Interdit d’interdire le journalisme à Abdallah Agwa
Un pouvoir aux abois veut décapiter la seule presse libre
Par ARM
Le mot est de Pierre Péan, le journaliste-écrivain qu’on ne présente plus: «Au-delà de certaines bornes, le ridicule ne tue plus… il conserve!». C’est la seule pensée qui vient à l’esprit dès qu’on parle de l’affaire Abdallah Agwa. De quoi s’agit-il? Il s’agit d’une horreur que vont porter les Comores sur le front durant des décennies. Oui, mais encore? Voici ce qui s’est passé. De sa belle voix de Stentor, le journaliste vedette Abdallah Agwa a dit une chose tout à fait naturelle au vu de l’inextricable sociologie aux arêtes vives de la Grande-Comore: tant qu’il n’a pas célébré le grand mariage et dans la mesure où il n’est pas un jurisconsulte musulman, le «concubinocrate» Azali Assoumani n’a pas le droit de porter la tenue vestimentaire traditionnelle réservée aux grands notables et aux dignitaires religieux. La sociographie de l’archipel des Comores nous apprend que dans ce pays, le respect des lois de la République n’est pas érigé en règle sociale obligatoire, alors que la moindre violation d’une norme relative au grand mariage peut entraîner des conséquences sociales sur des décennies. C’est une réalité sociale comorienne.
Dès lors, comment pouvons-nous comprendre l’acharnement mis à vouloir empêcher le journaliste Abdallah Agwa de s’exprimer? Abdallah Agwa est un citoyen libre et a le droit de parler de la société comorienne. Il n’a pas évoqué les tribulations du «ventriote» Azali Assoumani avec ses dizaines de maîtresses et de bâtards qu’il a eus à droite et à gauche, et dont il donne les mères en mariage arrangé à des garçons sans dignité qui veulent devenir ministres. Le sociologue marocain Ali Benhaddou a écrit de belles pages sur les «mariages de prospérité». Abdallah Agwa parle de problèmes de société, et il n’est pas interdit de parler de problèmes de société. Par jalousie professionnelle et parce qu’ils sont des aigris professionnels, ses ennemis du pouvoir, y compris dans les rangs des journalistes de mendicité, connivence et révérence qui pullulent à Moroni, arguent du fait qu’il n’aurait pas de formation de journaliste et qu’il faudrait lui fermer la bouche pour ça. C’est comme si ces jaloux avaient une formation de journaliste, alors que les centaines de fautes de français qu’on relève dans leurs articles sont devenues une honte nationale. Abdallah Agwa vaut mieux que des vantards aigris.
Le jeudi 29 décembre 2016, Abdallah Agwa a été «jugé» à la hussarde, et le verdict sera rendu le samedi 31 décembre 2016. Le parquet a requis une peine de 9 mois de prison ferme et de 3 mois de sursis, et en prime, l’interdiction d’exercer le métier de journaliste! Rien que ça! C’est une première dans les annales judiciaires mondiales. Pour une histoire boubou et d’écharpe, alors que le fugitif international Hamada Madi Boléro avoue sa pédophilie sur ses élèves, et est libre de ses mouvements, conduisant à la ruine la Commission de l’océan Indien (COI). Au même moment, un ministre de la «Ripoux-blique» lève des élèves mineures devant les écoles, et on lui présente des félicitations et lui tresse des couronnes.
Que dire d’Ahmed Sambi, accusé par la journaliste Atossa Araxia Abrahamian d’avoir volé 350 millions de dollars (163.209.160.000 francs comoriens!) aux Comoriens sur le dossier maudit de la maudite «citoyenneté économique»? Que dire du «pouvoiriste» polygame Azali Assoumani Baba? Pour rappel, Thierry Vircoulon l’a nommément accusé en janvier 2007 d’avoir volé aux Comoriens 20 milliards de francs comoriens de 1999 à 2006: «La privatisation de l’État, le “néo-paternalisme” de type sultanique ou la “politique du ventre”, bref les racines de ce que la Banque mondiale appelle la “mauvaise gouvernance” n’ont pas été éradiquées durant la transition. Corruption et mauvaise gouvernance ont continué à prospérer sous les yeux de la “communauté internationale”: aux Comores, comme l’atteste la découverte de 40 millions d’euros dans des comptes à l’étranger, le Colonel Azali a pillé le Trésor public et distribué les contrats publics à la coterie formée par ses proches». Tous ces criminels sont dans la nature, et c’est Abdallah Agwa qu’on emprisonne? On emprisonne un homme qui apporte de la vie dans les foyers, et on glorifie des voleurs et des pédophiles?
Kamal Saïndou commet une gravissime erreur en posant la question de savoir s’il faut défendre Abdallah Agwa et en soutenant: «Je n’apprécie pourtant guère sa conception de l’information et sa capacité à changer de râtelier». Par la suite, il verse des larmes de caïman des rivières de Madagascar, mais oublie que, comme disait Buffon, «le style, c’est l’homme» et qu’Abdallah Agwa a le droit d’avoir les idées politiques qu’il veut, d’en changer autant que cela lui plaît. Pourquoi les acteurs politique de pacotille que comptent les Comores auraient le droit de changer d’affinités politiques et non un journaliste qui a abolit les frontières de la peur et qui affiche un courage que ceux qui se disent «les bons et vrais journalistes» n’ont jamais eu? On se moque de qui? Et, il y a cet épouvantable «juge» que Sa Suffisance Monsieur le Grand Vizir en charge de Dieu, du Prophète, du Paradis, des Gènes, de la Généalogie et de la Génétique est allé chercher dans les fanges de la Douane pour exécuter ses désirs de haine et vengeance personnelles. Dieu reconnaîtra les siens.
Pourtant, il y a de l’espoir. Il y a de l’espoir parce que 10 avocats ont joint leurs efforts pour défendre Abdallah Agwa. Naturellement, si j’étais inscrit au Barreau de Moroni, j’aurais été son 11ème avocat, et cela, à titre rigoureusement gratuit. Oui, Abdallah Agwa, le symbole de la liberté de la presse aux Comores, vaut d’être défendu gratuitement, au nom de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Le système de défense dans son cas se résume à deux choses fondamentales: d’une part, l’illégalité de toute la procédure suivie et, d’autre part, l’absence d’un vrai chef d’inculpation. On embête Abdallah Agwa pour une histoire de boubou et d’écharpe, même si, par la suite, on requalifie les faits? Une fois de plus, il faudra rappeler qu’en matière de presse, il n’y a ni flagrant délit, ni comparution immédiate, ni peine de prison. Cela étant, si le samedi 31 décembre 2016, dernier jour de l’année, le gabelou de la Douane de Moroni devenu «Président de Tribunal» par la volonté de l’héritier du Trône de Salomon englouti par le Karthala condamne Abdallah Agwa à une quelconque peine de prison ou à une interdiction d’exercice du métier qui l’a rendu célèbre, le monde entier comprendra qu’il est un juge des ripoux sévissant dans la justice des ripoux. Sa réputation lui appartient.
Par ARM
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© www.lemohelien.com – Vendredi 30 décembre 2016.