dans l’Armée et la gouvernance politique, il a bien assimilé les techniques de ruse, de camouflage, de propagande trompeuse, de mensonge éhonté, d’ingratitude, de complots, de procès expéditifs rendus par une juridiction d’exception inconnue de l’organisation judiciaire, de guet-apens et du blitzkrieg (guerre-éclair) contre une adversité impréparée.

«Il», c’est Assoumani Azali, auto-surnommé «Gozibi» («Mauvaise Peau»), que je préfère dénommer «Petit Bokassa» pour reprendre le sobriquet infâmant du Premier ministre Abbas Djoussouf (Paix à son âme) à son égard. C’est un surnom qui renvoie quelque part à la fameuse formule de Victor Hugo traitant Louis Napoléon Bonaparte de «Napoléon le Petit»! En effet, alors Président de la République depuis 3 ans et, par une série de décrets, ce dernier organisa un putsch contre lui-même, le 2 décembre 1851, avant la fin du mandat, pour pouvoir conserver le pouvoir, en violant la Constitution de la IIème République, qui lui interdisait de se représenter.

Assoumani Azali aurait-il pris cet exemple dans un manuel d’Histoire à l’École de Guerre, École dont il parle jusqu’à la nausée? Toujours est-il que Victor Hugo, dont la sublime plume poétique le conduira au Panthéon, préféra alors le chemin de l’exil, plutôt que de devoir cautionner la forfaiture d’un puissant éphémère, le puissant du moment.

Il faut dire qu’en s’autoproclamant par le nom de Napoléon III, Louis Napoléon Bonaparte tenait cette dérive de son oncle, qui s’était emparé de l’État par la force, avait détourné la Révolution française de sa voie républicaine pour instaurer un système impérial qui le mena jusqu’au Kremlin, avant de subir la débâcle de Leipzig et à son tour… l’exil sur l’ile d’Elbe! N’était-ce pas le début de la fin?

Il en va souvent ainsi des tyrans. Tel avait été Attila, Roi des Huns au Vème siècle, avait cru pouvoir tout piétiner sur son passage. Plus récemment, en Afrique, il en fut ainsi de Zine El Abidine Ben Ali (Tunisie), Hosni Moubarak (Égypte), Blaise Compaoré (Burkina Faso) ou encore Hassan Omar El-Béchir (Soudan) ou du clan d’Abdelaziz Bouteflika (Algérie), ce dernier s’étant accroché au pouvoir, même sur un fauteuil roulant. Mais, le potentat des Comores s’estime bien au-dessus de ces hommes, en prenant pour modèle Robert Mugabe, dont Grace, l’épouse, avait déclaré qu’il serait toujours réélu Président, «même dans un cercueil»! Contrairement à Assoumani Azali, au moins, Robert Mugabe avait la mauvaise excuse d’avoir été un héros de la lutte de libération nationale. La suite, ou plutôt la fin, tout le monde la connaît…

En Amérique latine, parmi les «brutes galonnées» aux «lubies sanglantes», l’Histoire n’oubliera jamais le Général Augusto Pinochet, qui écrasa la démocratie chilienne avant de connaître une fin honteuse, notamment grâce à la persévérance des mères qui n’ont cessé de réclamer les milliers de «disparus». Cette histoire très douloureuse a magistralement été mise en lumière dans le film Missing, qui a repris l’expression codée: «Il pleut sur Santiago», référence au jour funeste de ce putsch du 11 septembre 1973!

Cependant, chaque fois, la résistance populaire prolongée, parfois passive et symbolique à l’intérieur, souvent active et bruyante à l’extérieur est parvenue à mettre fin au règne de ces tyrans. Le plus monstrueusement connu, de notre époque, fut sans conteste Adolf Hitler. Perçu comme un psychopathe, il sut, manifestement et malgré tout, s’entourer d’experts en économie, en ingénierie, en stratégie militaire et coups de bluff, en délations et répressions policières, en communication mensongère de masses. Il parvint même à mobiliser une frange de la population autour du projet emblématique et galvanisant du IIIème Reich, en vue de la mise en œuvre du concept de «blitzkrieg» et autres folies. Il eut des soutiens d’importance inégalée, y compris parmi de puissants industriels comme Henry Ford aux États-Unis et fit même oublier qu’il avait été putschiste avant de se faire élire, sur fond de crise aussi bien financière, institutionnelle que sociétale. Il eut aussi ses collabos et ses tortionnaires dans ses avancées à l’Est comme à l’Ouest.

Fort heureusement, il se heurta aux Résistants, notamment en France, avec Charles de Gaulle à Londres, Félix Éboué en Afrique, Jean Moulin à l’intérieur, ce dernier n’ayant pas hésité à donner sa vie en sacrifice à la liberté. Comme ce dernier, des Résistants parmi les migrants autour du groupe Manouchian furent exécutés dans un contexte mis en lumière par un autre film culte, L’Affiche Rouge!

       Utsaho wungwana kawuwono na hufa beyani harusi! C’est en ce sens que face aux bombardements et à la terreur nazie, le Premier Ministre Winston Churchill appela le peuple britannique a résister en versant «la sueur, le sang et les larmes» contre le fascisme, qui s’imaginait invincible! Cette résistance populaire prolongée, c’est précisément ce que les dictateurs n’imaginent guère dans leurs scenarii, eux, si prompts à chercher à s’enfuir ou à se cacher même dans des caves, devant un ennemi plus puissant. Ils comprennent encore moins le sens du sacrifice qui peut animer progressivement une population se trouvant devant le dilemme de la révolte et l’enchaînement des violences ou d’être réduite durablement à l’esclavage et à l’asservissement.

C’est dans cette optique que, contre toute attente, voilà donc bientôt un an, que la frange extérieure du peuple comorien a su livrer des batailles, semaine après semaine, escarmouches après escarmouches, harcelant la dictature azaliste de toutes parts depuis l’Afrique, l’Asie, l’Amérique, mais surtout en France métropolitaine et à la Réunion. Refusant catégoriquement le hold-up électoral sous prétexte d’«émergence» économique, cette détermination populaire inattendue renoue et suit le prolongement des expériences historiques et patriotiques du MOLINACO en Tanzanie, de l’ASÉC en France et des Jeunesses Soilihistes dans les combats pour la liberté, l’indépendance nationale et contre le mercenariat. Cette lueur d’espoir ne pouvait que revigorer le front intérieur, à travers les confrontations socio-psychologiques et les actions menées par les forces vives de la Nation, des notables aux femmes et aux jeunes.

Instruit depuis des lustres par l’Histoire des Prophètes confrontés aux pharaons et autres Abou Djahal, le peuple comorien sait ce qui lui est pertinemment prescrit à savoir «Recommander le Convenable et condamner le Blâmable», que ce soit par la main, la langue ou à tout le moins par un mouvement du cœur!

Aussi dans leurs allures passives et leurs formes traditionnelles visant à déjouer la Gestapo locale au tout aussi sinistre nom de PIGN, bras armé d’un système politico-judiciaire corrompu et aux ordres, ces actions citoyennes mènent vers le fleuve d’une liberté nécessairement tumultueuse.

Évidemment, beauté qui fait éternellement rêver, elle ne se donne jamais. A contrario, elle se conquiert toujours et va de pair avec des moments de doutes, de larmes et de sacrifices. À moins qu’elle ne prenne la forme d’un cyclone ravageur ou d’une soudaine éruption du Karthala… Alors, comme on dit, «haya nala yele».

Ainsi, notre conviction est-elle faite. Pour notre pays et pour notre nation: un seul horizon, l’État de Droit, la démocratie et la bonne gouvernance, Incha Allah, si Dieu le veut.

Par l’Ambassadeur Soilih Mohamed Soilihi

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© www.lemohelien.com – Mardi 24 décembre 2019.


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