Complots en série accouchés au forceps

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Complots en série accouchés au forceps

Coup d’État militaire, coups d’État électoraux

Par Barakat Naçr-Ed-Dine

     Suite à son putsch militaire de 1999 suivi du coup d’État électoral de 2002, las de son impopularité jamais démentie, M. Assoumani Azali Boinahéri a déclaré lors d’un discours public: «Les Comoriens se plaignent de moi aujourd’hui alors que mes successeurs feront pire».

Sur ce point, le putschiste multirécidiviste n’a pas eu tort puisque notre pays ne cesse de tomber de Charybde en Scylla. Outre la mauvaise gouvernance et le pillage systématique de nos maigres ressources au profit de quelques dignitaires des régimes politiques successifs devenus en peu de temps multimilliardaires, les complots, les accusations de tentatives de coups d’État imaginaires, les morts suspectes et autres assassinats jamais élucidés se sont succédé sans jamais s’interrompre durant ces presque 20 dernières années. Mais, depuis le retour au pouvoir en 2016 du putschiste multirécidiviste par le moyen de la fraude électorale orchestrée par son compère M. Hamada Madi Boléro, alors Directeur de Cabinet du Président Ikililou Dhoinine, tous ces fléaux ont atteint des proportions inégalées. Cette prédiction citée en liminaire n’était-elle pas une annonce prémonitoire de l’avènement de son deuxième règne encore plus catastrophique que son premier? En effet, Assoumani Azali II est encore pire qu’Assoumani Azali I.

Assoumani Azali Boinahéri ne se contente pas d’affamer le Peuple et de piétiner toutes les lois et les institutions de la République; il se sert également de la terreur comme moyen pour étouffer toutes les voix discordantes. C’est ainsi qu’en l’espace de deux ans, les accusations fallacieuses de complots se sont multipliées. Face au scepticisme et à la défiance du Peuple, la dictature a mis en place tous les dispositifs de propagande dignes des régimes staliniens pour tenter de nous prouver la véracité de ces prétendus complots contre la sûreté de l’Etat.

Mais, au préalable, comme pour encore plus terroriser la population, quelques jours avant le début de ces simulacres de procès, un massacre a été perpétré dans la noble ville d’Iconi, 40 ans après la tragédie du 18 mars 1978 perpétré par feu le Président Ali Soilihi. Ce massacre a fauché la vie du jeune capitaine de notre équipe de Basket-ball, feu M. Hamada Ismaïla alias Gazon (paix à son âme) et blessé grièvement dix autres dont certains seront handicapés à vie. Pour ajouter l’insulte à l’injure, le Directeur de Cabinet du Président chargé de la Défense n’a pas hésité à déclarer sur RFI qu’il n’y avait pas eu de bavures. Aucune sanction n’a donc été prise contre les auteurs de ces crimes. Pis, 20 jours après ce drame, dans son arrogance habituelle M. Assoumani Azali Boinahéri n’a pas daigné s’exprimer sur ce sujet et encore moins présenter ses condoléances ou rendre visite aux familles des victimes.

Ces «procès» censés être complexes ont été expédiés en une semaine. Pourquoi ont-ils laissé auprès de la majorité de nos concitoyens un goût amer d’une parodie judiciaire tragi-comique destinée à envoyer des innocents en prison et à broyer des vies et des familles?

N’étant pas juriste, je m’abstiendrais de rentrer dans le débat sur la légalité ou non de cette Cour de Sûreté de l’État. L’ensemble des avocats s’est déjà exprimé sur ce sujet en la condamnant. Néanmoins, en tant que citoyen je ne peux que déplorer la ressuscitation de ce symbole du régime féodalo-mercenarial du couple Ahmed Abdallah Abderemane-Bob Denard. Cette juridiction politique d’exception qui juge en premier et en dernier ressort, donc sans possibilité de recours en appel, a été abolie dans tous les pays civilisés. Probablement qu’au pays de «l’émergence» verbale, où la sonorité des mots suffit à créer l’illusion de la pensée, les autorités nous jugent pas encore assez civilisés. C’est pourquoi le ministre de la Justice, M. Mohamed Housseini, s’est permis, lors de sa dernière conférence de presse, de féliciter le «bon travail» accompli par les militaires, les gendarmes et les policiers… après les témoignages de tortures ignominieuses subies par les prévenus et présumés innocents avec à la clé: arrachage de dents avec une pince, immersion dans des seaux d’urine, etc.

La caractéristique commune de tous ces procès a été l’incapacité de cette Cour de la honte dirigée par le Commissaire de la République Mohamed Abdou et son comparse Nourdine Abodo à nous fournir des preuves probantes et définitives reliant les prévenus aux actes qui leur sont reprochés. Pour illustrer ce fait, je prendrai le cas du procès le plus emblématique, celui de la prétendue tentative de coup d’État pour lequel les prévenus ont pris les sanctions les plus lourdes allant de 3 ans à la prison à vie avec, de surcroît, la condamnation infamante de travaux forcés à perpétuité.

À la lecture du verdict, en introduction, M. Mohamed Abdou alias M. «Cheville de la main», d’un ton hésitant trahissant sa lâcheté, a déclaré dans un français approximatif: «Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard de M. Ibrahim Djaé alias Galax et M. Mohamed Moussa (tous les deux militaires) contradictoirement a signifié à l’endroit de M Saïd Ahmed Saïd Tourqui (SAST), M. Bahassane Ahmed Saïd, M. Fayçal Abdoussalam, M. Aliane Halifa, M. Inoussa Mzé et Mme Sitti Nourou Saïd Tourqui; par défaut à l’égard de Djaffar Ahmed Saïd en matière criminelle et correctionnelle et en dernier ressort… ».

Le mot «contradictoirement» a été cité deux fois. Où a-t-il assisté à un débat contradictoire ? Les mots, ont-ils encore un sens?

Durant cette sinistre journée du samedi 15 décembre, nous avons tous suivi en direct le témoignage à charge, truffé d’incohérences et d’absurdités d’un dénommé Galax, principalement contre l’écrivain SAST.

Son récit romanesque commence par un passage de SAST chez lui à La coulée, le dimanche 29 juillet 2018 à 15 heures 36. Cinq mois après, ce Monsieur se rappelle de l’heure exacte, à la minute près… Et pourtant, plus tard au cours de son audition il demandera à porter des lunettes car affirmera-t-il, à cause de l’âge il commence à perdre et la vue et la mémoire (sic).

Quelques jours après, SAST serait repassé chez lui pour lui parler de son prétendu projet d’assassiner le Président Assoumani Azali Boinahéri, son ministre de l’Intérieur, le secrétaire général du gouvernement et le Président de la Cour suprême. SAST lui aurait demandé de recruter d’autres personnes pour exécuter ce plan.

Et pourtant, lors des premiers témoignages le Président ne faisait pas partie de cette liste des personnalités visées. À sa place, on retrouvait tantôt son baby-sitter, le ministre des Finances et du Budget Saïd Ali Saïd Chayhane, tantôt le Chef d’État-Major, le Colonel Youssoufa Idjihadi. Cette anomalie n’avait cessé d’étonner et de susciter la risée générale. Puisqu’il est inconcevable de perpétrer un putsch sans envisager la neutralisation préalable du Chef de l’État. Est-ce la raison pour laquelle il a été demandé à Galax de modifier son témoignage pour tenter de le rendre moins invraisemblable?

Le 1er août à 9 heures 30, SAST serait repassé chez lui. Galax a exigé 30 millions de francs comoriens en deux tranches (15 avant la mission et 15 après). Ce militaire, prétendant qu’il n’avait pas d’armes, aurait demandé à SAST, l’écrivain, de lui en fournir. C’est ainsi que ce dernier lui aurait remis un Pistolet Automatique MAB p15 (à 15 balles de 9 mm) tout rouillé qui a nécessité 3 jours de nettoyage. Le 3 août, SAST lui aurait remis 12 balles de 9 mm.

Galax a déclaré avoir pris la résolution de piéger SAST depuis qu’il lui aurait fait part de sa prétendue volonté d’assassiner les personnalités politiques citées ci-dessus. Normalement, à partir de ce moment, il devait être méticuleux pour noter les dates et les horaires des prétendues rencontres, amasser les preuves, prendre des photos, etc. Mais curieusement, c’est le contraire qui s’est produit. C’est depuis qu’il a décidé de tendre un guet-apens à SAST que sa narration est devenue approximative, en se trompant de dates et d’horaires. Tout cela, noyé dans un discours confus et incohérent. Par exemple, il a prétendu que le 2 août vers 21 heures, SAST lui aurait proposé de lui remettre 3 millions de francs comoriens mais qu’il ne les a pas acceptés. Et pourtant, c’était l’occasion pour lui de recueillir une pièce à conviction. Il a prétendu avoir acheté un enregistreur mp3 dans le but de recueillir les «aveux» de SAST. Ces enregistrements auraient duré deux jours, le 6 et le 7 août. Ce qui n’a pas manqué d’étonner M. le Commissaire de la République. Puisque dans un furtif moment de lucidité, ce dernier a fait remarquer à son témoin qu’il avait affirmé auparavant n’avoir pas rencontré SAST durant ces deux jours en question, c’est-à-dire le 6 et le 7 août. Le public attendait avec impatience la diffusion de ces fameux soi-disant enregistrements, en vain. Un magistrat ne craignant pas le ridicule osera affirmer, sans rire, qu’ils se trouvent gravés sur un CD mais que cela nécessite des spécialistes en haute technologie pour nous faire écouter… de simples fichiers mp3.

Jusqu’à quand ce régime dictatorial va-t-il continuer à insulter notre intelligence?

Pour résumer, SAST a été accusé d’avoir voulu perpétrer un coup d’État à l’aide d’un Pistolet Automatique MAB p15 tout rouillé, qui plus est, ne lui appartenant pas, puisqu’il a toujours nié en être le propriétaire. En aucun moment, son accusateur, à qui il revient la charge de la preuve, n’a pu démontrer que ce PA lui a été effectivement remis par SAST.

Toutes les accusations reposent donc sur les témoignages de deux escrocs notoires. Non seulement ils ne sont pas authentiques, l’enquête n’ayant jamais eu connaissance de ces témoignages (d’ailleurs les avocats de la défense n’ont pas eu accès à beaucoup d’éléments) mais ils ne peuvent constituer un élément caractérisant le prétendu complot.

Pour ce qui est de ces deux personnages, la chancellerie de Kandaani dispose d’énormes dossiers sur eux. Entre vols, détournement de matériel, mensonges, délits de calomnies, manipulations, escroqueries, tout y est. Ces deux sinistres individus subissent régulièrement des sanctions disciplinaires à cause de leurs mauvais comportements. Galax, fier fils spirituel de Bob Denard, a été de tous les coups foireux, au sein de l’Armée. Mohamed Moussa est une petite frappe qui a eu maille à partir avec tous ses chefs, même celui qui aujourd’hui l’encense, le Colonel Youssoufa Idjihadi, puisque ce dernier l’avait viré pour vols et mensonges.

La Loi protège la pensée. La pensée est libre et aucune loi ne peut la réprimer. Même si à travers des écrits, des aveux, des propos tenus, un projet de complot est stable jusqu’à l’évidence. Il n’y a rien de répréhensible au niveau de la Loi, tant que cette pensée ne se transforme pas en acte.

Si le seul fait de souhaiter la fin de ce cauchemar qui dure depuis deux ans constitue une infraction, alors il faudrait construire au pays de «l’émergence» verbale des milliers de prisons prêtes à accueillir l’ensemble des Comoriens. Car c’est tout le monde qui a hâte que ce moment advienne le plus rapidement possible.

Si notre pays compte des centaines de milliers de putschistes virtuels, le seul putschiste effectif multirécidiviste connu est M. Assoumani Azali Boinahéri. Dans un pays autre que les Comores, il n’aurait jamais pu commettre ses crimes car il aurait été emprisonné à vie dès 1995 pour haute trahison lorsqu’en tant que Chef d’État-Major, il a trahi la Nation et l’Armée en allant se cacher sous les tables de l’Ambassade de France. En prison, il y aurait rejoint un autre traître à la Nation, le dénommé Galax, ce collaborateur de l’affreux Bob Denard lors du fameux putsch de 1995.

Outre ces crimes contre l’État, il y a presque 20 ans, à la suite d’un rendez-vous nocturne à l’hôtel Galawa Beach, M. Assoumani Azali Boinahéri a brisé une famille et l’espoir d’un grand nombre de Comoriens. Combien d’autres familles va-t-il encore briser? Pendant combien de temps va-t-il continuer à humilier et à faire souffrir notre Peuple?

En 1989, un Président qui se croyait tout aussi puissant a cherché à pérenniser sa famille au pouvoir en imposant son fils aîné comme successeur au moyen d’un tripatouillage de notre Constitution. Dans le cadre de la campagne référendaire, l’Opposition a tenu son dernier grand meeting à la place Badjanani à Moroni, le vendredi 3 novembre 1989. Durant son discours, mon défunt père Si Mohammed Naçr-Ed-Dine a tenté en vain d’interpeller, avec courtoisie, la conscience du Président Ahmed Abdallah Abderemane en déclarant: «Qui rend impossibles les conditions d’un changement pacifique, rend inévitable le changement par la force». Nous savons tous ce qui s’est malheureusement passé trois semaines après…

Avec tout le respect que je dois à notre Président actuel à cause de la haute fonction qu’il occupe temporairement, je me permets à mon tour de l’inviter à méditer sur cette citation.

Par M. Barakat Naçr-Ed-Dine

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© www.lemohelien.com – Lundi 31 décembre 2018.


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