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L’illusion d’un État sans Droit, ni primat de la Constitution

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L’illusion d’un État sans Droit, ni primat de la Constitution

Sans Droit, ni primat de la Constitution, il n’y a que du banabana

Par ARM

       Les Comoriens sont très dégoûtés par les dépenses inconsidérées faites par la dictature de Mitsoudjé pour la prétendue investiture du dictateur Assoumani Azali Boinaheri, qui n’a jamais été élu et qui ne croit qu’à la force physique pour garder le pouvoir et le transmettre un jour à un de ses fils. Les Comoriens devraient pousser leur indignation et leur dégoût plus loin car ils n’ont pas d’État. Il n’y a ni nation, ni État aux Comores.

       Il n’y a pas de nation dans un archipel où personne ne veut vivre avec les habitants des îles voisines, les dirigeants passant leur temps à humilier en public les autres «Comoriens». Comment serait-il possible de parler d’un État aux Comores, un pays où n’existe aucun service public? En Droit public, on présente «le service public comme titre de compétence»: «Puisque l’État est aussi un ensemble de services publics dirigés par les pouvoirs publics (gouvernement), la doctrine française soutient qu’il est investi en outre d’une compétence au titre des services publics, aux fins de les organiser, de les faire fonctionner et de les défendre. C’est à Jules Basdevant que reviennent la constatation et la mise en œuvre de ce troisième titre de compétence étatique»: Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Mathias Forteau, Alina Miron et Alain Pellet: Droit international public, 9ème édition, LGDJ, Lextenso, Paris, La Défense, 2022, p. 717.

       Il n’y a aucun service public aux Comores. Aucun. Rien.

      Mais, il y a pire: le Droit n’existe pas aux Comores. Personne ne s’en soucie. C’est juste un décor. La Constitution n’y est pas la norme suprême. Atossa Araxia Abrahamian a écrit la chose la plus effrayante: «Les Comores sont un pays où règnent les hommes, pas les lois. Quiconque peut enfreindre, bafouer et braver toutes les lois qu’il veut, tant et aussi longtemps que l’homme du jour assure ses arrières». L’auteure précise: «Après des siècles de misère, d’instabilité politique et de colonisation, l’Union des Comores était pratiquement dépourvue d’identité politique. Le petit archipel formait un pays, mais il aurait pu aussi en former trois, ou n’en former aucun. Ian Walker, chercheur à l’Université d’Oxford, est l’auteur d’un article intitulé “What Came First, the Nation or the State? Political Process in the Comoros Islands” dans lequel il se demande ce qui est apparu en premier aux Comores, la nation ou l’État. Ses conclusions: “Il n’y a pas, à proprement parler, de nation ni d’État aux Comores”». La fin de l’analyse est horrible: «Vues du ciel, les Comores collent à tous les clichés de l’île paradisiaque. L’archipel n’a rien à envier à l’île Maurice, à la Réunion ou aux Seychelles, ces destinations qui attirent des centaines de milliers de touristes chaque année. Pourtant, sur la terre ferme, toute cette beauté naturelle n’a mené les Comores nulle part. Rares sont les gens qui en ont entendu parler, et ceux qui les connaissent ont du mal à croire qu’il s’agisse vraiment d’une nation souveraine. Le seul exploit du pays, c’est la vingtaine de putschs qui y ont été perpétrés par des mercenaires étrangers depuis l’indépendance. L’Union des Comores est même surnommée, dans les milieux internationaux, “Cloud Coup-Coup Land”, une expression qui se moque des nombreux coups d’État irréalistes et absurdes qui y ont lieu. Mais qu’est-ce qui peut bien expliquer le fait que les Comores continuent à se classer parmi les nations les plus pauvres du monde?»: Atossa Araxia Abrahamian: Citoyennetés à vendre. Enquête sur le marché mondial des passeports, Lux Éditeur, Collection «Futur Proche», Montréal, 2016, pp. 36, 30-31 et 24.

      Les Comores forment sur leur sol et dans les universités étrangères des milliers d’étudiants, notamment en Droit, à qui on apprend le jour de l’entrée universitaire: «La Loi est générale et impersonnelle», «La Constitution est la norme suprême de l’État». Mais, que voient aux Comores ces étudiants en dehors de la violation du Droit et du rejet du primat de la Constitution? Perdant leurs dernières illusions, ils jurent que leur pays est maudit et qu’il y a rien à faire pour lui: «Même Dieu est fatigué des Comores», a dit un jour mon ami Djamal.

      Ma rupture avec l’opposition comorienne est intervenue quand je lui remis un travail sur les impératifs du retour à la Constitution, en précisant que, compte tenu de la pratique du pays en matière constitutionnelle, il fallait en élaborer une à l’unanimité de la classe politique des trois îles et spécifier qu’aucun article n’était susceptible de révision. J’avais pris pour modèle celle des États-Unis, faisant état de la belle citation du Professeur Daniel Lazare, qui ironise sur cette Loi fondamentale, qui est la plus vieille Constitution écrite du monde, celle d’«un pays qui croit que sa Constitution est presque d’inspiration divine», et «ce document qui a deux cent douze ans est la plus vieille loi fondamentale écrite de la planète et la plus résistante au changement» et favorise une «démocratie en voie de fossilisation»: Daniel Lazare: Une démocratie en voie de fossilisation. Cette pesante Constitution américaine, Le Monde diplomatique, Paris, février 2000 (CD ROM, Archives 1970-2009).

      Suite à mes propositions pour assurer le règne du Droit et le primat de la Constitution, ceux qui avaient dit, dans un premier temps, que mon texte de 17 pages était pertinent, avaient décidé qu’il ne fallait plus me parler. Les injures avaient suivi, et je m’en porte très bien, pendant que les chantres de l’ostracisme pataugent encore dans leur très grandiose et brillant projet d’instaurer leur «Dawla Ya Haki», «État de Droit», aux Comores. Bon courage.

      La solution des Comores passe par le règne du Droit et le primat de la Constitution. En la matière, je maintiens l’idée selon laquelle il est impératif de sacraliser la Constitution comme on le fait aux États-Unis, au lieu de considérer, comme disait jadis le dictateur Ahmed Abdallah Abderemane, que «la Constitution n’est pas le Coran». Quelle bêtise criminelle!

      Le respect dû à la Constitution aux États-Unis est le modèle à suivre parce que «la Constitution fédérale des États-Unis, adoptée le 17 septembre 1787 lors de la Convention de Philadelphie, est sans doute la plus ancienne Constitution en vigueur. […]. [27 amendements au total]. La Constitution fédérale représente, pour les Américains, beaucoup plus que ne peut représenter pour un Français la Constitution française: elle “fait l’objet d’une vénération quasi religieuseˮ (Élisabeth Zoller). Elle est l’acte même de fondation de leur pays, et non seulement la charte politique. La Constitution américaine de plus ne se borne pas à organiser les institutions politiques du pays. Inspirée des idées de l’École du droit naturel et mettant en œuvre l’idée de contrat social, elle fixe solennellement les limites des pouvoirs reconnus aux autorités fédérales, dans leurs rapports avec les États et avec les citoyens. On est en présence d’une “souveraineté diviséeˮ»: René David, Camille Jauffret-Spinosi et Marie Goré: Les grands systèmes de droit contemporain, 12ème édition, Les Éditions Dalloz, Collection «Précis», Paris, 2016, p. 360.

      Le malheur des Comores et des autres «Républiquettes» bananières africaines provient du fait qu’au lieu d’appliquer la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution, on fait régner le deuil permanent que mon amie Anne-Marie Koffi Kouadio Bla de Côte-d’Ivoire appelle «des arrangements politiques sur la Loi fondamentale» et «La controverse sur le rapport entre la Constitution et les arrangements politiques»: Anne-Marie Koffi Kouadio Bla: La Côte-d’Ivoire en crise face au Droit international, Préface de Djedjro Francisco Melèdje, Les Éditions L’Harmattan, Collection «Études africaines», Paris, 2013, pp. 129 et 130.

      Se réunir et solliciter l’aide de la communauté internationale pour l’application d’un seul article de la Constitution sont la pire chose pouvant arriver aux Comores et aux autres «Républiquettes» bananières d’Afrique. C’est honteux et dégradant. Ce n’est pas bien.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Dimanche 19 mai 2024.


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