Fille et petites-filles de Djoumbé Fatima à l’École française
Plus de 50 ans avant la naissance de la veuve d’Ali Bazi Selim
Par ARM
Une petite musique venant de la Grande-Comore, et plus particulièrement de Mitsoudjé, nous impose le sinistre mensonge, sans queue, ni tête, ni prouvé par une enquête sur le terrain, selon lequel Mme Hadjira, veuve d’Ali Bazi Selim, serait «la première Comorienne scolarisée à l’École française». Quand, en 2000, une étudiante originaire de Mitsoudjé m’a raconté ce mensonge à Rabat, au Maroc, je lui avais dit que c’était faux et ridicule. Le mercredi 5 juin 2024, votre site préféré a publié l’article intitulé «La Princesse Ursule Salima Machamba a été scolarisée dès 1889 – Ce fut bien avant la naissance de Hadjira, veuve d’Ali Bazi Selim».
Par cette publication, il a été expliqué que Laurent Marie Émile Beauchamp, Gouverneur de l’île de la Réunion, dans sa lettre du 30 septembre 1896 au Résident français à Anjouan et au Gouverneur français à Mayotte, avait écrit: «Vous savez sans doute que le Gouverneur de Mayotte, Protecteur des Comores, a envoyé à la Réunion, en novembre 1889, la jeune princesse Ursule Salima Moichindra [sic], reine de Mohéli, par raison de santé et pour parfaire son instruction. Cet avis était donné par la lettre n°165 du 1er novembre 1889, et la jeune personne arrivée ici le 10 ou le 11 du même mois a été placée au pensionnat de l’Immaculée Conception, où elle est encore. Jusqu’ici sa pension a été régulièrement payée, sauf depuis quelques mois, par les soins de l’administration de Mayotte. Elle a aujourd’hui vingt ans, et son éducation est à peu près terminée; il y a donc lieu de songer à la rapatrier prochainement»: Cité par Urbain Faurec: L’archipel aux sultans batailleurs, Imprimerie officielle, Tananarive, 1941, réimpression, PAC, Moroni, 1971, pp. 69-70.
Il était également expliqué que la Princesse Ursule Salima Machamba (Photo), fille de la Reine Djoumbé Fatima Bint Abderemane et de Saïd Hamadi Mkadara, est née à Fomboni, Mohéli, le 1er novembre 1874, et morte le 7 août 1964, à Pesmes. Pierre Vérin a écrit sur elle: «La fille, Salima Machamba, baptisée sous le prénom d’Ursule, fit ses études à la Réunion et ne parut guère désireuse de reprendre son trône. Elle épousa le gendarme Paul et vint en France y finir son existence. C’est elle qui sollicita du général de Gaulle, lors d’un voyage du chef de l’État en Bourgogne, un relèvement de sa pension, faveur que les bureaux ministériels n’eurent pas le temps de lui accorder avant sa mort», le 7 août 1964. «Elle repose aujourd’hui dans le cimetière de Pesmes en Haute-Saône»: Pierre Vérin: Les Comores, Karthala, Collection «Méridiens», Paris, 1994, p. 109.
Or, les enquêtes basées sur les archives françaises signalent que même ses nièces, donc les petites-filles de sa mère, la Reine Djoumbé Fatima, étaient scolarisées à l’École des Sœurs, donc à l’École de la Mission catholique, cette fois à Mayotte. C’est ainsi que, 15 mai 1890, Pierre Louis Clovis Papinaud, Gouverneur de Mayotte et Représentant le Protectorat aux Comores, dans une lettre adressée au Prince Mahmoud, fils de Djoumbé Fatima, Régent de Mohéli, interpelle celui-ci: «J’ai l’honneur de vous confirmer mes lettres des 4 décembre 1889 et 3 février 1890 au sujet des revenus de la Reine de Mohély et des dépenses d’entretien de vos nièces placées chez les Sœurs à Mayotte; vous n’avez pas encore répondu à ces lettres».
C’était au XIXème siècle. Il est donc temps de dire que Mme Hadjira, la veuve d’Ali Bazi Selim n’est pas «la première Comorienne scolarisée à l’École française». Si elle est la première fille de Grande-Comore à avoir été à l’École française, cela doit être précisé ainsi, au lieu de généraliser à un pays composé d’îles diverses un fait contesté même sur sa propre île. Il n’est pas dit ci que la fille et les petites-filles de la Reine Djoumbé Fatima sont les premières Comoriennes scolarisées à l’École française, mais qu’elles l’ont été plus d’un demi-siècle avant Mme Hadjira, la veuve d’Ali Bazi Selim. C’est tout.
Ces descendantes de la Reine Djoumbé Fatima avaient été scolarisées à l’École française, plus précisément à la Mission catholique. La Prince Ursule Fatima Machamba avait été baptisée, et était catholique. C’est justement parce qu’il y avait des conversions au Catholicisme de certains jeunes Comoriens et Comoriennes formés à la Mission catholique que les Comoriens avaient vraiment peur de faire scolariser leurs enfants à «l’École des Blancs», donc à l’École française, réduite «l’École de Mon Père».
Nous souhaitons une très longue vie à Mme Hadjira, la veuve d’Ali Bazi Selim, mais nous savons déjà que, dans 120 ans, quand elle aura fini son existence terrestre, en Grande-Comore, partout, les augures de la fierté insulaire vont claironner qu’elle a été «la première Comorienne scolarisée à l’École française». Une fois de plus, il faudra tourner le regard vers la belle citation de Philippe Decraene, en 1972: «Certes, comme nous l’affirmait un administrateur, “Moroni n’est pas la Grande-Comore et la Grande-Comore elle-même n’est pas l’archipel”»: Philippe Decraene: Les Comores entre l’autonomie et l’indépendance. I.- Morosité à Moroni, Le Monde, Paris, 1er décembre 1972, p. 1.
Par ARM
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