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«Les Yeux dans les Yeux»: Les secrets d’une tragédie

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Ahmed Sambi-Anjouan: Omerta sur une sale guerre à Anjouan (Suite)

Par Djaanfar Salim Allaoui

     À nouveau, nous vous invitons à replonger sur les dessus et les non-dits de la crise anjouanaise, dont ma démarche est de contribuer, un peu soit-il en ma qualité de témoin privilégié, à la manifestation de la vérité. Pour rappel, le contentieux Ahmed Sambi-Anjouan reste purement électoraliste, donc politique. Aussi, peut-on se demander s’il n’était pas plus sage d’avoir recours à un règlement politique plutôt qu’à une action militaire contre Anjouan, l’île natale d’Ahmed Sambi. La question mérite d’être posée chaque fois que nous allons avoir l’occasion de situer les niveaux de responsabilité des différents acteurs de la crise.

     Effet, il est apparu clairement qu’Ahmed Sambi a délibérément créé un climat propice à l’anarchie et au désordre afin d’arriver à ses fins, à savoir: éliminer toute chance de réélection du Président sortant Mohamed Bacar, lequel avait le vent en poupe dans le cœur des Anjouanais, comme les sondages d’opinion du moment le suggéraient à l’approche de la période au cours de laquelle il devait briguer un deuxième mandat à Anjouan. C’est l’une des causes réelles parmi tant d’autres de la discorde. En effet, de fil en aiguille, la crise de confiance entre les exécutifs de l’Union et de l’île autonome d’Anjouan, le flottement et le jeu d’approximations des chancelleries en poste à Moroni à l’exception de l’Afrique du Sud ont permis d’asseoir les prémices d’un conflit d’approche, l’affaiblissement des institutions comoriennes et les rivalités interpersonnelles.

     En septembre 1997 déjà, 3 ans après, Anjouan a emboité le pas à Mohéli, en invoquant dans sa démarche le sacro-saint principe de l’équilibre des Îles. En effet, Anjouan, la perle des Comores, fortement marquée par la misère et la pauvreté endémiques et traînant une densité de population la plus galopante dans l’Archipel (et l’une des plus élevée au monde), s’est toujours sentie la laissée-pour-compte. On est là, au cœur des années 1990 et les institutions de Bretton-Woods (FMI et Banque mondiale) ont mis les Comores dans un vaste programme d’ajustement structurel marqué par la rigueur et l’austérité. Anjouan, au tissu économique inexistant, subit de plein fouet les mesures draconiennes des gendarmes de la finance mondiale. Tout semble réuni pour un mouvement de contestation et de rejet par rapport à un ordre préétabli caractérisé par une centralisation administrative et économique excessive, un front allait aussi s’engager sur le terrain de la répartition des ressources et de l’égalité des chances entre les ressortissants des trois Îles.

     Nous relevons que la crise politico-institutionnelle est un fait majeur. En effet, du constat ci- dessus énoncé l’on aboutit à une querelle de personnes qui dénature en elle-même complètement la substance fondamentale du contentieux qui est, avant tout, d’ordre électoral. Au-delà des querelles de personnes, Ahmed Sambi s’est toujours fait l’écho des blocages au niveau du fonctionnement des nouvelles institutions comoriennes mettant ainsi à mal l’unité du pays. Il a la fâcheuse manie de se contredire dans ses discours en rapport avec les textes instituant les fondements du nouvel ensemble comorien. Tantôt, il accepte l’autonomie des îles et s’engage même à ne pas y toucher, tantôt il estimait que les pouvoirs de l’Union étaient accaparés par les îles, une façon de feindre ignorer les différents accords de réconciliation signés. Il promulgue les lois sur les domaines de compétence de l’Union et des îles, mais refuse dans un second temps de les appliquer, naviguant ainsi à vue d’œil dans les méandres de la politique politicienne chère à tout despote qui se cache sous les jupes et les pagnes. Il a toujours su habilement mettre en coupe réglée les nouvelles institutions du processus de réconciliation comorienne.

     Pour Ahmed Sambi, la voie du consensus et du dialogue demeure des actes de faiblesse susceptibles d’infléchir la route qu’il s’est tracée. Il considère, en monarque absolu, que tout ce qu’il a envie de faire est à faire et tout ce qui vient des autres est nocif. D’où la série de violations des textes fondamentaux dont l’Union des Comores s’est fait le champion incontesté. Cette propension abusive de l’Union des Comores à fouler aux pieds les lois et règlements de la République a beaucoup nui à un règlement pacifique du contentieux. Dès lors, tout était biaisé et il n’y avait pas place aux bons procédés pouvant aboutir à une cohabitation harmonieuse entre les différents acteurs de la crise. Il faut se dire, et là j’assure, que la logique de Sambi tient du chaos, étant donné qu’il est de part sa nature un intégriste confirmé et qui est appelé à faire table rase de tout ce qui nuit de près ou de loin à sa doctrine.

     La diplomatie comorienne plutôt que d’orienter ses efforts vers une approche dans la résolution du contentieux anjouanais a fait l’option d’initier une guerre fratricide sur une partie du territoire national qui se trouve être son île natale. Personnellement, je trouve qu’Ahmed Sambi a failli à sa mission d’arbitre et de modérateur du bon fonctionnement des institutions tel que cela a été rapporté dans une des dispositions de la Constitution de l’Union des Comores. Une chose est certaine: Ahmed Sambi a brillamment réussi ce qu’il sait faire avec brio, c’est-à-dire sa capacité à jouer les victimes, de manière à gagner la sympathie de son vis-à-vis afin de le gagner à sa cause et de le plier à ses desiderata. Ainsi donc, a-t-il su entraîner et faire précipiter la décadence en profondeur de l’Union africaine – oh, pardon, du syndicat des chefs d’État Africains – dans le microcosme anjouanais. Aujourd’hui l’organisme panafricain est sérieusement discrédité et reste sous la menace de son éclatement.

     En Afrique continentale, des cas assimilés au contentieux électoral anjouanais se sont sérieusement posés et sont en gestation à ce jour. Le cas du Burundi avec le Président Pierre Kurunziza en est l’illustration, et l’Union africaine peine à imposer son autorité et à formuler des propositions de sortie de crise. Et malgré tout, elle n’a toujours pas eu recours à la force militaire panafricaine, il faut reconnaitre – rendons à César ce qui appartient à César – dans ces contrées africaines, le Président ne s’appelle pas Ahmed Sambi et l’envoyé spécial du Président de la Commission de l’Union africaine ne s’appelle pas non plus Francisco Madeira, un autre chantre de la démocratie sonnante et de l’art de négocier dans les couloirs de l’opacité intéressée. Que voulez-vous? Quand un pays comme le Mozambique se met à envoyer au siège de l’organisation panafricaine des diplomates qui n’ont de diplomatique que leurs poches, le résultat qui en découle se passe de commentaire.

     Quant à Ahmed Sambi, il est, à n’en point douter, coupable de haute trahison, et il aura un jour à rendre compte à la nation et aux Anjouanais tombés sous les balles de l’expédition militaire contre Anjouan, une sale guerre contre son île natale et par celles et ceux nombreux qui ont été torturés, pillés et vandalisés, et même déportés par centaine au camp militaire de Kandrani. Certes, on peut accuser sans enquête tout comme on peut séquestrer – oh, pardon – on peut enfermer sans aucune instruction judiciaire et prendre ainsi le jugement soi-même, juge, partie civile, avocat à charge et avocat de la défense, toutes ces fonctions sont assumées par une seule et même personne. Son Altesse Sérénissime et en turban Ahmed Sambi, le chantre incontestable et incontesté de la remise en l’état d’une justice prétendument implacable, le verbe infatigable de la démocratie encrassée pour ne pas dire écrasée.

     Ainsi, vaille que vaille et pour le malheur d’une population exsangue, l’amateurisme est-il bel et bien installé au sommet de l’État et vogue la galère. Mais, de qui se moque-t-on? Des chancelleries en poste à Moroni coupables de complicité active dans la descente aux enfers de l’Île d’Anjouan déjà trop éprouvée par une misère endémique, cela n’est pas rassurant. Ahmed Sambi a laissé derrière lui un pays dans le chaos et de nouveau, il promet le chaos. Mais, c’est peut-être cela son vrai but: les intégrismes ne savent mieux prêcher qu’en eaux troubles et avec les emphases qu’on lui connaî maintenant, il aura damé le pion à tout son monde.

Par Djaanfar Salim Allaoui

Ancien Vice-Premier ministre des Comores

Ancien ministre de l’Intérieur de l’île autonome d’Anjouan

Secrétaire général et Porte-parole de GNEC Rénové

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© www.lemohelien.com – Samedi 19 septembre 2015.


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