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La Première Dame offre le cola à l’île de Mohéli

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Elle a choisi: ça sera donc le Gouvernorat de Mohéli

Par ARM

   Ayant fait ses études supérieures au Congo-Brazzaville, la Première Dame des Comores connaît-elle par cœur la valeur des symboles en Afrique au point d’avoir décidé de faire les choses dans le plus grand respect des symboles en question? On pourrait le penser. En effet, à Brazzaville, dans les autres villes et villages du Congo, mais aussi dans d’autres villes et villages d’Afrique subsaharienne, en cas de fiançailles, le jeune et beau prétendant dépêche une personne ayant le goût des superlatifs laudateurs et dotée d’une belle voix dans la famille de l’heureuse élue sur laquelle il a braqué ses jumelles sentimentales pour aller chanter ses louanges de la voix la plus mielleuse et avec les mots les mieux choisis, mais sans aller plus loin. On ne précipite pas ces choses-là. Un deuxième plénipotentiaire ira expliquer les choses après, mais après passé beaucoup de temps à louer les mérites et qualités du prétendant. Dans la tradition africaine, on ne parle jamais pour soi-même. On demande aux autres de le faire. Et quand les émissaires et griots arrivent à accomplir leur mission auprès de la famille de la future fiancée, on peut envisager la suite des opérations. Et c’est seulement en ce moment-là que, en signe de respect et d’amitié envers la famille de la future promise, la famille du prétendant offrira le petit cola (photo) à la famille de l’heureuse élue. Le petit cola est une sorte de cadeau de fiançailles. Donc, pour l’instant, ce sont les partisans de la Première Dame qui sont sur le terrain, et cette dernière n’a pas encore pris la parole pour dire certaines choses aux Mohéliens.

   On a l’impression que pour faire ses premiers pas en politique de manière indépendante, l’ancienne Brazzavilloise a respecté à la lettre la tradition du petit cola. On a l’impression que ses partisans sont partis offrir le petit cola à l’île de Mohéli au nom de leur championne. En tout cas, c’est la fin d’un suspens qui tenait en haleine tout un pays, bien au-delà de Mohéli: «Ira-t-elle à la Vice-présidence de la République ou au Gouvernorat de Mohéli?». Finalement, trois choses ont décidé la Première Dame à opter pour le Gouvernorat de Mohéli au lieu de la Vice-présidence. Premièrement, les élites et la population mohéliennes ont fini par comprendre que Mohéli n’a plus à sa tête une personnalité d’envergure depuis longtemps pour s’occuper d’elle, laissant l’île dans un état d’abandon et entre certaines mains, pas les meilleures qu’on puisse espérer pour engager l’île dans une dynamique de développement économique et social. Deuxièmement, le Président Ikililou Dhoinine n’a aucune envie de s’ennuyer à mort à Moroni, en jouant au «Vice-président consort». Troisièmement, une délégation mohélienne est allée à Moroni et a tenu le discours suivant à la Première Dame des Comores: «Mohéli n’est plus Mohéli. Mohéli a perdu sa fierté, sa dignité, sa personnalité, son visage, son cœur et son âme. Ça ne peut pas continuer comme ça. Mohéli veut et doit retrouver sa fierté, sa dignité, sa personnalité, son visage, son cœur et son âme. Mohéli veut une personnalité d’envergure. Nous sommes venus te demander d’assumer tes responsabilités parce que ton île a besoin de toi et tu ne peux pas te dérober parce qu’il s’agit de l’appel du devoir patriotique». Le partisan de la Première Dame qui explique le scénario est sérieux comme un Pape et dit que lui-même a joué un rôle très important dans la composition et l’action de la délégation ayant pris l’avion à Mohéli pour la Grande-Comore.

   Or, dans le contexte politique actuel, aller tenir ce petit discours devant la Première Dame, c’est prêcher un convaincu, par exemple, en apprenant à un bon Musulman l’importance des cinq piliers de l’Islam. Bon, pour la forme, la Première Dame a parlé de fatigue, du besoin de se consacrer uniquement à sa famille, invoquant le stress de la vie politique à un certain niveau, etc. Ça aussi, elle l’a appris à Brazzaville: ne jamais se jeter sur une offre dès sa première formulation; on fait comme si on n’y a jamais pensé et qu’on n’est pas intéressé. On demande un temps de réflexion, notamment pour «consulter la famille et les proches». On fait tout pour montrer qu’on n’est pas vraiment intéressé par l’offre ainsi faite. Il faut respecter les fameux symboles. Mais, après avoir «refusé», et après avoir fait semblant de «réfléchir», la Première Dame a fini par accepter la proposition «sous la pression», «parce qu’il aurait inconvenant de ne pas tenir compte de la sincérité et de la demande si gentiment formulée par des gens venus spécialement de Mohéli. Il n’aurait pas été correct de refuser. Ça aurait déçu. En plus, ce n’était pas une délégation composée uniquement de jeunes, mais même des gens d’un certain âge. Les Mohéliens n’auraient jamais compris le refus qui leur serait opposé à la suite d’une telle démarche. Des fois, il faut savoir se sacrifier pour le bien de son île et de son pays, de manière générale».

   Alors, il appartient maintenant à la Première Dame d’aller au charbon et d’agir avec beaucoup de prudence parce que le terrain politique à Mohéli est transformée en dynamite. C’est une question de personne et non de femme. À Mohéli, personne ne parlera de candidature féminine. Les Mohéliens ont dépassé ces choses-là depuis longtemps. Il faudra signaler, d’ailleurs, que sur le plan sociologue, il est facile de constater que «[…] les femmes de Mayotte, un peu comme celles de Mohéli, sont très émancipées, pour ne pas parler de matriarcat»: Hervé Chagnoux et Ali Haribou: Les Comores, PUF, Collection «Que sais-je?», 2ème édition, Paris, 1990, p. 56.

   Depuis des années, les combats politiques à Mohéli ont toujours été une affaire de femmes, et cela a été accentué sous la présidence d’Ahmed Abdallah Abderemane (1978-1989). À cette époque, les hommes se taisaient et se cachaient, pendant que les femmes manifestaient dans la rue et affrontaient les mercenaires arrivés à Mohéli pour transférer de force, à Domoni, Anjouan, un matériel chirurgical livré à Mohéli par le Koweït. Le Gouverneur Ahmed Mattoir disait ne pas comprendre pourquoi, en plus, les épouses des autorités en place étaient les plus engagées dans la bataille politique contre les manœuvres du régime politique qui accordait une large place à leurs chers maris. De même, quand, en 2010, Ahmed Sambi refusait d’organiser l’élection présidentielle devant permettre à un Mohélien de diriger les Comores, il y avait autant de femmes que d’hommes dans les rues de Mohéli, et ces femmes étaient les premières à en subir les conséquences. Pour rappel, bastonnée à mort par les Forces de l’ordre d’Ahmed Sambi, la Mohélienne Nafissa Abdoulhaffar avait perdu un bébé qu’elle avait tant désiré.

   L’île de Djoumbé Fatima a donné aux Comores leur première femme candidate à une élection présidentielle, en la personne de Mme Zahariat Saïd Ahmed, et c’était en 2010, même si cette pionnière n’avait pas les moyens de faire une campagne électorale offensive, faute du soutien des autres femmes, mais aussi, faute de moyens. Pour l’instant, Mohéli va donner aux Comores sa première candidate à une élection de Gouverneur, en attendant sans doute que la femme de Grande-Comore et sa sœur d’Anjouan fassent preuve d’audace politique pour secouer le poids de la tradition et de l’attentisme. Est-ce que Mohéli va donner aux Comores leur première Gouverneure? C’est l’acceptation du petit cola par les Mohéliens qui aura le dernier mot. L’implication de la femme mohélienne dans la campagne électorale de la Première Dame sera déterminante. Et, il faudra prendre en compte deux autres facteurs: d’une part, Mohamed Saïd Fazul, le Mohélien malin, «est toujours en embuscade» et veut mettre fin à sa longue traversée du désert. Mohamed Saïd Fazul a un électorat plus ou moins structuré à Mohéli et l’entretient, même si parfois, ses alliances politiques alambiquées plongent certains partisans dans le doute. D’autre part, la Première Dame est «comptable» du bilan du régime politique actuel. Elle ne peut pas échapper à cette comptabilité politique, et devra trouver dans le bilan du régime politique actuel des réalisations qui lui permettront de dire aux Mohéliens que «nous avons fait tout ce qui était possible de faire, mais comme il y a tant de choses à faire, tout est prioritaire. En plus, les résultats de certaines réformes ne seront visibles qu’à moyen terme, et parfois à long terme».

   La dernière équation est à Fomboni. Est-ce que la capitale de Mohéli va s’unir autour de la Première Dame, comprenant enfin qu’elle a 60% de l’électorat de l’île, mais n’arrive plus à faire élire l’un des siens, compte tenu de ses divisions, qui favorisent Djoiezi et Nioumachioi, des villes nettement moins peuplées? Et puis, est-ce que, en l’absence d’un leader fédérateur, la ville de Fomboni pourra-t-elle retrouver son unité de jadis, elle qui avait aligné de nombreux candidats à l’élection présidentielle de 2010? Et comme il y aura d’autres candidatures à Fomboni, il faudra savoir combien il y en aura. Pour sa part, Abiamri Mahmoud, Directeur général de Comores Télécom et Contrôleur général de l’UPDC, «le parti cocotte-minute», ira-t-il jusqu’au bout au sujet de ses velléités pour le Gouvernorat de Mohéli en 2016? Il va y avoir du sport à Mohéli…

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Lundi 24 août 2015.


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