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«L’ensemble du peuple comorien est dans l’opposition»

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«L’ensemble du peuple comorien est dans l’opposition»

Interview explosive et exclusive de Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah

Président du Parti Comores Alternatives (PCA)

     www.lemohelien.com: Quelle est la situation qui prévaut aux Comores aujourd’hui?

     Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: D’abord, je voudrais vous remercier pour la réalisation de cette interview à un moment où les Comores sont complètement ruinées, détruites et par terre.

Pour rappel, les Comores sont indépendantes depuis le 6 juillet 1975. Cette indépendance reste inachevée du fait de l’occupation d’une partie de notre territoire, Mayotte, par la France et de l’absence d’une monnaie nationale comorienne. Les Comores doivent parachever leur indépendance en ayant une monnaie nationale comorienne, en quittant la zone franc, et en réglant la question de Mayotte pour espérer un développement économique et social.

Vous m’interrogez sur la situation actuelle des Comores, un pays très charmant, mais resté pauvre, sans route, ni électricité, ni santé, ni éducation. Le peuple désespère d’un jour à un autre. Les dirigeants, intronisés illégalement, au lieu de lancer une politique de plein-emploi, viennent de licencier plus de 2.800 personnes, et ont augmenté leurs émoluments et leurs indemnités. Depuis son retour au pouvoir, Azali Assoumani n’a jamais résidé aux Comores 15 jours de suite. Cette situation est due l’absence de vision, de courage et de patriotisme des dirigeants comoriens, que nous combattons, mes partisans et moi, au sein de notre formation politique, le Parti Comores Alternatives (PCA). Nos dirigeants continuent à croire que pour réussir dans ce monde cruel et imprévisible, on doit toujours se courber et tendre la main. Ce n’est pas notre vision de ce monde et de la politique, et ce, d’autant plus que les Comores sont dans un trou, et sont étranglées par la misère et la paupérisation continue de la population.

www.lemohelien.com: Dépassés par les événements, qu’ils ne contrôlent pas, et rattrapés par leur propre médiocrité, leur incompétence criminelle et leur corruption malsaine et indécente, les dirigeants actuels mettent les malheurs des Comoriens sur le dos d’Ikililou Dhoinine, Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane. Comment expliquez-vous cela?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je voudrais rappeler que je ne faisais pas partie du gouvernement sous Ikililou Dhoinine, ni de l’UPDC. Certes lors des dernières élections présidentielles, j’ai soutenu de tout cœur Mohamed Ali Soilihi, après le rejet brutal et injuste de ma candidature par la Cour constitutionnelle. Ceci étant rappelé, il faudra noter que les nouveaux dirigeants, absolument malhonnêtes et grotesques, se tirent des balles aux pieds, s’enfermant dans des contradictions qui sautent aux yeux:

  • Ils parlent d’une «situation économique chaotique laissée par l’ancien régime politique», et décrètent une baisse artificielle, fallacieuse et démagogique des prix des carburants et de certains produits alimentaires importés. Si cette politique ne reposait pas sur des mensonges abjects et stupides, cela aurait voulu dire baisse des recettes de l’État dans un pays où les recettes fiscales, selon le FMI, ont représenté 11,1% du PIB en 2015 et seront de 9,6% du PIB en 2016, soit environ 40% du ressources totales. Dans cet état des recettes, et en sachant tous que l’État doit faire des efforts économiques pour réduire les dépenses et augmenter les rentrées d’argent dans ses caisses, il est absurde dans cette situation de décréter les baisses des prix.
  • Par ailleurs, d’un côté, les dirigeants actuels ont licencié plus de 2.800 personnes, et de l’autre, ils augmentent leurs salaires et leurs indemnités. On aurait pu comprendre s’ils avaient licencié pour redresser les finances publiques. Mais, non! Ils ont juste licencié pour remplir leurs poches et recruter leurs partisans. C’est très grave car l’administration a besoin de ces cadres, que l’ancien régime politique arrivait à payer à temps. Donc, Azali Assoumani et ses gens se moquent de qui?
  • Les dirigeants actuels ont augmenté leurs salaires et leurs indemnités, notamment de déplacement, et multiplient les voyages absolument inutiles et budgétivores. Pour citer un exemple, celui à l’ONU en septembre 2016, a coûté aux Comoriens 56.000 euros, soit 28 millions de francs comoriens juste pour les frais d’hôtel, de l’argent transporté dans une mallette, comme cela se fait chez les voyous, qui veulent éviter toute traçabilité. Dans l’ensemble, ce voyage débile a coûté 160.000 euros, soit 80 millions de francs comoriens. Nous devons nous poser une question: que nous a apporté ce déplacement aux États-Unis, en dehors du fait qu’Azali Assoumani et sa bande ont été vus en touristes à New-York?
  • L’équipe d’Ikililou Dhoinine, Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane a des hommes et des femmes valables pour défendre leur bilan. Mais, rappelons des faits économiques laissés par ce régime politique afin que les Comoriens sachent ce qu’il en est. Le régime politique d’Ikililou Dhoinine, Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane a laissé les Comores sans arriérés de salaires, et il faudra demander aux Comoriens ce qu’Azali Assoumani a laissé au pays après 7 ans de règne en 1999-2006. Il avait laissé derrière lui le chaos, le désordre et la destruction. Qui plus est, grâce à la politique de redressement menée habilement et courageusement par Mohamed Ali Soilihi, les Comores sont devenues le premier pays d’Afrique le moins endetté, devant la Centrafrique, la Guinée-Bissau, le Swaziland, le Burundi, le Liberia, la Gambie, le Lesotho, l’Érythrée et le Cap-Vert. Ce sont les 10 pays les moins endettés d’Afrique. Grâce à Mohamed Ali Soilihi, les Comores avaient fait mieux que tous. Alors, quand je vois les dirigeants inconscients actuels «suicider» tout un pays, je reste dubitatif.

     www.lemohelien.com: Pensez que les Comores peuvent se transformer en gardant cette politique scélérate et suicidaire des dirigeants actuels, à un moment où des Comoriens prient dans les mosquées pour leur disparition brusque et violente?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Les Comores peuvent changer et aller de l’avant, mais pas en suivant la voie que suivent les dirigeants d’aujourd’hui, qui sont tous des amateurs haineux et prétentieux. On ne développe pas un pays sans la maîtrise de la monnaie. Pour développer un pays, il faut que les dirigeants aient en main la politique monétaire et budgétaire. Or, depuis l’indépendance, le 6 juillet 1975, notre politique monétaire est décidée par la France hier, et à Francfort, à la Banque centrale européenne (BCE), aujourd’hui. Sans la maîtrise de la politique monétaire, sans avoir une monnaie vraiment comorienne, on ne peut pas lancer une politique de plein-emploi, favoriser la création d’entreprises et stimuler l’épargne.

En 42 ans d’indépendance, notre pays n’a pas une Banque centrale digne de ce nom. Donc, il n’y a pas de banque secondaire comorienne. Cette absence de politique monétaire a entraîné un handicap affectant la politique budgétaire. À force de rester isolée sur le terrain, elle est hypertrophiée, et les dirigeants ont tué le Trésor public, en le vidant de toute substance. Aujourd’hui, aux Comores, ce qu’on appelle Banque centrale, pour duper les Comoriens, est en réalité le représentant local du Trésor public français pour surveiller la monnaie, et est devenu le Trésor public des Comores. Toutes les recettes de l’État sont versées à la Banque centrale et non au Trésor public. Quels sont l’intérêt et le rôle du Trésor public comorien?

Les Comores pourraient faire mieux, mais sans Azali Assoumani, trop narcissique pour tirer les leçons de son naufrage des années 1999-2006. Il n’aidera jamais les Comores. Il n’aura pas un troisième mandat et ne refera pas l’Histoire devant Dieu et les Comoriens.

www.lemohelien.com: Voudrez-vous vous lancer dans la rivalité au sein de l’opposition pour en devenir le leader?

     Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je n’ai aucune ambition en ce qui concerne le leadership de l’opposition. Je veux juste servir mon pays et ses intérêts. Or, il s’avère qu’aujourd’hui, la politique que mènent Azali Assoumani et ses amis ne favorise pas le développement social et économique du pays et ne consolide pas notre unité nationale. C’est inquiétant car le régime politique actuel regroupe en son sein 3 anciens présidents. Les Comores ont aujourd’hui à leur tête les 3 présidents de la présidence tournante depuis 2002. Le peuple continue à désespérer de plus en plus, et son quotidien se dégrade d’un jour à l’autre. Il y a certains hommes et femmes qui préfèrent se taire et soutenir le régime politique afin de ne pas être inquiétés. Le pays va très mal. Le peuple doit s’organiser et se mobiliser afin de faire entendre sa voix. Azali Assoumani, ses hommes et femmes doivent savoir que les Comoriens existent.

www.lemohelien.com: Comme vous avez une grande capacité de proposition, que suggérez-vous aujourd’hui?

Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je reste modeste, contrairement à ces gens du pouvoir actuel qui croient tout savoir. S’ils savaient… Pour autant, je pense que dans ce monde, si on n’a pas eu la chance de s’instruire, on doit observer ceux qui réussissent. Nos dirigeants doivent regarder comment font les autres pays pour sortir progressivement du sous-développement. En Tanzanie, le Président John Pombe Manguful a diminué les salaires des hauts cadres, ne voyage presque jamais à l’étranger, et lutte contre la corruption. Il réduit le train de vie fastueux de l’État. Il investit dans les réformes favorisant le développement de la Tanzanie. Si Azali Assoumani pouvait y méditer pour les Comores… Mais, il n’a pas la capacité intellectuelle et professionnelle de le faire. Ce n’est pas en interdisant la célébration de l’anniversaire de la naissance du Prophète Mohammed qu’il fera faire des économies, mais en réduisant les voyages, les indemnités et surtout les salaires. Qu’il arrête sa gabegie!

On ne fait pas la politique juste en période électorale. Le peuple ne nous attend pas dans 5 ans, mais chaque jour et surtout maintenant, alors qu’on ne voit aucune lueur d’espoir. C’est pourquoi il faut une organisation et un rassemblement des partis politiques qui ne partagent pas l’option des dirigeants actuels, afin de proposer aux Comoriens une autre voie.

www.lemohelien.com: Que pensez-vous de l’opposition actuelle et qui en est le chef?

     Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: L’opposition existe aux Comores. Elle travaille d’une façon un peu éparpillée et timide peut-être, mais elle est là. L’ensemble du peuple comorien est dans l’opposition, même si les Comoriens n’ont pas la culture d’un combat politique continu et long dans l’opposition. Cela est peut-être dû aux problèmes financiers et à l’absence d’une orientation politique claire. S’agissant du chef de l’opposition, le nom le plus cité est celui de Mohamed Ali Soilihi, un professionnel d’une grande sagesse et pondération, quand d’autres mettent le feu au pays pour assouvir leurs petites haines.

www.lemohelien.com: La dérive dictatoriale s’installe, et le pouvoir actuel, à défaut de régler les problèmes veut couper des têtes, se ridiculisant en voulant humilier, par une procédure «judiciaire» stupide et haineuse les anciens Vice-présidents Mohamed Ali Soilihi et Nourdine Bourhane, qui ont le vent en poupe pendant qu’Azali Assoumani s’abîme dans les abîmes de la damnation, de la malédiction et de l’impopularité. Y comprenez-vous quelque chose?

     Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah: Je n’ai pas l’habitude de critiquer notre Justice. Je veux juste rappeler qu’il y a des dossiers qui datent du régime politique d’Azali Assoumani I et d’Ahmed Abdallah Sambi et qui dorment. Nos magistrats pourraient bien travailler s’ils en avaient les moyens. Je suis très en colère et très inquiet quand je vois le ministre d’État en charge de la Justice faire son cinéma. Qu’il arrête son char! Il en fait trop et ne sait pas où il va. Il veut quoi, cet homme? C’est pathétique. Il a été candidat à l’élection présidentielle, avait fait beaucoup de bruit pour rien sur la justice et les justiciables et il n’a fait aucune amélioration dans ce domaine. S’il pouvait se taire au lieu d’instrumentaliser la Justice pour vider des querelles personnelles par haine.

Propos recueillis par ARM

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© www.lemohelien.com – Jeudi 8 décembre 2016.


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