C’est la France qui a permis la réalisation de l’unité politique de la Grande-Comore
Avant, cette île était complètement morcelée, et divisée en douze sultanats en guerres
Par ARM
La petite musique sur l’unité politique des Comores avant la colonisation française permet à certains de danser sur leurs deux pieds. On les félicite et les embrasse sur les deux joues pour leur très belle découverte. C’est très bien, tout ça. Pour autant, leurs prétentions en la matière manquent de sérieux.
1.- Ahmed Abdallah Abderemane, «Père de l’indépendance» des Comores admet que c’est la France qui avait créé l’unité de façade des Comores
Les «bons et vrais Comoriens» sortent de leurs gonds dès qu’ils entendent un chercheur sérieux expliquer, preuves historiques à l’appui, qu’avant la colonisation française, les quatre îles de l’archipel des Comores n’ont jamais été unies politiquement, et constituaient des entités étatiques et politiques séparées, passant leur vie à se faire des guerres meurtrières et destructrices. Qui plus est, chaque île a signé séparément ses accords avec la France sans se référer à un quelconque État comorien, inexistant, dirigé par un chef de l’État comorien, également inexistant. Mayotte devenait une colonie classique dès le 25 avril 1841, pendant que Mohéli, Grande-Comore et Anjouan étaient érigées en protectorats en 1866, soit 45 ans plus tard, avant d’être transformées en colonies comme Mayotte en 1912, donc, 71 ans après.
En la matière, nous pouvons utilement nous intéresser au discours prononcé par Jean Fontaine, Député de la Réunion, à l’Assemblée nationale, lors des débats de la 2ème séance du mercredi 25 juin 1975: «Les trois îles – Grande-Comore, Anjouan et Mohéli – étaient à l’origine des protectorats. Pour la Grande-Comore, cela résulte du traité du 6 janvier 1886, et pour Anjouan et Mohéli, du traité du 26 avril 1886. Ces trois îles devaient devenir des colonies françaises par la loi du 25 juillet 1912 qui, en les rattachant au Gouvernement central de Madagascar, reconnaissait à chacune d’elles sa personnalité. En effet, l’article 1er de cette loi dispose: “Sont déclarées colonies françaises, les îles Grande-Comore, Anjouan et Mohéli”.
En revanche, Mayotte a été achetée par la France sous la forme d’une vente en viager, négociée entre le capitaine de vaisseau Passot et le sultan Andriantsouly, et ratifiée le 10 février 1843 par le roi Louis-Philippe. On affirma à l’époque que cette acquisition avait été effectuée “dans des conditions avantageuses”.
Dès lors, et à partir de février 1843, Mayotte devenait en fait une possession française, une parcelle du patrimoine français.
C’est ainsi que je relève dans l’ordre du jour du capitaine de vaisseau Passot, en date du 14 juin 1843, l’adresse suivante aux soldats et aux artilleurs du troisième régiment d’infanterie de Marine: “Soldats, nous allons arborer le pavillon de France sur Mayotte. À partir de ce moment, cette île va être possession française et ses habitants sujets du roi”. Aujourd’hui, les Mahorais en appellent à la France et à l’engagement qu’elle a souscrit il y a douze ans. Permettez-moi d’ajouter, pour bien montrer le manque de fondement de l’argument unitaire, que le décret du 6 juillet 1897, qui réorganisait l’administration des Comores, précisait dans son article 1er: “L’administration de la colonie de Mayotte, de l’archipel des Glorieuses et des protectorats de Mohéli, de la Grande-Comore et d’Anjouan est conférée à un gouverneur résidant à Mayotte”».
Par ailleurs, nous pouvons poser la question suivante: quelle a été la réponse d’Ahmed Abdallah Abderemane, Président du Conseil de Gouvernement des Comores, le 2 avril 1975, à 17 heures, au Sénat, à la question suivante, posée par la délégation parlementaire ayant séjourné aux Comores du 10 au 23 mars 1975 pour évaluer les conséquences du référendum d’autodétermination des Comores en date du 22 décembre 1974: «La situation juridique de Mayotte, cédée à la France par traité, n’est-elle pas différente de celle des autres îles?»? La réponse du futur «Père de l’indépendance» a été: «C’est la France qui a fondé l’unité du Territoire en faisant des Comores en 1912 une colonie française rattachée à Madagascar, puis en 1946 un Territoire d’outre-mer». C’est très clair en ceci que le «papa de l’indépendance des Comores» reconnaît qu’avant la colonisation française, il n’y a jamais eu de peuple, État et nation des Comores.
Ici, on peut noter ce que Pierre Vérin a écrit: «Sur le patriotisme insulaire qui veut qu’on soit grand-comorien, mohélien, anjouanais ou mahorais avant d’être comorien, on ne peut s’empêcher d’évoquer ce que Gabriel Ferrandécrivait, il y a près d’un siècle: “J’ai résidé à Majunga, le grand port malgache de la côte nord-ouest, pendant une trentaine de mois. La Résidence de France comptait parmi ses ressortissants un grand nombre de Comoriens navigant en cabotage de la côte malgache, l’île Nossi-Bé et les Comores. Dans aucune circonstance, je n’ai entendu ces indigènes se qualifier de Comoriens, ni appeler Comore l’une des quatre îles que nous désignons sous ce nom. Au début de mon séjour, j’employais les termes de île Comore, Grande-Comore: l’interlocuteur ne comprenait pas lorsqu’un patron de navire venait faire viser les papiers du bord à destination d’une des îles que nous appelons Comores, je lui posais la question habituelle: ʻTu te rends aux îles Comores? – Non, répondait le marin, je vais à Ngazidya (Grande-Comore), Inzuani ou Nzuani (Anjouan), Muali (Mohéli) ou Motu (Mayotte)ʼ. Les indigènes de ces quatre îles, qui ne parlent pas notre langue, sont persuadés que Grande-Comore est la traduction française de Ngazidya»: Gabriel Ferrand: Les musulmans à Madagascar et aux îles Comores, E. Leroux, Paris, 1891-1892, 3 volumes, cité par Pierre Vérin: Les Comores, Les Éditions Karthala, Collection «Méridiens», Paris, 1994, p. 5.
2.- La Grande-Comore était composée de douze sultanats en guerres permanentes entre eux
On a l’habitude de parler des «7 Grande-Comore». C’est une déformation particulièrement grave de la réalité historique. En effet, dans l’Histoire, la Grande-Comore était divisée non pas en sept, mais en douze sultanats, comme on le constate à la lumière du tableau suivant.
D’ailleurs, nous lisons sous la plume d’Urbain Faurec: «Bien qu’il assure avoir été très bien reçu dans cette île, Van den Broecke en conserve cependant un assez mauvais souvenir, puisqu’il indique: “La population de Gazizia est rusée et farouche; il y a une dizaine de petits rois qui sont tous en guerre les uns contre les autres; aussi, dans ce pays, est-il bon d’être toujours sur ses gardes”»: Urbain Faurec: L’archipel aux sultans batailleurs, nouvelle édition, Préface de Mansour Kamardine, Les Éditions Sépia, Paris, 2025, p. 124.
En plongeant le regard dans les traités conclus par la France et la Grande-Comore, on remarque que c’est l’Hexagone qui a permis la réalisation de l’unité politique cette île.
Commençons par le traité conclu le 6 janvier 1886 entre la France et le Sultan Tibé de la Grande-Comore. Son article 3 dispose: «Son Altesse voulant en même temps assurer la paix et la tranquillité de son État et éviter les compétitions entre les différents chefs subalternes du territoire, offre de laisser subsister les cinq sultanats existant actuellement savoir:
1° Bambao, 2° Itsandra, 3° Mitsamiouli, 4° Boudé, 5° Badjini, et de conserver, à la tête de chacun, un chef qui portera le titre de sultan et sera placé directement sous l’autorité du Sultan Thibé qui se réserve la direction spéciale du sultanat de Bambao, dont la capitale est Moroni».
Comme les guerres entre les sultanats maintenus en vie continuaient avec le même acharnement meurtrier et destructeur qu’avant la conclusion du traité précité, un nouvel accord a été signé par les mêmes parties en présence, notamment pour ne garder sur la Grande-Comore qu’un seul sultanat et un seul sultan. Il s’agit du traité conclu par la France, le 6 janvier 1892, avec le Sultan de la Grande-Comore. Son article 2 est dénué de toute ambiguïté à cet égard: «Sont également supprimés les sultanats particuliers de Bambao, Itsandra, Mitsamiouli, Boudé et M’Badjini. Le Sultan Saïd Ali régnera seul sur toute la Grande-Comore».
Même après la signature de ce traité, les ravages de la guerre continuaient en Grande-Comore. Dès lors, les masses populaires ont entièrement raison de se poser la plus légitime, la plus logique et la plus sensée des questions: par quel miracle divin venu de l’au-delà et de l’espace extraterrestre une île fracassée en douze sultanats ennemis peut-elle faire partie d’un État unique, d’une nation unique et d’un peuple unique comprenant quatre îles, et surtout quand personne n’a pu citer un jour le nom d’un seul souverain ayant régné sur les quatre îles au même moment? Le jour où quelqu’un citera le nom de ce souverain inexistant, nous admettrons l’existence d’un État, d’une nation et d’un peuple des Comores depuis la Préhistoire.
Nous attendons sereinement la communication de ce nom… inexistant.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Mercredi 18 juin 2025.