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Le 13 mai 1978, il y a 46 ans, la folie utopiste d’Ali Soilihi tombait

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Le 13 mai 1978, il y a 46 ans, la folie utopiste d’Ali Soilihi tombait

À Mohéli, la joie n’a été arrêtée que par la nouvelle folie dictatoriale

Par ARM

       C’est comme si cela s’était produit ce matin. Le jour se lève. Radio Comores n’émet aucun son. Puis, elle se mit à émettre. Il était question d’Abbas Djoussouf et d’autres qui devaient se retrouver à Moroni. Or, «Abbass Djoussouf et d’autres» étaient considérés comme les pires ennemis de la prétendue «Révolution», accusés de putschisme, condamnés à mort par les prétendus «Révolutionnaires», sans procès, et jetés dans des citernes où ils attendaient passivement la mort, en compagnie des rats, cancrelats et cafards. Tout de suite, on parla de «coup d’État». Nous partîmes vite aux champs chercher mon oncle. Ce dernier détestait le régime politique inutilement violent, répressif et sanguinaire d’Ali Soilihi, qui, après le 28 octobre 1977, avait emprisonné et déporté sans motif son fils de 16 ans, empêchait les Mohéliens de se parler dans la rue, d’aller à la mosquée, d’être dehors après 18 heures, d’être éveillés à l’intérieur au-delà de 18 heures, d’éclairer leurs maisons, d’écouter la radio, de rouler en voiture, d’aller d’un village à un autre, d’aller sur les autres îles, pendant que le sinistre Commando Moissi, spécialement venu de Moroni, uniquement composé de Grands-Comoriens, les persécutait, les torturait, les battait, les injuriait et faisait tout pour leur priver de vie et de liberté. Mon oncle avait une lubie bien connue et très réussie: il détournait toutes les chansons «révolutionnaires» contre «la Révolution» et donc, contre Ali Soilihi lui-même.

       Pourquoi tout balança dans l’horreur à Mohéli le 28 octobre 1977? À cette date, Ali Soilihi avait organisé un scrutin pour que les Comoriens choisissent entre lui et le «Badala», «Le Remplaçant». Malgré la fraude électorale, il s’avéra que 97% des Mohéliens avaient choisi «Le Replaçant» sans nom, ni visage: «Ce qui signifie que de nombreux villages ne votèrent pas. L’île même de Mohéli refusa la manipulation électorale d’Ali Soilih et ne lui accorda que 3% des voix. Bien difficilement on bourra les urnes. Par vengeance, le chef d’État révolutionnaire interdit toute circulation dans l’île pendant quinze jours entiers, puis y envoya ses commandos. Pendant six mois Mohéli subit la terreur Mapindrouzi […]»: Jean Charpantier: Le régime d’Ali Soilih, Moroni, 1975-1978. Analyse structurelle, 3ème partie, Le Mois en Afrique n°223-224, août-septembre 1984, p. 31.

       Pis, «la révolte de Mohéli ne fait l’objet d’aucune mention dans les agences de presse. Pourtant, après le vote du référendum, l’île se met en état de contestation totale à l’égard du pouvoir central et des comités […]. Il fait envoyer un détachement de l’armée à Nioumachoua le 28 décembre 1977 pour rétablir l’autorité. La répression sera sévère: au moins une centaine de récalcitrants seront déportés dans le Sud de la Grande-Comore et le vice-président Mohamed Hassanaly coupable de sympathie pour ses concitoyens est mis en résidence surveillée dans sa maison de Mrodjou»: Emmanuel Vérin: Les Comores dans la tourmente: vie politique de l’archipel, de la crise de 1975 jusqu’au coup d’État de 1978, Annuaire des Pays de l’océan Indien (APOI), volume X, 1984-1985, publié en 1989, p. 86.

       Oui, les Mohéliens étaient en train de mourir, et personne ne parlait d’eux. «Qu’ils meurent tous! Ce ne sont que des Mohéliens!». C’est depuis cette tragédie que les Mohéliens ne disent qu’une seule chose aux Grands-Comoriens et aux Anjouanais: «Namouri Malidzé!», «Achevez-nous», «Exterminez-nous!». Ils ont raison, les Mohéliens. «Namouri Malidzé!».

       Je vois encore les Mohéliens chanter, danser et… se venger, le 13 mai 1978 et les jours suivants. Je vois encore mon père pleurer chaque fois qu’il voyait l’un des jeunes Mohéliens, dont certains n’avaient pas encore 17 ans, arrivant de la déportation en Grande-Comore, où ils avaient été emprisonnés sans avoir appris un jour pourquoi ils avaient été emprisonnés d’abord sur leur île pendant des mois, avant de partir au bagne en Grande-Comore. Ali Soilihi avait entrepris de décapiter la jeunesse et la classe politique de Mohéli. Il décapitait Mohéli.

       Le vendredi 12 mai 1978, un chef «révolutionnaire» de Djoiezi avait claironné sur la chaire de la mosquée de Djoiezi: «Notre Révolution a un début mais pas une fin. Vous croyez qu’Ahmed Abdallah va venir faire un coup d’État. Détrompez-vous. Il a mangé tellement de pain là-bas qu’il a le ventre ballonné et vous a oubliés». Le samedi 13 mai 1978, notre prêcheur improvisé des mosquées subit les pires humiliations et passa sa première nuit en prison. Il allait y rester des mois sans avoir été présenté à un juge, avant de retourner en force sur la scène sociale et politique le jour même de sa libération, tout de blanc vêtu. Le culot!

       Aujourd’hui, en plein délire révisionniste, il est interdit d’émettre la moindre critique sur Ali Soilihi. C’est bien. C’est même très bien. Seulement, chacun doit balayer devant sa propre porte parce que si les Grands-Comoriens et leurs frères et sœurs d’Anjouan fleurissaient de joie, de bonheur, d’allégresse et de jovialité, eh bien, à Mohéli, ce n’était pas ça. Les Anjouanais et leurs frères et sœurs de Grande-Comore étaient tellement contents de leur frère Ali Soilihi que dès son coup d’État du 3 août 1975, ils fuyaient en direction de Mayotte. Déjà la fuite! Déjà la clandestinité! Ils ont inauguré la traversée clandestine entre Anjouan et Mayotte, et y perdaient la vie, dans le cas de certains, sous les balles des soldats de leur frère Ali Soilihi. Très belle solidarité à deux îles contre Mohéli. «Namouri Malidzé!».

       Les Mohéliens se souviennent du jour où, à Nioumachioi, Boina Hadji et d’autres grandes et honorables personnalités de leur île priaient paisiblement à la mosquée avant d’être envahis par des Grands-Comoriens du Commando Moissi, qui se mirent à les tabasser sauvagement et à les piétiner à coups de godasses. J’ai encore sous mes yeux les pères, les oncles et les grands frères de tous les Mohéliens déchaussés, dénudés du torse, placés sous la menace des armes des Grands-Comoriens du Commando Moissi, saignant de nez et de la bouche, marchant sur une route goudronnée fumant et dégageant de la vapeur, vers le navire qui allait les déposer dans les citernes à rats d’Ali Soilihi. Mon oncle Saïd Hamidi avait été jeté dans un camion militaire, moribond. Personne ne m’a raconté cela; je l’ai vécu personnellement. Je me souviens de tout. Ce fut le début de l’isolement de Mohéli du reste de l’humanité pendant 6 mois.

       Je refuse donc qu’on me présente Ali Soilihi en «génie», en «visionnaire». Il a été incapable d’inscrire dans sa Loi fondamentale du 23 avril 1977 ne serait-ce qu’un seul droit de l’Homme. Il a été incapable d’inscrire le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire dans sa Loi fondamentale, où on ne retrouve que des balivernes et élucubrations pathétiques prétendument révolutionnaires. La construction de ses bâtiments administratifs dits «Moudiria» a été faite sur la base d’une dette extérieure dont le remboursement n’a été obtenu qu’en 2012. Il n’est pas interdit de vanter «les mérites» du «Guide éclairé», mais il n’est pas permis d’empêcher d’autres d’en douter. Pour les Mohéliens, ce «révolutionnaire incapable» (Portrait. Un révolutionnaire incapable, Le Monde, Paris, 16 mai 1978, p. 3.) n’était pas un bon dirigeant, mais un tyran mégalomane et utopiste, un dictateur qui n’avait pas voulu admettre que le développement se fait pour des êtres humains, par des êtres humains et non par des slogans creux et des mots d’ordre verbeux, vaseux et inutiles.

       Nous devons nous poser aujourd’hui une question: pourquoi les Comoriens ont chanté et dansé pour célébrer la chute d’Ali Soilihi le 13 mai 1978, dansé avec les mercenaires qui ont renversé Ali Soilihi, ont accueilli avec joie, le 23 mai, Mohamed Ahmed et Ahmed Abdallah Abderemane en libérateurs, en attendant le dégoût qu’allait provoquer Ahmed Abdallah Abderemane en privant les Comoriens de leurs droits et libertés comme sous Ali Soilihi? Une fois de plus, nous retrouverons la réponse dans le constat fait par le célèbre Avocat Henri Leclerc, pour qui un pénaliste ne pose jamais une question dont il ne connaît déjà la réponse.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Lundi 13 mai 2024.


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