Ibrahim Abdourazak dit Razida, martyr de la liberté
Sa condamnation? Un non-sens juridique et une illégalité
Par ARM
C’est la consternation dans les rangs des nombreux patriotes sincères, des militants des droits humains, des démocrates et des esprits épris de l’idéal républicain que comptent les Comores: le militant, patriote et homme libre qu’est le frère Ibrahim Abdourazak dit Razida est ignominieusement condamné par un juge aux ordres du Tribunal de Moroni à une séquestration de 10 mois dont 5 dans les cachots moyenâgeux du donjon médiéval de Moroni, et à une rançon de 150.000 francs comoriens (300 euros). Jamais, dans les annales judiciaires mondiales, un «jugement» n’a été rendu dans un laps de temps aussi court entre les faits et le «verdict» (une semaine!) dans une affaire banale qui n’exigeait ni comparution immédiate, ni procédure en référé. Son avocat était fondé à soulever in limine litis l’illégalité totale de la procédure.
Mais, serait-il entendu par un juge incompétent, corrompu et aux ordres, un juge qui aurait dû affirmer son indépendance et sa dignité en refusant le dévoiement dans lequel il a été entraîné par ses propriétaires du pouvoir exécutif? Alors qu’une diffamation même avérée n’ouvre jamais une porte de prison pour y faire entrer un citoyen dans les pays civilisés, Ibrahim Abdourazak a été jugé à cette vitesse stupéfiante pour l’exemple, pour punir un homme libre, dans un pays censé être libre et dont le seul tort a été d’user de son droit constitutionnel appelé liberté d’expression. Il n’a rien dit de diffamatoire. «L’outrage à magistrat» n’est qu’un prétexte.
Les choses sont tellement graves qu’il a fallu que le frère Ibrahim Abdourazak réponde aux injures et à la provocation d’un homme descendu du ciel pour régner sur Terre, et cet homme n’est autre que Sa Grandissime et Sérénissime Suffisance Monsieur le Grand Vizir en charge de Dieu, du Prophète, du Paradis, des Gènes, de la Généalogie et de la Génétique. En effet, lors de ce qu’il a appelé une conférence de presse, l’homme tombé du ciel, insultant copieusement Ibrahim Abdourazak, avait cru avoir le droit d’en rajouter, notamment pour l’insulter en ces termes, demandant en même temps un ostracisme médiatique contre lui: «L’intelligence, on naît avec ou pas. […]. À certains, Dieu a donné la chance: ils sont nés de parents qui ont fait des études. Un enfant peut avoir des connaissances et de l’intelligence. Tout cela c’est Dieu qui le fait et les parents […]. Puis, il y a ceux qui ont été maudits par Dieu. Ceux-là, ils n’ont pas eu la chance d’être instruits et en plus, Dieu ne leur a pas donné de l’intelligence. Ces gens-là, quand ils viennent à la radio, ne leur donnez pas les micros […]. Mais, n’ouvrez pas vos micros à des gens maudits par Dieu qui n’ont ni connaissances, ni intelligence […]. Il y a des gens qui n’ont ni intelligence, ni connaissances, à qui on a donné un paquet de cigarettes, ils prennent le micro et parlent de ce qu’ils ne savent pas […]».
Même si cela peut donner lieu à une plainte pour «diffamation», il faut avoir le courage et l’honnêteté de dire qu’un discours aussi injurieux et discriminatoire, de surcroît, prononcé par un ministre de la «Républiquette» bananière des Comores, fait partie du catalogue de Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), le chantre de la catégorisation discriminatoire des hommes dans Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855). Pour tout dire, on trouve ce type de propos également dans les discours enflammés et haineux d’un Joseph Goebbels, et on en connaît les résultats. Au nom de quoi un homme croit-il avoir le droit et l’autorité d’exiger des radios qu’elles ne tendent pas les micros à une catégorie d’êtres humains?
Assumant parfaitement son rôle d’envoyé spécial de Dieu sur Terre, le Grand Vizir convoque Dieu dans ses propos injurieux: «C’est Dieu qui fait», «ceux qui ont été maudits par Dieu», «Dieu ne leur a pas donné de l’intelligence» et «des gens maudits par Dieu». Mais, où vont les Comores? C’est horrible! L’homme venu du ciel doit faire très attention, parce que, quand il dit, «puis, il y a ceux qui ont été maudits par Dieu. Ceux-là, ils n’ont pas eu la chance d’être instruits», les Comoriens ricanent et regardent dans la bonne direction, et savent justement qui sont ceux qui «n’ont pas eu la chance d’être instruits» et qui font usage de faux diplômes pour se donner les apparences de l’érudition, tout en restant dans une ignorance qui fait rire et scandalise même les diplomates étrangers en poste à Moroni. Oui, oui…
On emprisonne un homme, Ibrahim Abdourazak, pour des propos jugés «diffamatoires» et pour «outrage à magistrat». À la limite, on aurait pu mettre l’affaire sur le compte d’échanges privés entre deux personnes physiques qui n’ont ni la même conception des choses, ni d’affinités politiques. Mais, prononcer une peine de prison le mardi 13 décembre 2016 pour des propos tenus le lundi 5 décembre 2016, voilà une chose horrible qui ne manquera pas de faire sursauter les juristes et tous les citoyens comoriens, parce que la banalité de l’affaire ne réclame pas un tel traitement. Pis, en matière de communication, c’est le bouquet. En effet, tout spécialiste des médias dira que si le Grand Vizir avait un vrai jugement des choses, il aurait adopté un profil bas. Or, ce n’est pas ce qu’il a fait. Il s’est acharné sur Ibrahim Abdourazak avec une haine à peine imaginable, et tout de suite, tout le monde veut savoir ce qu’a dit l’enfant chéri de Moroni. Personnellement, j’ai écouté avec joie, jubilation et bonheur les propos d’Ibrahim Abdourazak. Les habitants de Bacha, à Moroni, interrogent et tancent Kiki, ne comprenant pas pourquoi une telle ignominie a été réservée à leur beau-frère. Ça, c’est le côté «romantique» de la chose.
Ici et là, l’interview qu’Ibrahim Abdourazak avait accordée à mon frère Nono a été retirée de la circulation, mais on la retrouve toujours sur internet, à la grande joie des Comoriens et même d’étrangers, qui ont fait traduire les propos patriotiques tenus par Ibrahim Abdourazak, devenu le martyr de la liberté. Dès lors, si l’homme venu du septième ciel pour régner sur Terre avait eu de l’humilité et avait décidé de se comporter en être de terre et non en être de lumière, la chose aurait pu ne pas laisser des traces aussi indélébiles. Mais, le Grand Vizir a été l’ennemi de lui-même. Le Grand Vizir a été l’ennemi de son narcissisme arrogant. Son acharnement haineux a fait d’Ibrahim Abdourazak un héros comorien.
Il restera à rappeler à l’homme venu du ciel une vérité citée dans la Bible: «L’humilité précède la gloire, l’orgueil la chute». À Mohéli, on dit la même chose mais avec d’autres mots: «Quand la fourmi va mourir, elle pousse des ailes».
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Jeudi 15 décembre 2016.