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La mort du Mufti ou le très grand bazar de la religion

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La mort du Mufti ou le très grand bazar de la religion

Questions sur la relation entre État et Islam aux Comores

Par Kamal Abdallah Salim

       J’aurais pu parler de: «Comores. Mouftorat. Le big bazar. Le Grand Moufti est mort, vive le Grand Moufti». Cette simple évocation consiste à rappeler que la disparition du Grand Mufti – paix à son âme – ne peut laisser indifférente la population. Affectueusement appelé Foundi Toihir, sa mort n’a pas fait l’unanimité de regrets. Le sanguinaire, putschiste, dictateur et mal élevé Azali Assoumani dit Gozibi («Mauvaise Peau») n’a pas hésité de l’humilier en lui rappelant publiquement «c’est moi, ton chef». Pourtant, affligé dans la profondeur de son âme, l’insolent, le mal éduqué Gozibi a perdu son porte-parole le plus titré.

Pour la grande majorité silencieuse des Comoriens, feu le jurisconsulte, interprète officiel du Droit canonique musulman, appelé d’émettre des avis et sentences juridiques, a trop privilégié le suivisme politique face à Azali Assoumani. En conséquence, en collabo sans réserve, il n’est malheureusement pas épargné du bilan chaotique du criminel Colonel Azali Assoumani. Dommage! Son histoire religieuse reste sur terre seule juge. Son jugement de l’au-delà appartient au Très-Haut. Dans la religion musulmane, il n’y a pas de clergé au sens d’une hiérarchie disposant de pouvoirs spirituels.

Le Grand Mufti est reconnu pour son savoir chez les Sunnites car, chez les Chiites, l’autre branche principale de l’Islam, l’équivalent est le Mollah. Partant de ce principe d’autorité religieuse prioritaire, le Président Saïd Mohamed Cheikh a su choisir un érudit, humble et désintéressé Al Habib Omar Ben Soumeït comme premier Grand Mufti des Comores. Jusqu’à sa disparition, il a fait l’unanimité. Aujourd’hui encore, il fait l’unanimité. Le relais est bien rassurant avec le Grand Moufti Saïd Mohamed Abderemane, ce téméraire qui défia Bob Denard en ces termes ce matin du 27 novembre 1989: «Creuse un second tombeau pour moi car jamais tu n’enterreras le Président Ahmed Abdallah sous ce manguier. C’est à Domoni, Anjouan, qu’est sa demeure éternelle».

À sa mort, le Président Saïd Mohamed Djohar au pouvoir, ayant bien compris la difficile succession et l’émergence de nouvelles élites en sciences religieuses, dans une réforme constitutionnelle, instaura le Conseil des Ulémas, qui a permis non seulement la mise en place d’une structure administrative, mais aussi la présence, dans sa composition, des religieux émanant d’Anjouan et Mohéli. L’avènement du Président Mohamed Taki Abdoulkarim sera accompagné du retour au système de Mufti. Longtemps en bisbilles avec Foundi Toihir, l’opportunité est à saisir en le nommant Grand Mufti et ainsi enterrer leur conflit.

Et patatras! Dans l’organisation, composition et fonctionnement, du jardinier aux hauts cadres, aucun ressortissant des deux autres îles n’y a place. Le Grand Mufti est élevé au rang de ministre d’État, créant la cupidité autour d’une fonction au départ bénévole. En 22 ans d’exercice, feu Foundi Toihir a eu son mode de fonctionnement: les 10 ans de mandat des Présidents Ahmed Abdallah Mohamed Sambi et Ikililou Dhoinine cumulés, il a eu à se cantonner à ses strictes tâches de conseil religieux. Aux 12 ans de règne de Gozibi écoulés, il s’est montré en phase manifeste avec l’engagement politique qui finit par remettre en cause son rôle de référence par son savoir religieux. Il a trop divisé le pays et su se faire haïr. Des voix osent critiquer publiquement son rôle et le désavouer en conséquence.

Dans sa Constitution taillée sur mesure, dans le sang et frappée de nullité juridique de 2018, Gozibi a prévu un titre réservé à Grand Mufti. Chose première à enterrer au plus tard en 2021. Bientôt, il va nommer son nouveau porte-parole religieux. Et, déjà, malheureusement, des mauvaises voix, en connivence éhontée avec Gozibi, tranchent pour le choix d’un Mgazidja (Grand-Comorien) car ces farfelus distillent – comme leur maître – que la primauté des Wangazidja est aussi religieuse. Cette politique qui fait déjà trop de mal dans la gestion du pays en faisant des Anjouanais et Mohéliens des sous-hommes – comme le crie haut et fort Gozibi – ne doit pas être soutenue. Les érudits religieux se trouvent aussi bien à Anjouan, Mohéli et Mayotte, comme en Grande-Comore. Après 60 ans de Moufti Mgazidja, cela ne doit point rester une exclusivité insulaire.

Les connaissances religieuses ne sont pas un monopole. Qui, homme ou femme honnête, ne reconnaît le talent religieux sans commune mesure du Président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi? Les Comores n’ont nul besoin du modèle du Mufti de ces dernières années. Leur besoin porte sur un religieux qui est aussi au-dessus de la mêlée politique.

L’intransigeance d’une intelligence religieuse confirmée et d’une indépendance d’esprit doit être l’unique critère de choix de ce guide religieux à nommer. D’ailleurs, quelle belle expérience si la reconnaissance d’un érudit d’une autre île venait à être faite! Pour Foundi Toihir malheureusement, son influence politique a fini par éclipser sa mission religieuse. L’opinion n’a retenu que sa mauvaise influence dans la mauvaise politique de notre pays ces dernières années. Hélas!

Par Kamal Abdallah Salim

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© www.lemohelien.com – Dimanche 12 avril 2020.


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