Le Député a «fauté» pour avoir tenté de faire de son passeport une affaire d’État
Par ARM
Les autorités comoriennes n’existent que pour leurs fanfaronnades. Et celles-ci les incitent souvent à des incongruités qu’elles-mêmes ne comprennent pas. On le constate à la lumière de la restitution par Maître Fahmi Saïd Ibrahim, du passeport diplomatique qu’on lui avait remis à la lumière en sa qualité d’ancien chef de la diplomatie comorienne. Pour commencer, la lettre qu’il a adressée à l’Ambassadeur des Comores le 6 juin 2015 pour restituer le passeport en question commence par une manipulation de l’opinion publique qui aboutit à une grave faute de conjugaison. Lisons: «La polémique politicienne qui a suivi le rassemblement à Paris courant mai de l’opposition républicaine et la décision annoncée par les plus hautes autorités comoriennes de vouloir retirer les passeports diplomatiques aux détenteurs qui ne sont pas en fonction, m’oblige à vous rendre le mien». C’est très grave parce qu’il y a deux sujets pour un même verbe: d’une part, il y a «La polémique politicienne qui a suivi le rassemblement à Paris courant mai de l’opposition républicaine», premier sujet, et «la décision annoncée par les plus hautes autorités comoriennes de vouloir retirer les passeports diplomatiques aux détenteurs qui ne sont pas en fonction», deuxième sujet, ou pour faire bref, «La polémique politicienne» et «la décision annoncée», et le verbe ne devait pas être «m’oblige», au singulier donc, mais «m’obligent». Ce n’est pas bien d’écrire de telles choses quand on envisage de les publier. Passons… Et puis, il y a la grossière erreur d’interprétation de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, à qui Maître Fahmi Saïd Ibrahim attribue des normes d’attribution des passeports diplomatiques, alors que cette Convention ne parle pas de ces choses-là. Le mot passeport n’existe dans la Convention de Vienne de 1961 que sur deux articles. Article 40 alinéa 1er: «Si l’agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur le territoire d’un État tiers, qui lui a accordé un visa de passeport au cas où ce visa est requis, pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour rentrer dans son pays, l’État tiers lui accordera l’inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires pour permettre son passage ou son retour. Il fera de même pour les membres de sa famille bénéficiant des privilèges et immunités qui accompagnent l’agent diplomatique ou qui voyagent séparément pour le rejoindre ou pour rentrer dans leur pays». Article 40 alinéa 3: «Les États tiers accordent à la correspondance et aux autres communications officielles en transit, y compris les messages en code ou en chiffre, la même liberté et protection que l’État accréditaire. Ils accordent aux courriers diplomatiques, auxquels un visa de passeport a été accordé si ce visa était requis, et aux valises diplomatiques en transit la même inviolabilité et la même protection que l’État accréditaire est tenu de leur accorder».
Or, dans son courrier de restitution du passeport, l’ancien ministre, Président du Parti de l’Entente comorienne et actuel Député de «l’opposition républicaine» prétend avec une singulière imprudence: «Si la Convention de Vienne – qui s’applique erga omnes – ouvre attribution aux anciens chefs d’États, aux anciens Premiers ministres, aux anciens ministres des Affaires étrangères et aux maréchaux, le climat politique qui prévaut et les déclarations multiples ne laissent aucun doute sur les personnalités politiques en réalité visées par ces gesticulations: l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi et moi-même». Déjà, on n’a pas besoin d’écrire «chefs d’États», mais «chefs d’État». En plus, le mot «maréchaux» n’existe pas dans la Convention de Vienne de 1961, sauf s’il s’agit d’une autre Convention de Vienne, car il y en a beaucoup (1961, 1963, 1969, 1980 et 1986), et l’ancien ministre des Relations extérieures aurait été conséquent avec lui-même et pédagogue envers les profanes que nous sommes en nous disant laquelle. Il est nécessaire de préciser que les affaires relatives aux passeports diplomatiques au niveau interne ne sont pas régies par les Conventions internationales, mais par le Droit national, et que chaque État est souverain en la matière, agissant de manière tout à fait discrétionnaire. C’est une affaire nationale et non internationale. Il n’y aura aucune plainte à la Cour internationale de Justice (CIJ) ou à la Cour pénale internationale pour une affaire de passeport diplomatique. Par contre, si un Comorien à qui l’État comorien refuse un passeport ordinaire pour des raisons politiques et purement politiciennes a toutes les raisons du monde de faire un foin d’enfer. C’est son droit parce que les Conventions internationales l’exigent. L’article 15, alinéas 1er et 2, de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme est clair sur le sujet: «Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité», et on doit accorder un passeport aux citoyens de l’État. Et puis, en aucune manière, quand le ministre Houmed Msaïdié fait des déclarations tonitruantes sur cette affaire de passeports diplomatiques, il n’a parlé que d’Ahmed Sambi, sans jamais citer Maître Fahmi Saïd Ibrahim. Et puis, on voit mal Houmed Msaïdié dépêcher des militaires, gendarmes, policiers ou casques bleus à l’Aéroport de Hahaya demander à son ami Fahmi Saïd Ibrahim de rendre son passeport diplomatique. Ça n’aurait aucun sens. Et même pour Ahmed Sambi, le ministre Houmed Msaïdié n’avait pas dit ouvertement qu’il allait lui retirer son passeport diplomatique, mais que la chose était bien envisageable parce que l’ancien Président, muni d’un passeport diplomatique comorien, s’était livré à Madagascar à des actes qui n’étaient pas dignes du document administratif qui lui était délivré par les autorités comoriennes.
En continuant la lecture de la lettre de restitution du passeport diplomatique de Maître Fahmi Saïd Ibrahim, on tombe sur une autre confusion monumentale: «Dans la confusion ainsi opérée à dessein entre passeports diplomatiques et passeports de service, je vous prierais en conséquence de bien vouloir transmettre le passeport par valise diplomatique ainsi que d’assurer sa réception effective». Qu’est-ce à dire? Ça signifie quoi, tout ça? Maître Fahmi Saïd Ibrahim voulait créer l’événement en restituant son passeport diplomatique sans qu’on ne le lui demande. Il l’a fait. Cela suffit. Il n’a pas à dire aux uns et aux autres, encore plus à un vrai diplomate de formation et de carrière qui a plus de 25 ans de métier, ce qu’il y a lieu de faire après. Ça signifie quoi exactement «ainsi que d’assurer sa réception effective»? Littéralement, cela signifie que l’Ambassadeur doit envoyer le passeport diplomatique en cause et aller à Moroni attendre son arrivée et «assurer sa réception effective»? En tout cas, c’est ce que suggère cette phrase parce que, autrement, en bon français, l’ancien ministre des Relations extérieures aurait dû écrire et «vous assurer de sa réception effective». La nuance s’impose. Oui, la nuance s’impose pour que les choses soient claires dans les esprits.
À l’heure qu’il est, les gens se disent: «Mais, avait-il vraiment besoin d’aller faire tout ce boucan sur Facebook alors que c’est de lui-même qu’il est parti déposer son passeport à l’Ambassade des Comores?». Ces gens-là ont entièrement raison parce que cela ne se fait pas. Quand on a le sens de l’État, on s’astreint à une certaine forme de retenue. On évite de faire du brouhaha inutile et démagogique. Et, ce qui est inquiétant, c’est que les acteurs politiques comoriens se comportent mal, mais quand on le signale, ils considèrent qu’on a commis à leur égard un crime de lèse-majesté. Ils n’ont aucune forme de modestie. On se souvient de ce jour de 2014, quand Ahmed Ben Saïd Jaffar, lui aussi ancien ministre des Relations extérieures d’Ahmed Sambi, se savant sur la sellette, s’était couvert de ridicule en présentant au placide Gouverneur Anissi Chamssidine d’Anjouan une «démission-limogeage» sur Facebook! Où dans le monde ces gens-là ont-ils vu que de telles choses se faisaient? Donc, quand les acteurs politiques comoriens se comportent mal, ils doivent admettre qu’ils se comportent mal et que, quand on se comporte mal, on s’expose aux critiques du peuple. Il y a quand même une dernière bévue à signaler. Maître Fahmi Saïd Ibrahim a signé son courrier à l’Ambassadeur des Comores: «Fahmi Saïd Ibrahim, Député à l’Assemblée nationale». Ah oui? Pourtant, il est de notoriété publique que le Parlement des Comores s’appelle «Assemblée de l’Union des Comores» et non «Assemblée nationale». Comoriens et Comoriennes, il y a encore beaucoup de travail à faire, et ce n’est pas demain la veille que le pays sortira de l’auberge. Vive la classe politique comorienne dans toute sa splendeur.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Jeudi 18 juin 2015.
One Comment
Mkolo
juin 19, 2015 at 12:04N’oublies pas que les autorités comoriennes sont semblables à des petits enfants dans une cours de recréation !
Quand on lit cet article , on comprend mieux pourquoi tous ces gens qui prétendent gouverner les Comores à nouveau en 2016 sont les grands incompétents que la terre n’ait jamais connus
Dieu merci que le ridicule ne tue pas !!!!!!!!
Yaridaliya bo madoimana wanatsi yafa wegni