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«Ni âme, ni sens de l’orgueil national, ni aucun idéal»

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«Ni âme, ni sens de l’orgueil national, ni aucun idéal»

Les indifférents, les tièdes et les lâches, les éternels traîtres

Par ARM

       Le 15 avril 1986, les États-Unis ont bombardé la Libye, qu’ils accusaient d’avoir commis un attentat terroriste à la bombe 10 jours auparavant contre une discothèque de Berlin-Ouest fréquentée par des soldats états-uniens. 60 Libyens furent tués par les bombes du Président Ronald Wilson Reagan. Les dégâts matériels étaient énormes. Du 1er au 6 septembre 1986, se tenait la conférence des Pays Non-alignés à Harare, au Zimbabwe. Le Président libyen Mouammar Kadhafi s’y rendit, et son discours se résuma à ceci: «Je ne suis pas venu assister à une conférence des Non-alignés parce que, dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a pas de Non-alignés. Il y a le camp impérialiste et le camp contre l’impérialiste. Moi, j’ai choisi de lutter contre l’impérialisme, et je suis arrivé à Harare pour saluer les frères révolutionnaires Fidel Castro de Cuba et Daniel Ortega du Nicaragua». Il avait fallu voter une résolution par laquelle les Pays Non-Alignés devaient affirmer leur solidarité avec la Libye…

Ce rejet du non-alignement constitue le cœur palpitant des Comores aujourd’hui: d’une part, il y a le dictateur Assoumani Azali Boinaheri et, d’autre part, ceux qui luttent contre lui, de manière ouverte ou latente. Dans cette logique, toute voie médiane est hypocrite. Il ne peut y avoir de «Non-Alignés» aux Comores aujourd’hui. Sans verser dans le manichéisme radical, soit on est pour la dictature, soit on est contre elle. Or, non seulement certains ne font rien contre la dictature, même de façon cachée, pendant que leur pays est en plein naufrage et en deuil, mais en plus, sont contre ceux qui se battent contre la dictature au péril de leur vie, de leur liberté et de leur présence sur leur île d’origine. Dans cette hypocrisie, les plus nocifs sont sans aucun doute les hypocrites, qui prétendent lutter contre la dictature et qui la soutiennent.

Dans sa lettre du 23 juin 1969 à son épouse Winnie, le prisonnier Nelson Mandela avait écrit des mots qui interpellent les indifférents, les lâches, les tièdes et les hypocrites même des Comores: «Les désastres arrivent et s’en vont, laissant toujours leurs victimes soit complètement brisées, soit renforcées et plus expérimentées, capables de faire face à une nouvelle vague de défis. C’est précisément dans le moment présent qu’on doit se souvenir que l’espoir est une arme puissante qu’aucun pouvoir sur terre ne peut vous enlever; rien n’est plus précieux que de prendre part à la formation de l’Histoire d’un pays. Les valeurs éternelles de la vie sociale et de la pensée ne peuvent être créées par des gens indifférents ou hostiles aux véritables aspirations d’une nation. Ceux qui n’ont ni âme, ni sens de l’orgueil national, ni aucun idéal ne peuvent supporter l’humiliation ou la défaite. Ils ne peuvent élaborer aucun héritage national, ils ne sont inspirés par aucune mission sacrée et ne peuvent faire naître ni martyrs, ni héros nationaux.

       Aucun nouveau monde ne naîtra grâce à ceux qui se tiennent à distance, les bras croisés; il naîtra grâce à ceux qui sont dans l’arène, dont les vêtements sont déchirés par les tempêtes et dont le corps est mutilé par l’affrontement. L’honneur appartient à ceux qui ne renoncent jamais à la vérité même quand tout semble sombre et menaçant, qui essaient encore et encore, que les insultes et les humiliations ou la défaite ne découragent jamais. Depuis l’aube des temps, l’humanité a respecté et honoré les hommes courageux et honnêtes et des femmes comme toi, ma chérie – une jeune fille ordinaire née dans un village de campagne à peine indiqué sur les cartes, femme d’un kraal [= ensemble de cases et huttes qu’entoure une clôture pour garder le bétail] le plus humble même selon les critères paysans»: Nelson Mandela: Lettres de prison, Édité par Sahm Venter, Préface de Zamaswazi Dlamini-Mandela, Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Jean Guiloineau, Éditions Robert Laffont, Paris, 2018, p. 141.

Les Comores ont perdu leur tradition de lutte. Le militantisme des années 1960-1980 est mort. Les égoïsmes prévalent. Peu sont ceux qui se soucient des Comoriens. Les «élites» se vautrent et s’avachissent dans l’indifférence, la lâcheté, la tiédeur et l’hypocrisie. Si au moins elles pouvaient s’intéresser aux parcours des véritables héros des combats de libération nationale! Le 6 juillet 1975, il n’y a pas eu de libération nationale, mais ce que le Professeur Mario Bettati appelle joliment la transformation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au «droit des mêmes à disposer de leurs peuples». L’oppression et la colonisation de l’intérieur ont toujours été plus vicieuses et virulentes que celles externes et, en tant que Mohélien et fier de l’être, je préfère la domination malgache et française à celle de la Grande-Comore et d’Anjouan. Ceux qui étaient considérés comme des «étrangers» étaient plus respectueux des Mohéliens que ne le sont ceux dont les deux îles sont visibles de Mohéli. J’assumerai à vie cette prise de position.

Par ARM

Le copier-coller a définitivement tué la blogosphère comorienne. Cela étant, il est demandé amicalement aux administrateurs des sites Internet et blogs de ne pas reproduire sur leurs médias l’intégralité des articles du site www.lemohelien.com – Il s’agit d’une propriété intellectuelle.

© www.lemohelien.com – Samedi 9 octobre 2021.


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5 Comments

  • Moufid

    octobre 9, 2021 at 9:37

    Bonjour,
    Je pense qu’il est temps d’admettre enfin que la seule porte de sortie reste la lutte armée. Et cette dernière a besoin d’armes et de munitions. La famine gagne du terrain et l’éthique se fait rare. Soit on munit la population d’armes soit on corrompt les militaires avec de l’argent comme l’a fait l’ennemi. D’ailleurs, ils coûtent pas cher ces soldats.

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    • Bakoum SONKO

      octobre 9, 2021 at 5:13

      Quand l’armée est vassalisée, l’élite corrompue, ce n’est pas un citoyen endormi qui prendra les armes. L’espoir, de mon point de vue, viendrait des hommes et des femmes cultivés et engagés à entrainer le peuple à briser les chaines. Ce n’est que lorsque une conscience citoyenne habitera le comorien que ce dernier prendra les armes contre les injustices. Cela implique, inévitablement, l’engagement des insoumis comoriens à initier une lutte idéologique pouvant entrainer le peuple à un soulèvement populaire et si nécessaire une lutte armée. Dans le cas contraire, seule la loi de la nature nous débarrassera de la dictature.

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