Le Docteur Youssouf Saïd Soilihi: un hommage mérité
Hommage de Ntsawéni à un homme qui faisait l’unanimité
Par ARM
L’unanimité des Comoriens sur et pour leurs chers disparus est rare, voire rarissime. Le 5 mars 2022, le Docteur Youssouf Saïd Soilihi, né en 1957, nous était arraché, au terme de son existence terrestre. Chacun vit cette mort à sa façon. Personnellement, je l’ai très, très, très mal vécue. Je la vis encore très, très, très mal, pour avoir traversé Paris en trombe après le travail, à 17 heures, en septembre 2012, pour aller assister à la belle conférence qu’il animait à l’Université de Saint-Denis sur Ali Soilihi. Ce jour-là, ont eu lieu nos premiers échanges. Je l’avais aperçu en juin 2012 à La Courneuve. J’ai toujours le sentiment d’avoir perdu un membre de ma famille. Quel vide après sa mort! Le Docteur Youssouf Saïd Soilihi était d’une intelligence qui n’avait d’égale que son humanité. Il n’a jamais rejeté l’autre pour des raisons d’insularité, alors que ce rejet habite d’autres intellectuels comoriens, généralement et majoritairement très méprisants, suffisants, sectaires, prétentieux, narcissiques et stériles.
Le Docteur Youssouf Saïd Soilihi était le seul intellectuel comorien qui acceptait ceux qui ne pensaient pas comme lui, quand tous les autres, veulent obliger autrui à penser comme eux, à adopter leur méthode de travail, quand les mathématiciens, les littéraires, les géographes, les anthropologues, les ethnologues, les statisticiens, les journalistes comoriens veulent forcer le juriste à ne pas défendre le Droit et à ne pas raisonner en juriste, mais comme eux.
Le Docteur Youssouf Saïd Soilihi faisait l’unanimité déjà de son vivant, car il avait le sens des relations humaines, de la simplicité, de la sincérité et de l’humanité et de l’humanisme. Il avait ses convictions, en était fidèle, mais sans sombrer dans le fanatisme et le dogmatisme.
C’est la raison pour laquelle, le dimanche 15 mai 2022, dans sa belle ville de Ntsawéni, le foyer d’origine de l’Islam aux Comores, nombreux ont été ceux, venus de partout, qui avaient tenu à lui rendre un hommage amplement mérité. Tous les participants à l’événement ont mis en avant les grandes qualités de cœur et d’esprit de cet homme brillant et attachant.
Une Fondation portant son nom va voir le jour. Elle est attendue. Elle sera nécessaire car elle aura pour vocation de faire immortaliser l’œuvre d’un grand patriote, d’un intellectuel aux idées avant-gardistes, d’un esprit gourmand de culture et de savoir, d’un père de famille exceptionnel, d’un fonctionnaire international ayant fait ses preuves, d’un homme qui a servi son pays avec abnégation, d’un Comorien aimant son pays et qui refusait la compromission, d’un Professeur d’Université qui a participé à la formation de centaines de jeunes Comoriens.
Je ne me lasse pas de revivre l’honneur qu’il m’avait fait en arrivant spécialement à Paris en février 2013 pour assister à la soutenance de ma Thèse de Doctorat à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, lui qui vivait près de la frontière suisse. Je ne me lasse jamais de dire que son livre Comores. Les défis du développement indépendant 1975-1978, publié en septembre 1988, était entre mes mains, dans un car reliant Tanger à Rabat, au Maroc, moins de deux semaines après sa publication, à Paris. Je le revois encore m’offrant fraternellement à Paris le livre Ali Soilihi, l’élan brisé? qu’il a coécrit en 2008 avec Elmamouni Mohamed Nassur.
Maintenant que le Docteur Youssouf Saïd Soilihi n’est plus avec nous, avec qui peut-on avoir des échanges riches, intenses, intéressants et fraternels au sein d’une «intelligentzia» comorienne gangrenée par la haine, le mépris, l’intolérance et l’ostracisme? Quoi qu’il en soit, sa Fondation doit voir le jour et bénéficier des soutiens qui la feront rayonner.
L’hommage rendu au Docteur Youssouf Saïd Soilihi à Ntsawéni le dimanche 15 mai 2022 a le mérite, le grand mérite, d’avoir été celui du cœur et de l’esprit. Cela fait sa grandeur.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Lundi 23 mai 2022.
