Premier cours de Droit à un dictateur ubuesque et têtu
La Loi est générale et impersonnelle, et s’applique erga omnes
Par ARM
En politique, parler n’est pas communiquer. Communiquer est un métier qui s’apprend, et des institutions spécialisées existent pour former les professionnels à la communication. Les avocats en formation ont la chance de bénéficier de séances de prise de parole et de gestion de leur communication, notamment face aux médias. Et si l’ami Zoubeïrou Maïga, un Songhaï (Mali), a consacré un excellent Mémoire de Troisième Cycle au «Marketing politique en Afrique de l’Ouest», il faudra sans doute qu’un étudiant comorien travaille un jour sur la même problématique, mais aux Comores: «Le marketing politique aux Comores». Et si cet étudiant comorien effectue convenablement son travail de recherche, il se rendra compte que l’acteur politique comorien ne connaît pas la valeur de la communication, ne sait pas communiquer, n’organise pas sa communication de manière professionnelle et ne sait même pas ce que signifie un plan de communication. Aux Comores, une certaine tendance à l’exagération conduit les plus paresseux des hommes à attribuer à Ahmed Sambi toutes les vertus en matière de communication, en confondant marketing politique et déroulement d’un catalogue de mensonges démagogiques répétés à satiété et s’appuyant sur un argument circulaire, sans penser aux Comoriens qui analysent son discours de manière intelligente pour en déceler les nombreuses failles et foutaises. Et Ahmed Sambi confond qualité et quantité, produisant la même litanie de mensonges démagogiques à toutes les occasions, mais n’étant écouté que par les crédules, les naïfs, les profiteurs, les mangeurs à tous les râteliers, les pique-assiettes et les faussaires qui bénéficient de ses largesses fondées sur le sang, la sueur, les misères, le deuil et les souffrances des Comoriens.
Quand on analyse professionnellement le discours de l’ancien satrape selon les méthodes de l’analyse du contenu (Méthodes des Sciences sociales), on est effaré par la médiocrité et la vacuité de son discours sous forme de galimatias fondé sur des promesses irréalistes et irréalisables, et on s’interroge sur les raisons objectives qui peuvent pousser objectivement des personnes considérées comme saines de corps et d’esprit à croire au père de tous les échecs et des mensonges les plus vulgaires aux Comores, même après son cuisant fiasco de sa présidence de 2006 à 2011.
Ahmed Sambi aime parler. Il ne peut pas s’empêcher de parler. Parler le fait vivre, et il ne vit que pour parler, toujours dans le vide. Pour lui, tout sujet de société vaut un de ses discours insipides et démagogiques, des discours auxquels ne croient jamais les Comoriens arrivés à un certain niveau d’intellectualité et d’analyse. Le voilà donc propriétaire de la seule organisation politique au monde qui organise son congrès chaque année, le Parti Bidoche. Ce mardi 3 novembre 2015, il était donc en «congrès» et a reconnu implicitement qu’en l’état, la Constitution comorienne ne lui permet pas de présenter sa candidature scélérate à l’élection présidentielle comorienne de 2016. Exagération? Des clous! Pour qu’il puisse être candidat à cette élection qui se tiendra sans lui et qu’aucun de ses supplétifs n’a la chance de remporter, il reconnaît tacitement qu’une révision de la Constitution s’impose. C’est bien lui qui, le mardi 3 novembre 2015, disait devant ses hommes que «nous avons trouvé une solution que nous pensons salvatrice. La Loi peut être modifiée par référendum ou amendement par le Congrès». Aurait-il besoin de «modifier» et «amender» une Constitution qui lui est favorable? Non! Les Comoriens ont bien retenu ce qu’il a dit, quand il a parlé de «modification» et d’«amendement» de la Constitution, estimant donc qu’en l’état, la Constitution s’oppose à ses ambitions et divagations pour la Présidence comorienne en 2016. Parce que, une fois de plus, il faut insister sur le fait que si la Constitution lui permettait ce qu’il voulait, il n’aurait pas invoqué la nécessité de sa «révision» et de son «amendement». Qu’on se le dise!
Un autre passage de son discours insipide et inutile prouve qu’il est bien conscient qu’il ne pourra être autorisé à présenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2016, et c’est la raison pour laquelle il demande à «ses» élus de «sauver le pays» «dans les plus brefs délais» en faisant convoquer le Congrès parce que, dit-il, «n’ouvrir la primaire qu’aux enfants de l’île à laquelle échoit le tour» considéré comme l’élection primaire «va entériner le séparatisme». Comme il est incapable de la moindre analyse politique et juridique même de sa propre parole, il ne sait pas que plus il parle, plus il se torpille lui-même et torpille sa candidature déjà torpillée par la Constitution. Ahmed Sambi, conscient donc de l’inanité de ses prétentions politiciennes démesurées, exige donc que tout le Droit positif comorien, à commencer par la Constitution, norme juridique suprême, soit aboli pour son bon vouloir, afin de lui permettre de devenir Président à mort, réalisant ainsi le rêve qui l’obsède et que seule l’insurrection populaire de 2011 contre son ami en dictature, le libyen Mouammar Kadhafi, a fait avorter. Or, si Ahmed Sambi fréquentait de vrais juristes, ceux-ci lui auraient appris des choses très utiles sur le caractère général et impersonnel de la règle de Droit.
Comme Ahmed Sambi refuse la compagnie des juristes, et comme il serait difficile de le convaincre d’aller acheter des livres d’Introduction à l’étude de Droit, on pourrait tout de même lui suggérer fraternellement de se connecter sur Internet et de se rendre sur la page Wikipédia consacrée au caractère général et impersonnel de la règle de Droit. Cela lui permettra d’apprendre ce qui suit: «La règle de droit est considérée comme générale car elle est appliquée sur tout le territoire national et pour tous les faits qui s’y produisent. On la qualifie d’impersonnelle car elle vaut pour toutes les personnes qui se trouvent ou se trouveront dans une décision objectivement déterminée, et elle définit alors la conduite à tenir dans cette situation. Dans ce sens, elle n’est pas faite pour régler des cas particuliers connus a priori: elle est formulée en termes généraux et ne s’applique aux cas particuliers qu’a posteriori, après comparaison (par exemple par un juge) entre la situation particulière et les termes généraux de la loi. Le caractère impersonnel et général de la règle de droit n’est pas absolu, car si la règle de droit définit toujours une situation précise, elle ne concerne toujours qu’un nombre limité de personnes (par exemple, les lois définissant les droits et devoirs des propriétaires fonciers valent potentiellement pour tous les individus, mais ne concernent, dans les faits, que les individus bénéficiant d’un patrimoine foncier). Ces caractères ne sont pas propres à la règle de droit. Toute mesure qui prétend s’appliquer à un certain nombre d’individus doit nécessairement être générale et impersonnelle. Si une mesure ne concerne qu’une personne déterminée, ce n’est plus une règle, c’est un décret ou une sentence. Les règles morales et religieuses sont aussi générales et impersonnelles».
Pour faire éviter à l’ancien satrape de recherches juridiques auxquelles il n’est pas habitué, il faudra lui signaler qu’«en sa qualité de discours de pouvoir, le droit constitue un mode de régulation sociale. […]. En dehors d’une démarche ironique, on s’accorde généralement sur la définition suivante: le droit est l’ensemble des règles de conduite humaine, édictées et sanctionnées par l’État et destinées à faire régner dans les relations sociales, l’autorité et la liberté. Cette vision débouche sur celle d’un ordre juridique […]»: Jean et Jean-Éric Gicquel: Droit constitutionnel et institutions politiques, Éditions Montchrestien, Collection «Domat – Droit public», 20ème édition, Paris, 2005, p. 17. En d’autres termes, le Droit n’est pas créé pour des besoins personnels d’un individu et par des personnes voulant faire prévaloir leurs intérêts, mais par la collectivité nationale, pour le bien commun. Sans la règle juridique, on est en présence du «chaos» dont Ahmed Sambi menace les Comores en cas d’invalidation de sa candidature à l’élection présidentielle de 2016. La règle de Droit ne peut pas faire l’objet d’une personnalisation et d’une appropriation. Et, elle est assortie de sanctions en cas de violation.
Et comme Ahmed Sambi n’est pas juriste et refuse la fréquentation des vrais juristes, qu’on lui dise qu’«à partir de la fin du XIXème siècle, le privilège de l’interrogation sur la nature de l’État appartiendra essentiellement aux juristes», étant bien noté que l’État «l’État constitue une personne morale d’un type spécial puisque ce que ses fondateurs ont mis à sa disposition lors de sa création, ce n’est pas les capitaux comme dans le cas d’une société, ni leurs efforts comme dans celui d’une association. Ce qu’ils lui ont donné, c’est le pouvoir politique. C’est donc l’institution qui détient le pouvoir politique. L’État, c’est donc l’institution qui détient le pouvoir politique et au nom de qui ce pouvoir s’exerce: “L’État, dira plus tard M. Georges Burdeau, c’est le pouvoir institutionnalisé”»: Bernard Chantebout: Droit constitutionnel et Science politique, 10ème édition, Armand Colin Éditeur, Collection «U – Droit», Paris, 1993, p. 16. «Institution» et «pouvoir institutionnalisé» s’opposent donc à toute idée de démarche individuelle et de désordre. Alors, si Ahmed Sambi veut phagocyter l’État comorien et le Droit, qu’il se donne au moins la peine de se rendre compte que l’idée même d’État et de Droit s’y oppose et que le Droit objectif n’est pas créé pour des besoins et des intérêts liés à un seul individu. L’État et son Droit ne sont pas des champs dans lesquels des individus se promènent pour imposer leurs intérêts mafieux et crapuleux. Les Comores ne vont donc pas modifier leur Constitution pour faire plaisir à Ahmed Sambi, et ce dernier doit se conformer aux règles juridiques régissant l’État aux Comores, au lieu de s’enfermer dans une démarche sans lendemain et qui lui sera fatale.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Vendredi 6 novembre 2015.