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Les Comores jouent avec le feu du confessionnalisme

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Interdire les destinations universitaires dangereuses aux étudiants

Par ARM

   Du 25 au 27 août 2015, a eu lieu un congrès d’Oulémas comoriens à Anjouan. On nous dit doctement que les sectes déviantes comme celles des Chiites et des Ahmadiyya n’ont pas été invitées au congrès. Est-ce important? Oui. C’est important parce que les Comores sont en train de devenir un champ d’expérimentation des nouvelles guerres confessionnelles au sein du monde musulman, dans les frontières d’un même pays. Les Comores se glissent vers une situation dans laquelle les Chiites, absolument minoritaires et dont le représentant le plus emblématique est Ahmed Sambi, vont déclarer aux Sunnites une guerre sanglante dont les vrais enjeux vont dépasser le cadre des Comores. Derrière, c’est la République islamique d’Iran qui va tirer les ficelles, comme si les Comores étaient une simple province persane, comme si les Comores n’étaient pas un État indépendant. Si rien de sérieux n’est fait pour un contrôle absolu des activités de prosélytisme d’Ahmed Sambi et de ses coreligionnaires en faveur du Chiisme sur le sol comorien, les Comores vont imploser, et les Comoriens vont se livrer des batailles de rue comme cela se fait dans certains pays musulmans. Ne perdons pas de vue le fait que la chiitisation des Comores est ouvertement évoquée par Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais. Pour que les Comores intéressent le Hezbollah au Liban, il a fallu une bonne raison, et cette raison est trop dangereuse pour la paix et la stabilité des Comores. Quand éclatera la guerre confessionnelle entre Sunnites et Chiites aux Comores, ce ne sont même pas des Comoriens qui seront du côté des Chiites, mais des étrangers, et ce n’est pas bon pour le pays. Même Mayotte sera entraînée dans cette spirale de violence.

   N’oublions pas une phrase dans l’interview que l’ancien ministre Mouzaoir Abdallah avait accordée à Mme Mariata Moussa du journal gouvernemental Al-Watwan, le jeudi 20 août 2015: «Après cette histoire, une délégation iranienne est venue me voir pour la prolongation du mandat de Sambi». Pourquoi des Iraniens ont voulu imposer au Président de la Cour constitutionnelle des Comores une décision pour le maintien absolument anticonstitutionnel d’un chef d’État incompétent dont le mandat légal à la tête de l’État comorien était arrivé à expiration? Parce que les dirigeants iraniens sont convaincus que le Comorien le mieux à même de répandre et défendre le Chiisme aux Comores est Ahmed Sambi. La situation est très grave et a commencé à pourrir depuis la présidence de Saïd Mohamed Djohar, quand il a été constaté dès 1993 que «novembre [1993], une perquisition dans les milieux islamistes de France a permis de découvrir des documents prouvant que des fonds iraniens à destination du FIS algérien passaient par la Banque internationale des Comores, à Moroni» et qu’«environ 160 jeunes Comoriens sont partis étudier en Iran. Sur place, ils sont pris en charge par le Front islamique de Libération des Comores. Quelques dizaines d’entre eux ont été envoyés en Afghanistan se battre aux côtés des moudjahidin. Certains sont rentrés au pays, une douzaine sont en Algérie, intégrés au sein du GIA (Groupe islamique armé), auteur d’attentats antifrançais […]»: Mireille Duteil: Scoop. Poudrière comorienne, Le Point n°1120, Paris, 5 mars 1994, p. 21.

   Ne nous trompons donc pas. La chiitisation des Comores passe par la formation secondaire et supérieure de Comoriens dans des pays très dangereux, et Jacques Foccart le dit avec la voix de celui qui sait de quoi il parle: «Une menace qui vise plus spécifiquement les Comores vient des milieux islamistes, notamment d’un groupe basé au Kenya. Or, l’absence de réaction française ne se justifie pas par un manque de moyens. Les bacheliers comoriens qui veulent faire des études supérieures souhaitent tous, ou presque, aller à l’université de la Réunion. Ils sont deux cents ou deux cent cinquante par an. On leur donne quatre bourses. Résultat : les autres vont en Iran, en Arabie Saoudite ou dans les Émirats, où ils sont accueillis à bras ouverts. C’est du moins ainsi que je vois la situation»: Jacques Foccart: Foccart parle. Entretiens avec Philippe Gaillard, Tome II, Fayard et Éditions Jeune Afrique, Paris, 1997, p. 440. N’oublions pas que quand le Moronien Fazul Abdallah Mohamed a quitté les Comores pour le Pakistan, il était censé aller étudier la Médecine à Rawalpindi et non le terrorisme, et il était devenu l’un des terroristes les plus dangereux du monde, planifiant et exécutant les attentats contre les Ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie le 7 août 1998, tuant des dizaines d’innocents, en blessant des dizaines d’autres, devenant le représentant personnel d’Oussama Ben Laden en Afrique de l’Est, avant d’être tué en Somalie le 8 juin 2011.

   La faute à qui? La faute est au gouvernement comorien, qui ne contrôle pas les destinations universitaires des étudiants. Aujourd’hui, n’importe quel Comorien peut prendre l’avion et aller étudier dans des pays où on lui bourre la tête d’un certain nombre d’insanités sur la religion et, dès qu’il retourne aux Comores, il se lance dans un prosélytisme qui perturbe toute la paix sociale du pays, en commençant par fustiger le Sunnisme de rite chaféite. La situation est d’autant plus grave que le 8 janvier 2013, le Président Ikililou Dhoinine a promulgué la loi n°08-011/AU adoptée le 24 juin 2008 par l’Assemblée de l’Union des Comores et portant règlementation générale des pratiques religieuses en Union des Comores. L’article 1er de cette loi fait de l’Islam sunnite de rite chaféite «la référence religieuse officielle en Union des Comores». Une question fondamentale se pose alors: pour quelle raison a-t-il fallu qu’une loi adoptée le 24 juin 2008 par l’Assemblée de l’Union des Comores ne soit promulguée que le 8 janvier 2013? La réponse est très simple: quand cette loi a été adoptée par le Parlement comorien, le Président des Comores était le Chiite Ahmed Sambi et, dès l’instant où il aurait promulgué un décret ne reconnaissant pas le Chiisme comme une religion comorienne, il aurait été inondé d’appels téléphoniques de ses chefs de la République islamique d’Iran. Comme «un bœuf ne mange pas un autre bœuf», Ahmed Sambi n’aurait jamais signé un décret pour promulguer une loi ne reconnaissant pas le statut officiel de sa propre religion aux Comores.

   Et le Droit dans tout ça? L’article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme dispose: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites». Aux Comores, dès la Constitution du 1er octobre 1978, la liberté du culte est affirmée, et cela dans le Préambule et de la manière la plus solennelle, à travers la reconnaissance de «l’égalité de tous les citoyens en droits et en devoirs sans distinction de sexe, d’origine, de race, de religion ou de croyance» et des «libertés de pensée, de conscience et de pratique de la religion sous les seules réserves du respect de la morale et de l’ordre public». Dans le Préambule de la Constitution actuelle, celle du 23 décembre 2001, telle qu’elle subira les tripatouillages et dévergondages d’Ahmed Sambi le 17 mai 2009, on retrouve l’affirmation de «l’égalité de tous en droits et en devoirs sans distinction de sexe, d’origine, de race, de religion ou de croyance» et de «la liberté et la sécurité de chaque individu sous la seule condition qu’il n’accomplisse aucun acte de nature à nuire à autrui». La liberté de culte n’a pas fait l’objet d’une mention spéciale, mais on peut se contenter de ces deux dispositions.

   D’accord, chacun est libre d’avoir la religion qu’il veut. Et les Comores sont un pays très tolérant sur le plan religieux. Pendant la période coloniale, les églises du pays n’ont jamais subi la moindre dégradation ou attaque. «Mon Père» vaquait à ses occupations sur chacune des quatre îles dans un climat de tolérance totale. Aujourd’hui, les Témoins de Jéhovah, avec qui il m’arrive souvent de discuter dans le calme et le respect des croyances mutuelles, circulent aux Comores et font du prosélytisme. Ils sont tolérés parce qu’ils ne perturbent pas la paix sociale. Or, dans le cas des Chiites et des autres sectaires se réclamant de l’Islam, la paix sociale est en danger aux Comores. Les Chiites ne posent pas qu’un problème religieux, mais également un problème géostratégique et géopolitique parce que plaçant les Comores à la merci et dans l’orbite d’une puissance étrangère, la République islamique d’Iran, qui se sert même de Comoriens sur l’île de Madagascar pour faire du prosélytisme: «Les Iraniens avancent un à un leurs pions dans les îles de l’océan Indien. Plaque tournante de leur activité, la représentation de la République islamique à Madagascar. Plusieurs personnes s’y activent autour de Bandar Kanori, un homme bien connu des services de police européens. […]. À Madagascar, l’homme est très actif. Plusieurs écoles ont été ouvertes à son initiative, sur la grande Île. C’est d’ailleurs un Comorien qui a été désigné comme Directeur de l’école de Tananarive»: Pascal Perri: Comores. Les nouveaux mercenaires, L’Harmattan, Paris, 1994, pp. 98-99 et 154.

   Aujourd’hui, les Comores n’ont pas le choix. Elles sont au pied du mur. Elles n’assureront la paix sociale des Comoriens qu’en interdisant certaines destinations universitaires aux étudiants comoriens, à un moment où les Comoriens apprennent que d’autres Comoriens meurent du côté de la Syrie, où ils sont allés assouvir des instincts meurtriers nourris par un discours cultivant la haine et la destination de l’autre. Il faudra donc qu’on sache si les autorités comoriennes vont faire ce qui est attendu d’elles pour sauver la paix sociale aux Comores ou si elles vont laisser les garnisons de la détestation et du fanatisme et les agents du terrorisme envahir le pays et le détruire en 1.000 morceaux.

Par ARM

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© www.lemohelien.com – Mardi 1er septembre 2015.


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