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Dictature et appauvrissement: 50 ans d’échec d’«indépendance du drapeau»

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Dictature et appauvrissement: 50 ans d’échec d’«indépendance du drapeau»

Misère de la réflexion et escalade du ridicule dans un pays en nette régression

Par ARM

     William Tubman (1895-1971, Président du Liberia de 1944 à 1971) avait eu ce mot: «Nous, qui n’avons pas eu la chance d’être colonisés…».

     Ce dimanche 6 juillet 2025, les Comores «fêtent» le 50ème anniversaire de leur «indépendance au drapeau». Cette expression sarcastique mais réaliste est de Julius K. Nyerere, ancien Président de la Tanzanie voisine, que personne ne pourra soupçonner «de connivence avec les forces du colonialisme, du néocolonialisme et de l’impérialisme». René Dumont, autre dénonciateur du colonialisme, dans son très «dérangeant» mais prémonitoire livre L’Afrique Noire est mal partie, publié en 1962, quand l’Afrique baignait dans l’euphorie d’indépendances annonciatrices de dictatures et de misère, avait écrit: «Quelques jours auparavant, les paysans de la cuvette congolaise m’avaient dit: “L’indépendance, ce n’est pas pour nous, mais pour les gens de la ville”. En octobre 1961, le maire de Ngonksamba, au Cameroun, déclarait au Premier ministre [Charles] Assalé: “La masse a l’impression que la souveraineté nationale a créé une classe de privilégiés qui se coupe d’elle… Nous tendons vers un pire colonialisme de classe”»: René Dumont: L’Afrique noire est mal partie, édition revue et corrigée, Éditions du Seuil, Collection «Politique», Paris, 1963, p. 5.

     Dans sa très touchante lettre de mars 1986 à son ami René Dumont, Jean Malaurie résume tout l’échec et le drame des indépendances africaines: «L’Histoire contemporaine a montré que ce noble mot de liberté allait servir à masquer, souvent, des dominations claniques implacables, manipulées par des forces extérieures. De jeunes bourgeoisies urbaines et fonctionnariales, méprisantes à l’égard de cette paysannerie dont elles sont issues, prennent cyniquement le relais du néocolonialisme. Inattaquables parce qu’issues de pouvoirs indépendants, ces nouvelles classes possédantes filtrent l’aide au Tiers-monde et la planifient dans le sens de leurs intérêts particuliers. En de nombreux pays africains, l’échec est si patent que les populations rurales – premières et pitoyables victimes des oppressions – en arrivent à silencieusement regretter le temps ancien du colonialisme»: Jean Malaurie: Du danger des idées fausses dans les politiques de développement en Afrique Noire, in René Dumont en collaboration avec Charlotte Paquet: Pour l’Afrique j’accuse. Le Journal d’un agronome au Sahel en voie de destruction, Postface de Michel Rocard, Librairie Plon, Collection «Terre humaine», Paris, 1986, p. 402.

     Les Comores n’échappent à aucune de ces terribles réalités.

1.- Ni État, ni nation, dans une «caricature d’État» dirigée par la dictature, la haine, l’incompétence et la corruption

     Les Comores sont classées dans la catégorie des «décolonisations manquées»: Pierre-François Gonidec et Tran Van Minh: Politique comparée du Tiers Monde. Visages du Tiers Monde et forces politiques, Les Éditions Montchrestien, Paris, 1980, p. 122.

     Elles ont également le triste privilège de faire partie «des caricatures d’États souverains»: «Somalie, Grenade, Panama, Centrafrique, Cambodge, Comores peuvent être donnés en exemple d’entités qui sont ou ont été à certains moments des caricatures d’États souverains»: Monique Chemillier-Gendreau: Humanité et souverainetés. Essai sur la fonction nouvelle du Droit international, Les Éditions La Découverte, Collection «Textes à l’appui», Série «Histoire contemporaine», Paris, 1995, p. 71.

     Les Comores sont détruites par des dirigeants médiocres, incompétents et corrompus, qui considèrent qu’il y a quelque chose à célébrer en 50 ans d’une «indépendance de drapeau», faite d’échecs en série ayant conduit tout un pays dans les bas-fonds de la misère. Selon Atossa Araxia Abrahamian, «après des siècles de misère, d’instabilité politique et de colonisation, l’Union des Comores était pratiquement dépourvue d’identité politique. Le petit archipel formait un pays, mais il aurait pu aussi en former trois, ou n’en former aucun. Ian Walker, chercheur à l’Université d’Oxford, est l’auteur d’un article intitulé “What Came First, the Nation or the State? Political Process in the Comoros Islands” dans lequel il se demande ce qui est apparu en premier aux Comores, la nation ou l’État. Ses conclusions : “Il n’y a pas, à proprement parler, de nation ni d’État aux Comores”»: Atossa Araxia Abrahamian: Citoyennetés à vendre. Enquête sur le marché mondial des passeports, Lux Éditeur, Collection «Futur Proche», Montréal, 2016, pp. 30-31.

     Toujours selon Atossa Araxia Abrahamian, «vues du ciel, les Comores collent à tous les clichés de l’île paradisiaque. L’archipel n’a rien à envier à l’île Maurice, à la Réunion ou aux Seychelles, ces destinations qui attirent des centaines de milliers de touristes chaque année. Pourtant, sur la terre ferme, toute cette beauté naturelle n’a mené les Comores nulle part. Rares sont les gens qui en ont entendu parler, et ceux qui les connaissent ont du mal à croire qu’il s’agisse vraiment d’une nation souveraine. Le seul exploit du pays, c’est la vingtaine de putschs qui y ont été perpétrés par des mercenaires étrangers depuis l’indépendance. L’Union des Comores est même surnommée, dans les milieux internationaux, “Cloud Coup-Coup Land”, une expression qui se moque des nombreux coups d’État irréalistes et absurdes qui y ont lieu. Mais qu’est-ce qui peut bien expliquer le fait que les Comores continuent à se classer parmi les nations les plus pauvres du monde?»: A. Araxia Abrahamian: Citoyennetés à vendre. Enquête sur le marché mondial des passeports, op. cit., p. 24.

     Atossa Araxia Abrahamian cite la source des maux des Comores, un malheur qui s’appelle la négation et la violation du Droit: «Les Comores sont un pays où règnent les hommes, pas les lois. Quiconque peut enfreindre, bafouer et braver toutes les lois qu’il veut, tant et aussi longtemps que l’homme du jour assure ses arrières»: A. Araxia Abrahamian: Citoyennetés à vendre. Enquête sur le marché mondial des passeports, op. cit., p. 36.

     50 ans après l’accession à «l’indépendance de drapeau», le Comorien n’existe toujours pas. Le Mohélien existe, déteste et méprise l’Anjouanais et le Grand-Comorien. L’Anjouanais existe, déteste et méprise le Grand-Comorien et le Mohélien, et ne veut voir que l’Anjouanais à Anjouan, pendant qu’il agresse, détruit tout et tue sur les trois îles voisines. Le Grand-Comorien existe, déteste et méprise le Mohélien et l’Anjouanais. Mais, le Comorien n’a jamais existé. Il est un mythe, une chimère et une utopie. Les Grands-Comoriens et les Anjouanais les plus méprisants, narcissiques, suffisants et arrogants sont très faciles à reconnaître: ils sont ceux qui prétendent avec le plus d’acharnement que «les Comoriens des quatre îles “sœursˮ sont frères». Ils sont très faux-culs. Ils injurient et méprisent les Mahorais et les Mohéliens, qui, eux, les regardent avec mépris, par souci d’équilibre.

     Quant à l’État aux Comores, il ne faut pas rêver. En la matière, il faut partir de l’idée selon laquelle «puisque l’État est aussi un ensemble de services publics dirigés par les pouvoirs publics (gouvernement), la doctrine française soutient qu’il est investi en outre d’une compétence au titre des services publics, aux fins de les organiser, de les faire fonctionner et de les défendre. C’est à Jules Basdevant que reviennent la constatation et la mise en œuvre de ce troisième titre de compétence étatique»: Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Mathias Forteau, Alina Miron et Alain Pellet: Droit international public, 9ème édition, LGDJ, Lextenso, Paris, La Défense, 2022, p. 717.

     Alors, qui peut citer le nom d’un seul service public qui fonctionne aux Comores? Comment peut-on se gargariser d’un titre d’État «indépendant» depuis 50 ans quand on ne peut faire fonctionner aucun service public, laissant la population dans l’abandon?

2.- Après une agonie de 50 ans d’indépendance, les Comores sont restées «un État mort-né», «un pays en voie de destruction», dans la régression

     En 2001, je publiais mon premier livre: Abdelaziz Riziki Mohamed: Comores: Les Institutions d’un État mort-né, L’Harmattan, Paris, 2001 (375 p.). On m’en insulte encore, tout en reconnaissant ma lucidité, mon réaliste et la justesse de mon propos de juriste.

     En Haute-Volta, futur Burkina Faso, René Dumont avait remis au regretté Thomas Sankara un Rapport alarmant, lui signalant que son pays sahélien n’est pas «un pays en voie de développement, mais un pays en voie de destruction»: René Dumont en collaboration avec Charlotte Paquet: Pour l’Afrique, j’accuse, Plon, Paris, 1986, p. 15.

     Les Comores régressent. Pis, elles sont passées de la régression à «la destruction».

     Je quitte Mohéli pour le Maroc le jeudi 25 septembre 1986. L’électricité se développait. L’Allemagne avait doté Miringoni d’une petite centrale hydroélectrique qui fonctionnait très bien tant que les ingénieurs allemands étaient présents. En décembre 1985, j’ai visité cette installation, qui allait être détruite par la haine et l’incompétence criminelle des Comoriens par la suite. À cette époque, les villes et villages dotés d’un réseau d’eau et d’électricité en bénéficiaient 24 heures sur 24. Je retourne aux Comores en août 1992, la situation était restée en l’état. Le 18 octobre 2015, après 23 ans et 1 mois d’absence, j’arrive aux Comores: le peu qu’il y avait avant a disparu, par régression, dans un pays sans eau, ni électricité, ni École, ni Santé publique, ni compagnie aérienne, sauf pour avions tombeaux grimpant sur les arbres, ni, ni…

     Alors, ce dimanche 6 juillet 2025, est-il vraiment digne et décent de «fêter» 50 ans de deuil ou de mener une réflexion sur ce deuil de 50 ans, puisque depuis 50 ans, les Comores sont en deuil? Les Comoriens «célèbrent» leurs dictateurs, bien riches, et «fêtent» leur deuil de 50 ans.

     Les Comoriens survivent grâce à l’argent que les leurs transfèrent de Mayotte et Hexagone.

3.- Pourquoi «fêter» 50 ans de dictatures nées de la fraude électorale et privant tout un peuple de tout droit, de toute liberté?

     On a parlé de «dictateurs africains sortis des urnes»: Martine-Renée Galloy et Marc-Eric Gruenais: Errements des démocraties balbutiantes. Dictateurs africains sortis des urnes, Le Monde diplomatique, Paris, novembre 1997 (Archives, CD-ROM 1954-2011). Aux Comores, les dictateurs pullulent, mais ne sont jamais «sortis des urnes», puisqu’ils n’y sont jamais entrés! Qu’on s’en rende compte: en 50 ans d’une «indépendance de drapeau», les Comores n’ont organisé que trois vrais scrutins présidentiels, et ce, en 1996, 2006 et 2010.

     Or, du point de vue du Droit, et «dans une société moderne, les élections jouent un rôle capital pour que l’on ne puisse pas s’y intéresser. La constatation suffit pour induire qu’à l’instar d’une fondation pour un immeuble, les élections sont indispensables à la mise en place des régimes démocratiques. Comparativement à un immeuble bâti sur une fondation peu solide, un régime politique aurait des difficultés à se consolider s’il est assis sur un hold-up électoral. Il s’écroulerait au moindre contact des intempéries produites par des conditions météorologiques moins clémentes»: Jean-Louis Ésambo Kangashé: Élections en Afrique, un modèle d’importation étrangère ou une voie originale de démocratie, in Frédéric Joël Aïvo et autres: La Constitution béninoise du 11 décembre 1990: un modèle pour l’Afrique? Mélanges en l’honneur de Maurice Ahanhanzo-Glélé, L’Harmattan, Collection «Études africaines», Paris, 2014, p. 441.

     C’est le peuple qui est investi du droit et pouvoir de choisir ses dirigeants: «Le peuple est titulaire du pouvoir souverain au sein de l’État»: Michel Verpeaux: Droit constitutionnel français, 2ème édition, PUF, Collection «Droit fondamental», Paris, 2015, p. 36.

     Le pouvoir doit être légitime, et la légitimité provient du choix effectué par le peuple, souverain: «En droit, la légitimité s’apprécie à la façon dont le pouvoir a été transmis. Sera considéré comme illégitime le gouvernement qui tiendra son pouvoir d’une investiture irrégulière»: Philippe Ardant et Bertrand Mathieu: Droit constitutionnel et institutions politiques, 27ème édition, LGDJ et Lextenso Éditions, Issy-les-Moulineaux, 2015, p. 161.

     Intéressons-nous aux élections présidentielles des Comores.

     Ali Soilihi (3 août 1975-13 mai 1978) n’a jamais organisé d’élection.

     a.- 22 octobre 1978: Ahmed Abdallah Abderemane, candidat unique, est «élu» à «100%».

     b.- 30 septembre 1984, Ahmed Abdallah Abderemane, candidat unique, est «élu» avec «99,40%» des suffrages.

     c.- Les 4 et 11 mars 1990: Mohamed Taki Abdoulkarim est choisi par le peuple, mais c’est Saïd Mohamed Djohar dit «Papadjo», «émérite pionnier de la gendrocratie» (Le Canard enchaîné, 6 août 1997) qui est «élu», par une fraude électorale reconnue en mai 1992 par son truculent auteur, très en colère contre son poulain.

     d.- Les 6 et 16 mars 1996: Première élection présidentielle démocratique des Comores. Mohamed Taki Abdoulkarim est élu Président, avec 64,29% des suffrages.

     e.- Les 17 mars et 14 avril 2002, le putschiste Assoumani Azali Boinaheri, «candidat unique au second tour», est «élu», «avec 100%» des suffrages.

     f.- Les 16 avril et 14 mai 2006, deuxième élection présidentielle démocratique des Comores: Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est élu à 58,02%, face à deux adversaires.

     g.- Les 4 novembre et 26 décembre 2010, troisième et dernière élection présidentielle démocratique des Comores: Ikililou Dhoinine est élu avec 60,91% des suffrages.

     h.- Les 21 février, 10 avril et 11 mai 2016, Assoumani Azali Boinaheri, éliminé dès le 1er tour, est «élu» par les Mohéliens de Beït-Salam avec «104%» des voix, au 3ème tour!

     i.- Le 24 mars 2019, le dictateur Assoumani Azali Boinaheri s’autoproclame «élu» dès le premier tour, avec «60,77%» des suffrages.

     j.- Le 14 janvier 2024, le dictateur Assoumani Azali Boinaheri s’autoproclame «élu» dès le premier tour avec «57,02» des voix. Il prépare sa relève dynastique par et pour son fils Nour El Fatah.

     Les tyrans Ali Soilihi, Ahmed Abdallah Abderemane et Assoumani Azali Boinaheri ont en commun les assassinats, la violence politique et l’interdiction de tous les droits et libertés.

4.- Mayotte n’est pas «l’île comorienne “sœurˮ de Mayotte» et n’est pas concernée par «l’indépendance de drapeau» des Comores et son 50ème anniversaire

      Les Mahorais sont sereins. Ils ne sont en rien concernés par les beuveries des Comoriens pour le 50ème anniversaire de leur «indépendance de drapeau». À 5 reprises, les 22 décembre 1974, 8 février 1976, 11 avril 1976, 31 juillet 2000 et 29 mars 2009, ils ont affirmé, confirmé et réitéré leur choix du 25 avril 1841, de faire partie de la France. Ils ont entièrement fondé leur choix sur le Droit international, notamment sur la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale de l’ONU du 24 octobre 1970: «La création d’un État souverain et indépendant, la libre association ou l’intégration avec un État indépendant ou l’acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple constituent pour ce peuple des moyens d’exercer son droit à disposer de lui-même». Mayotte est indépendante dans la France.

      En plus, les Comores invoquent le voisinage ou contiguïté pour chercher à coloniser Mayotte, violant le Droit international public: «Le titre de la contiguïté, envisagé comme base de la souveraineté territoriale, n’a aucun fondement en droit international», et «ce principe de la contiguïté n’est pas non plus admissible comme méthode juridique pour le règlement des questions de souveraineté territoriale; car il manque totalement de précision et conduirait, dans son application, à des résultats arbitraires»: Max Huber: Sentence arbitrale rendue le 4 avril 1928 entre les États-Unis et les Pays-Bas, dans le litige relatif à la souveraineté sur l’île de Palmas (ou Miangas), Cour permanente d’Arbitrage: Affaire de l’île de Palmas (ou Miangas), La Haye, le 8 avril 1928, p. 25.

      Oui, les Mahorais sont entièrement sereins et ne sont en rien concernés par la «célébration» du 50ème anniversaire de «l’indépendance de drapeau» des Comores. Mayotte n’a jamais été comorienne. La page de 1912-1975 est une parenthèse définitivement fermée.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Samedi 5 juillet 2025.


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