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Ali Soilihi, «un tyran fou et sanguinaire», «le Pol Pot de l’océan Indien»

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Ali Soilihi, «un tyran fou et sanguinaire», «le Pol Pot de l’océan Indien»

«Le dictateur qui rêvait d’abolir l’État», du culte au terrorisme de la pensée

Par ARM

     Un terrorisme des idées plane sur les Comoriens et menace du pire tout auteur de la moindre évocation des dangers et méfaits gravissimes qu’ont représenté deux dictateurs tropicaux très imbus de leur personne, qui se plaçaient eux-mêmes sur le panthéon de l’inviolabilité et du sacré: Saïd Mohamed Cheikh (1904-1970) et Ali Soilihi (1937-1978, au pouvoir du 3 août 1975 au 13 mai 1978), tous deux originaires de la Grande-Comore. Il est interdit de refuser de les sanctifier, béatifier et diviniser. Ne peuvent dire la vérité sur eux que des écrivains français, et quand ceux-ci le font, ils sont dénigrés par «les Comoricains» (les Comoriens qui savent ce qu’ils ne savent pas) et par «les bons et vrais Comoriens». Ceux qui se déclarent «Soilihistes», «Nouveaux Soilihistes» ou membres de «la Nouvelle Génération soilihiste» sont carrément dans le terrorisme de la pensée, dicté par un fanatisme excluant toute forme de critique: «“Le Mongoziˮ ou “Leaderˮ Ali Soilihi était un dirigeant visionnaire et infaillible, il était Dieu».

     Pourtant, des auteurs, français, nous rappellent ce que nous savons mais sommes interdits de dire, même dans nos rêves et songes. C’est ainsi que le journaliste et écrivain français Vincent Nouzille a pu écrire: «En 1975, avec le feu vert de Paris, il y a installé de force un nouveau président, Ali Soilih, considéré alors comme un ami de la France. Mais ce dernier s’est rapidement transformé en un tyran fou et sanguinaire, de plus en plus incontrôlable, donc embarrassant, au point d’être surnommé le Pol Pot de l’océan Indienˮ»: Vincent Nouzille: Les tueurs de la République. Assassinats et opérations spéciales des services secrets, Fayard, 2015, p. 89.

     Pour rappel, de 1975 à 1979, la dictature de Pol Pot avait tué 2 millions de personnes au Cambodge, rebaptisé Kampuchéa Démocratique, vénéré par l’Association des Stagiaires et Étudiants des Comores (ASÉC) d’Idriss Mohamed Chanfi et autres Franco-comoriens, et ces morts représentent 21% de la population de ce pays. Après sa chute, Pol Pot dira du bout des lèvres: «Nous avons peut-être commis des erreurs». Il y a d’abord le «peut-être», comme s’il n’était pas sûr d’avoir commis les pires atrocités, et ensuite, le fait qu’il qualifie d’«erreur» dans l’incertitude un génocide d’une horreur inouïe.

Ali Soilihi à Mayotte en 1975

     L’Armée d’Ali Soilihi sera accusée, à raison d’ailleurs, d’emprunter ses méthodes de sang et de mort aux terribles et maudits «Tontons macoutes», acteurs du horrible terrorisme d’État de la dictature des affreux Duvalier père et fils en Haïti, pays plongé actuellement dans un chaos mortel: «Tontons macoutes à la comorienne»: Daniel Junqua: Comores. Le témoignage de réfugiés en France. Quand les «Mapindouzi» font la loi, Le Monde, Paris, 4 mars 1978, p. 4.

     Personnellement, j’ai vu «les Tontons Macoutes à la comorienne», tous originaires de la Grande-Comore, massacrer les Mohéliens au lendemain de la mascarade plébiscitaire d’Ali Soilihi du 28 octobre 1977, quand ce dernier avait demandé à la population de voter «pour le Président ou pour son successeur», les Mohéliens ayant voté, malgré la fraude électorale des autorités, à 97% contre Ali Soilihi, donc en faveur d’un «successeur» sans identité, ni visage: «Ce qui signifie que de nombreux villages ne votèrent pas. L’île même de Mohéli refusa la manipulation électorale d’Ali Soilih et ne lui accorda que 3% des voix. Bien difficilement on bourra les urnes. Par vengeance, le chef d’Etat révolutionnaire interdit toute circulation dans l’île pendant quinze jours entiers, puis y envoya ses commandos. Pendant six mois Mohéli subit la terreur Mapindrouzi […]»: Jean Charpantier: Le régime d’Ali Soilih, Moroni, 1975-1978: analyse structurelle, (Troisième partie), Le Mois en Afrique, n°223-224, août-septembre 1984, Paris, p. 31.

     Sur la même situation, on apprend: «La révolte de Mohéli ne fait l’objet d’aucune mention dans les agences de presse. Pourtant, après le vote du référendum, l’île se met en état de contestation totale à l’égard du pouvoir central et des comités […]. Il fait envoyer un détachement de l’armée à Nioumachoua le 28 décembre 1977 pour rétablir l’autorité. La répression sera sévère : au moins une centaine de récalcitrants seront déportés dans le Sud de la Grande-Comore et le vice-président Mohamed Hassanaly coupable de sympathie pour ses concitoyens est mis en résidence surveillée dans sa maison de Mrodjou»: Emmanuel Vérin: Les Comores dans la tourmente: vie politique de l’archipel, de la crise de 1975 jusqu’au coup d’État de 1978, APOI, volume X, 1984-1985, publié en 1989, p. 86.

     Pierre Vérin vient donner l’estocade, en présentant Ali Soilihi en ces termes peu flatteurs: «Le dictateur qui rêvait d’abolir l’État», expliquant sans la moindre trace de charité: «Ali Soilihi, qui va étonner le monde en devenant le premier dictateur qui abolira l’administrateur de l’État dont il est le chef, révélera du même coup à l’Univers l’existence des Comores que maintes personnes ne savent pas dans quel océan situer»: Pierre Vérin: Les Comores, Les Éditions Karthala, Collection «Méridiens», Paris, 1994, pp. 157 et 164.

     Le juriste constate de nombreuses faillites juridiques inadmissibles dans la gouvernance d’Ali Soilihi, un dirigeant qui a été incapable de doter les Comores des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) et même d’inscrire le moindre droit de l’Homme et liberté fondamentale dans Loi fondamentale du 23 avril 1977, sauf quand il est question, dans le Préambule, du mensonge selon lequel «l’égalité des droits entre l’homme et la femme s’entend aussi bien sur le plan civique que sur le plan effectif de l’emploi et des possibilités de promotion».

     La journée du 9 août 1975 a été celle des «Déclarations constitutionnelles», adoptées à la chaîne et à la pelle, se contredisant et s’annulant les unes après les autres, le même jour, annonçant des institutions publiques enchevêtrées, inextricables et emberlificotées qui n’ont jamais vu le jour.

     Pis, Ali Soilihi n’a pas seulement été à l’origine d’un désordre monumental aux Comores; il est surtout le dirigeant très imbu de son auguste personne ayant décrété que tous les Comoriens formés par la France sont nullissimes sauf lui-même, qui a introduit le putschisme, le mercenariat et Robert «Bob» Denard aux Comores le 3 août 1975, soit moins d’un mois après la proclamation unilatérale de «l’indépendance de drapeau» (Julius K. Nyerere), le 6 juillet 1975.

     Ici et là, il a été dit qu’il a construit des «Moudiria», des centres administratifs, et leurs collèges. Mais, avec quel argent? On ne le dit pas. Or, c’est en 2012, soit 34 ans après la chute d’Ali Soilihi, que Mohamed Ali Soilihi, Vice-président et ministre de l’Économie et des Finances, obtenant l’annulation de la dette des Comores dans le cadre de l’Initiative Pays pauvres très endettés (IPPTE), avait réglé la dette contractée par Ali Soilihi, jadis.

     Quand, le 6 juillet 1975, Ahmed Abdallah Abderemane avait proclamé l’indépendance dans la précipitation pour sauver ses propres intérêts personnels, les Mahorais avaient exigé des fonctionnaires comoriens leur départ de leur île. Ceux-ci n’avaient pas encore fini de boucler leurs valises et de faire leurs cartons qu’ils voyaient leurs compatriotes affluer à Mayotte, fuyant leur pays transformé en dictature irrespirable en quelques heures par «le dirigeant visionnaire» Ali Soilihi, qui s’était même mis en tête d’obliger les Comoriens à transformer radicalement leurs habitudes alimentaires de manière à remplacer le riz, conservable sur des années, en maïs frais, conservable 24 heures seulement!

     Avant l’indépendance des Comores, Ali Soilihi avait été Député, puis ministre. Quand les Mahorais réclamaient leurs droits légitimes au sein du Territoire des Comores et quand Saïd Mohamed Cheikh les insultait, le Député Ali Soilihi se rangeait du côté de «son compatriote insulaire» pour nier aux Mahorais leurs droits. Par la suite, il se présentera en chantre de l’amour pour Mayotte, en accusant ses anciens alliés objectifs du Parti Vert de tous les maux.

     Ali Soilihi avait dirigé la Société pour le Développement économique des Comores (SODÉC), l’entraînant à la ruine, par gabegie et incompétence. On se tait à ce sujet. La seule voix qui en parle est celle de Saïd Ali Mohamed, Anjouanais, Député sous l’autonomie interne, ministre puis Premier ministre des Comores indépendantes: «Ali Soilihi avait créé plusieurs mutuelles agricoles et y avait placé uniquement ses fidèles militants. Personne d’autre ne pouvait apporter une appréciation sur le fonctionnement de la SODÉC. Il aurait été logique de chercher à connaître les résultats laissés dans le pays par cette organisation mutualiste qui était chargée du développement agricole des Comores. Amdjad Saïd Omar, nommé en même temps que lui à la tête de la SODÉC, mais lui comme responsable de toute l’administration financière, n’aurait pas claqué la porte de cet organisme pour rien peu de temps avant l’accession des Comores à l’indépendance. Quand le pays allait enfin s’engager dans la voie de l’indépendance, il manquait de cadres administratifs valables. Amdjad Saïd Omar était un bon administrateur. Il connaissait les dessous de la gestion d’Ali Soilihi à la SODÉC. Pourquoi aucune autorité ne l’a interrogé sur la question? Quel est le bilan laissé par la SODÉC, une société qui a dépensé plusieurs millions de francs comoriens pour le développement agricole du pays? Si seulement Amdjad Saïd Omar pouvait écrire sur ce qui s’est passé à la SODÉC…»: Saïd Ali Mohamed: Une oasis dans le désert des Comores. Histoire et refondation citoyenne, Les Éditions L’Harmattan, Paris, 2021, pp. 164-165.

     Anjouanais et Grands-Comoriens avaient voté pour Ali Soilihi le 28 octobre 1977, à la différence des Mohéliens. Ils peuvent tresser des couronnes à leur Ali Soilihi, même après avoir fui sa dictature pour Mayotte. Si les familles signalaient les leurs qui ont été tués par les militaires d’Ali Soilihi entre Anjouan et Mayotte, pour ne pas atteindre Mayotte, les victimes maritimes de «la Révolution» se compteraient par milliers. Mais, les Comoriens se taisent.

     À Mohéli, à l’annonce du renversement d’Ali Soilihi, le 13 mai 1975, la population avait chanté et dansé durant des jours. J’ai vu mon père pleurer quand il a vu revenir à leurs familles des jeunes de Djoiezi qui avaient été déportés en Grande-Comore, certains étant juste âgés de 16 ans, eux dont l’horrible «crime contre l’humanité» et «crime de génocide» sont dans le fait qu’ils jouaient aux dominos l’après-midi! Ils étaient déportés pour ça! Oui, pour ça!

     Une belle petite chanson des «bons et vrais Comoriens» nous apprend que l’Islam nous apprend: «Parlez du bien de vos morts». C’est très beau, très joli, et très bien dit. Pour autant, les masses populaires veulent savoir si la mort absout toute faute impardonnable et conduit toutes ses victimes au Paradis, même les pires pédophiles, autres criminels et génocidaires. Qu’on nous le dise pour que la chose soit claire dans les esprits.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Mercredi 25 juin 2025.


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